Imaginez une ville côtière où l’air, autrefois pur, est devenu irrespirable. À Gabès, dans le sud de la Tunisie, ce cauchemar est une réalité quotidienne. Des centaines d’habitants se sont réunis récemment pour crier leur colère face à une usine de traitement des phosphates qui empoisonne leur environnement. Ce combat, porté par l’espoir d’un avenir plus sain, met en lumière une crise écologique et sociale qui ne peut plus être ignorée.
Gabès : Une Ville Étouffée par la Pollution
La ville de Gabès, jadis une oasis côtière prospère, est aujourd’hui synonyme de lutte environnementale. Les habitants, réunis sous la bannière de l’ONG Stop Pollution, ont manifesté en masse pour exiger le démantèlement d’un complexe chimique responsable de graves problèmes de santé. Cette usine, appartenant à une entreprise publique, produit des engrais en rejetant des polluants toxiques dans l’air et la mer, transformant la région en un foyer de maladies respiratoires et de cancers.
Le déclencheur de cette mobilisation ? Des vidéos choquantes diffusées récemment, montrant des élèves en détresse respiratoire dans une école proche de l’usine. Ces images, relayées par les médias locaux, ont ravivé la colère des habitants, qui dénoncent l’inaction des autorités face à une crise qui dure depuis des décennies.
Une Usine au Cœur de la Controverse
Le complexe chimique, implanté près de la plage de Chott Essalem depuis 1972, est au centre des tensions. Spécialisé dans la transformation du phosphate, une ressource clé pour l’économie tunisienne, il génère des engrais mais aussi des sous-produits toxiques comme le phosphogypse. Ce résidu, chargé de substances cancérigènes telles que le plomb et l’arsenic, contamine les sols et les nappes phréatiques, menaçant la santé des habitants et l’écosystème local.
La production d’engrais émet également des gaz nocifs, comme le dioxyde de soufre et l’ammoniac, qui polluent l’air et provoquent des cas d’asphyxie. En septembre dernier, une vingtaine de personnes ont été hospitalisées pour des problèmes respiratoires liés à ces émanations, un incident qui n’a fait qu’amplifier la colère des habitants.
“Nous voulons vivre ! Gabès est victime de la pollution et de l’injustice du gouvernement.”
Slogan des manifestants à Gabès
Un Combat de Longue Date
Les protestations à Gabès ne datent pas d’aujourd’hui. Depuis des années, les habitants dénoncent la dégradation de leur environnement. La pêche, autrefois florissante dans cette région côtière, a drastiquement décliné, les poissons disparaissant à cause des rejets toxiques dans la mer. Les oasis, qui faisaient la fierté de la ville, sont aujourd’hui menacées par la contamination des sols.
Un rapport scientifique récent a jeté une lumière crue sur l’ampleur du problème. Selon une étude menée par un laboratoire universitaire français, l’usine de Gabès émet des niveaux alarmants de polluants, avec des conséquences dévastatrices : malformations cardiaques, cancers du poumon et autres maladies graves touchent de plus en plus d’habitants. Ces révélations ont renforcé la détermination des manifestants à obtenir justice.
Les Promesses Non Tenues du Gouvernement
En 2017, les autorités tunisiennes avaient promis de démanteler le complexe chimique et de le remplacer par une installation respectant les normes environnementales internationales. Huit ans plus tard, ce projet reste au point mort, alimentant la frustration des habitants. Au lieu de réduire l’impact de l’usine, le gouvernement a annoncé un plan ambitieux pour quintupler la production d’engrais d’ici 2030, passant de 3 à 14 millions de tonnes par an, afin de profiter de la hausse des prix mondiaux.
Cette décision, prise dans un contexte de relance du secteur du phosphate, est perçue comme un mépris envers les préoccupations des habitants. La Tunisie, qui occupait autrefois le 5e rang mondial dans la production de phosphate, est aujourd’hui tombée au 10e rang, en partie à cause de conflits sociaux ayant perturbé l’extraction. Mais pour les habitants de Gabès, la priorité n’est pas la rentabilité économique, mais leur droit à un environnement sain.
