À quelques jours de l’ouverture du sommet des dirigeants du G20 à Rio de Janeiro, la gauche mondiale se mobilise. Venus des quatre coins de la planète, quelque 40 000 militants ont répondu à l’appel inédit du président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva pour participer au G20 social. Pendant plusieurs jours, ce forum de la société civile va permettre aux représentants des peuples indigènes, des mouvements noirs, des défenseurs des droits LGBT+ ou encore des jeunes des favelas de débattre des grands défis auxquels le monde est confronté.
Au cœur de Rio, l’atmosphère est à la fête mais aussi à la réflexion. Dans d’anciens entrepôts portuaires transformés en lieu de rencontres face à l’impressionnante fresque de l’artiste Kobra célébrant la diversité humaine, les discussions vont bon train. Comment lutter contre les inégalités galopantes, endiguer le réchauffement climatique, bâtir des sociétés plus justes et inclusives ? Les sujets ne manquent pas.
Une initiative saluée mais qui suscite des doutes
Si beaucoup saluent l’initiative de Lula, icône de la gauche qui entend porter la voix des peuples au plus haut niveau, certains participants ne cachent pas leurs doutes. Le Vénézuélien Miguel Hernandez, agriculteur de 33 ans venu spécialement de l’État de Zulia, espère que les propositions issues de ce G20 social seront réellement prises en compte pour « freiner ou contrôler la crise climatique ». Une crise qu’il attribue sans détour « au développement industriel et au capitalisme ».
Maiara Viana, enseignante brésilienne de 25 ans, se réjouit elle aussi de voir la société civile « entendue » mais s’interroge : les dirigeants appliqueront-ils les résolutions adoptées ? C’est tout l’enjeu de ce forum sans précédent. D’après les organisateurs, certaines propositions ayant fait consensus pourraient être intégrées dans la déclaration finale du G20.
La crainte d’un « grand virage » avec Trump
Au-delà des débats passionnés et des festivités hautes en couleur, comme le « Janjapalooza » (clin d’œil au festival Lollapalooza), en référence à l’implication de la Première dame dans l’événement, une inquiétude sourd parmi les militants : le retour annoncé de Donald Trump à la Maison Blanche.
Pour Elisangela da Silva, venue de Recife défendre son modèle d’agriculture urbaine, la victoire du climato-sceptique peu enclin au multilatéralisme représenterait « un grand virage » : « On va voir ce qu’il va se passer, mais je crois qu’il n’en sortira rien de bon », redoute-t-elle. Son inquiétude est partagée par nombre de participants conscients que l’avenir des grands dossiers mondiaux risque une fois encore de se jouer à Washington.
L’enthousiasme ne fait pas l’unanimité
Mais les activistes présents à Rio sont déterminés à ne pas baisser les bras. « Comme face à chaque menace, nous allons faire un pas en avant nous aussi », assure Elisangela da Silva. Une combativité qui tranche avec le désarroi de ceux qui, à quelques rues de là, dénoncent une « grande hypocrisie ».
C’est le cas de ce sans-abri qui s’indigne de voir peu de participants disposés à lui donner de quoi manger alors qu’à quelques mètres, une banderole appelle à lutter contre la faim et la pauvreté. Un paradoxe qui illustre les limites de ce type de grand raout où la parole n’est pas toujours suivie des actes.
Une étape cruciale pour la gauche mondiale
Malgré ces critiques, ce G20 social représente indéniablement une étape importante pour une gauche mondiale en quête de nouvelles frontières après “les années terribles du néolibéralisme”, comme aime à le rappeler Lula. En associant étroitement la société civile aux discussions du G20, le président brésilien espère insuffler une nouvelle dynamique à un multilatéralisme en crise.
Reste à savoir si cette initiative portera ses fruits et surtout, si les dirigeants réunis lundi seront à la hauteur des attentes suscitées. Pour les milliers de militants présents à Rio, l’espoir est en tout cas permis. En se faisant entendre en amont du sommet, ils ont d’ores et déjà marqué une première victoire. Celle de rappeler aux grands de ce monde que la voix des peuples compte et qu’elle ne saurait être ignorée.