C’est un mariage urbain comme on n’en a jamais vu en France. Deux villes de la Seine-Saint-Denis, Saint-Denis et Pierrefitte-sur-Seine, ont décidé d’unir leur destin pour former une commune nouvelle de près de 150 000 habitants. Si le projet est adopté par les conseils municipaux ce jeudi soir, cette fusion donnera naissance à la deuxième plus grande ville d’Île-de-France, juste derrière Paris. Un évènement inédit qui suscite autant d’espoirs que d’interrogations.
Un mariage de raison pour plus de poids politique
Pourquoi une telle fusion ? Les maires des deux villes, Michel Fourcade pour Pierrefitte-sur-Seine et Mathieu Hanotin pour Saint-Denis, invoquent l’intérêt général et des capacités d’investissement accrues. En unissant leurs forces, les deux communes espèrent peser davantage dans les décisions stratégiques de la région et obtenir plus de financements.
L’enjeu est dans la mutualisation : s’il y a matière à faire des économies pour rendre le même service public, il faut le faire.
– Mathieu Hanotin, maire de Saint-Denis
Mais certains y voient surtout une manœuvre politicienne en vue des élections municipales de 2026. En effet, Mathieu Hanotin a déjà annoncé son intention de se présenter à la tête de la nouvelle commune fusionnée.
Un processus permis par la loi mais atypique pour de grandes villes
Ce type de fusion est rendu possible depuis une loi de 2010, visant à encourager les regroupements de communes, surtout en milieu rural. Mais le mariage de grosses villes de banlieue reste un cas à part :
L’ADN initial de la loi, c’est la réponse aux besoins d’efficacité des petites communes. Le cas de Saint-Denis et Pierrefitte est atypique.
– Françoise Gatel, sénatrice à l’origine d’une loi sur les communes nouvelles
Le processus est simple : la fusion est votée en conseil municipal sans consultation obligatoire des habitants, puis validée en préfecture. Si le projet est adopté, la commune nouvelle verra le jour dès le 1er janvier 2025.
Des ajustements nécessaires mais pas de révolution
Concrètement, qu’est-ce que cela changera pour les habitants ? Pas de bouleversements majeurs à prévoir selon les maires. Pierrefitte gardera son identité en devenant une “commune déléguée” avec sa propre mairie annexe. La fiscalité sera harmonisée et allégée pour les Pierrefittois. Pas de plan social en vue non plus pour les agents municipaux.
Les changements concerneront surtout la gouvernance, avec un conseil municipal resserré après 2026. D’ici là, les deux conseils siégeront mais seul celui de Saint-Denis aura un réel pouvoir décisionnaire. Un fonctionnement transitoire qui passe mal auprès de certains élus d’opposition, comme Farid Aïd à Pierrefitte :
Même des élus de la majorité voient qu’après ce sera fini pour eux. Pierrefitte n’existera plus.
– Farid Aïd, président du groupe d’opposition à Pierrefitte
Un vote à suspense et des questions en suspens
Malgré la controverse, le projet a de grandes chances d’être adopté au regard des majorités dont disposent les maires dans leurs conseils municipaux. Mais le scrutin pourrait réserver des surprises, certains élus réclamant un vote à bulletin secret.
Au-delà, cette fusion soulève de nombreuses interrogations. Quelle place pour cette “méga-cité” de banlieue dans le jeu politique francilien ? Comment gérer une ville de 150 000 habitants avec des réalités sociales contrastées ? L’avenir nous le dira, mais une chose est sûre : ce mariage hors norme aura valeur de test, et sera scruté de près par d’autres grandes communes.