ActualitésÉconomie

Fuite de pétrole à Donges : la défiance persiste malgré les interventions

Nouveau déversement de pétrole à la raffinerie de Donges. Les autorités assurent avoir contenu la fuite, mais les riverains restent sur leurs gardes face aux incidents à répétition. La confiance est-elle rompue malgré les efforts de Total pour rassurer ? Décryptage d'une situation tendue aux portes de la Loire.

Dans la nuit du 23 au 24 novembre, les équipes d’intervention ont dû faire face à une nouvelle fuite de pétrole à la raffinerie Total de Donges, en Loire-Atlantique. Malgré une réaction rapide ayant permis de circonscrire la pollution, cet énième incident ravive les craintes des riverains quant à la sécurité du site industriel.

Une suite préoccupante d’accidents

Classée Seveso seuil haut, la raffinerie de Donges inquiète par la récurrence des problèmes techniques. Depuis le premier accident majeur en 2008, les épisodes de pollution se multiplient à un rythme alarmant :

  • Fuite de pétrole en 2021
  • Déversement de 800 000 litres de naphta en décembre 2022
  • Corrosion et fuites détectées en février 2024
  • Et maintenant, ce nouvel incident de novembre 2024

Si les volumes en jeu cette fois-ci semblent plus limités, avec 15 000 litres d’hydrocarbures répandus selon les autorités, les défenseurs de l’environnement pointent du doigt le manque de transparence de Total. L’Association environnementale dongeoise des zones à risques (ADZRP) regrette ainsi que le rapport de l’Ineris sur la fuite de naphta de 2022 n’ait été rendu public qu’en septembre 2024, soit près de deux ans après les faits.

Des riverains sur le qui-vive

Pour Michel Le Clerc, membre de l’ADZRP, la confiance envers l’industriel est plus que jamais ébranlée. Il pointe notamment l’absence d’exercices grandeur nature impliquant les populations :

En cas de situation majeure demain, je ne sais absolument pas quoi faire et où aller. Nous n’avons aucune consigne.

Michel Le Clerc, ADZRP

Une proximité dangereuse qui pèse sur le quotidien, comme en témoigne ce riverain sous couvert d’anonymat :

On vit avec cette épée de Damoclès au-dessus de nos têtes. À chaque sirène, on se demande si c’est grave ou pas. C’est usant nerveusement.

Des efforts encore insuffisants

Du côté des autorités, on se veut rassurant. Le sous-préfet de Saint-Nazaire Éric de Wispelaere, présent sur place dimanche, a assuré que la situation était sous contrôle, la pollution ayant pu être contenue. Une expertise est en cours pour déterminer les causes de l’incident et éviter qu’il ne se reproduise.

Total, de son côté, met en avant les investissements réalisés ces dernières années pour renforcer la sécurité et la fiabilité de son outil industriel. Le groupe pétrolier a notamment entrepris d’importants travaux de modernisation, encore en cours, pour adapter la raffinerie à la transition énergétique.

Des engagements qui peinent cependant à convaincre les associations environnementales locales. Outre les doutes sur l’efficacité réelle de ces mesures, elles dénoncent le deux poids deux mesures en matière d’information du public. Un constat partagé par plusieurs élus locaux, à l’image du maire de Donges François Chéneau :

On ne peut pas dire qu’on est dans un dialogue de confiance. Il y a clairement un déficit de transparence et de concertation de la part de Total.

François Chéneau, maire de Donges

Une activité vitale malgré les risques

Implantée depuis 1932, la raffinerie emploie directement près d’un millier de personnes et fait vivre de nombreux sous-traitants. Avec une capacité de 230 000 barils par jour, soit environ 12% du pétrole raffiné en France, elle joue un rôle stratégique pour l’approvisionnement de la région.

Une importance économique qui rend difficile toute remise en cause, comme le reconnaît un représentant du personnel sous couvert d’anonymat :

Bien sûr qu’on est inquiets, pour notre santé et celle de nos proches. Mais c’est aussi notre gagne-pain. Sans la raffinerie, c’est toute la région qui trinque.

Un dilemme sécurité-emploi qui ne trouve pas de réponse simple, comme le résume Michel Le Clerc :

On a besoin de ces emplois, mais à quel prix ? Il faut que Total mette vraiment les moyens pour fiabiliser son installation et jouer la carte de la transparence. Sinon, la défiance continuera de grandir.

Michel Le Clerc, ADZRP

Si le pire a une nouvelle fois été évité ce week-end sur les bords de la Loire, l’inquiétude des riverains de la raffinerie de Donges est loin d’être dissipée. Plus que des promesses, ils attendent désormais des actes forts de la part de Total pour restaurer un climat de confiance durablement entamé. La balle est dans le camp de l’industriel pour prouver que la sécurité et l’environnement ne sont pas des variables d’ajustement.

Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.