Les habitants de Gabès ne demandent qu’une chose : respirer un air pur et vivre sans crainte pour leur santé. Leur combat est un cri d’alarme face à une catastrophe écologique qui menace toute une région.
Les Conséquences d’une Industrie Polluante
La production de phosphate, bien qu’essentielle pour l’économie tunisienne, a un coût environnemental et humain considérable. Voici les principaux impacts de l’usine de Gabès :
- Contamination de l’air : Les émissions de dioxyde de soufre et d’ammoniac provoquent des troubles respiratoires, comme en témoignent les récents cas d’asphyxie.
- Pollution des sols et des eaux : Le phosphogypse contamine les nappes phréatiques avec des substances cancérigènes, menaçant l’agriculture et l’accès à l’eau potable.
- Déclin de la pêche : Les rejets toxiques dans la mer ont décimé les populations de poissons, privant les pêcheurs de leur gagne-pain.
- Problèmes de santé publique : Cancers, malformations cardiaques et autres maladies graves sont en augmentation, selon des études scientifiques.
Ces impacts ne se limitent pas à Gabès. Ils soulèvent des questions plus larges sur la gestion des industries polluantes dans les pays en développement, où les impératifs économiques prennent souvent le pas sur la santé des populations et la préservation de l’environnement.
Un Appel à la Justice Environnementale
Les manifestations à Gabès ne sont pas seulement une révolte contre une usine polluante, mais un appel plus large à la justice environnementale. Les habitants exigent que leur droit à un environnement sain soit respecté, et que les promesses du gouvernement soient enfin tenues. Leur slogan, “Le peuple veut le démantèlement du groupe chimique”, résonne comme un cri de ralliement pour toutes les communautés confrontées à des désastres écologiques.
L’ONG Stop Pollution joue un rôle clé dans cette mobilisation, en sensibilisant la population et en relayant les préoccupations des habitants auprès des autorités. Mais face à l’inertie du gouvernement, la lutte s’annonce longue et difficile.
Vers un Avenir Plus Vert ?
La situation à Gabès soulève une question cruciale : comment concilier développement économique et préservation de l’environnement ? La relance du secteur du phosphate, voulue par le gouvernement, pourrait apporter des bénéfices économiques, mais à quel prix pour les habitants ? La transition vers des pratiques industrielles plus durables est-elle possible dans un pays où le phosphate reste une ressource stratégique ?
Pour répondre à ces défis, plusieurs pistes pourraient être envisagées :
- Modernisation des installations : Remplacer l’usine actuelle par une infrastructure respectant les normes environnementales internationales.
- Contrôle des rejets : Mettre en place des systèmes de filtration pour réduire les émissions de gaz toxiques et de phosphogypse.
- Soutien aux communautés locales : Investir dans des programmes de santé publique et de reconversion économique pour les pêcheurs et agriculteurs affectés.
- Participation citoyenne : Inclure les habitants dans les décisions concernant l’avenir de l’industrie du phosphate.
Ces solutions, bien que coûteuses, pourraient permettre de restaurer la confiance entre le gouvernement et les habitants de Gabès, tout en préservant une industrie essentielle pour l’économie tunisienne.
Le Combat Continue
À Gabès, la lutte pour un environnement sain est loin d’être terminée. Chaque manifestation, chaque cri de colère, est une étape vers un avenir où les habitants pourront respirer librement. Mais pour que ce rêve devienne réalité, il faudra une volonté politique forte et des actions concrètes. En attendant, les habitants de Gabès continuent de se battre, portés par l’espoir d’un avenir plus juste et plus vert.
Et si la voix de Gabès devenait celle de toutes les communautés asphyxiées par la pollution industrielle ?
Ce combat, bien que local, résonne à l’échelle mondiale. Partout, des populations se lèvent contre les industries polluantes, réclamant un équilibre entre progrès économique et respect de la nature. À Gabès, les habitants montrent la voie, prouvant que la détermination d’une communauté peut faire trembler les fondations d’un système qui sacrifie la santé au profit.