Imaginez-vous sur une table d’opération, endormi, totalement vulnérable. L’endroit censé vous sauver la vie devient soudain le théâtre d’un acte criminel froid et calculé. C’est la réalité terrifiante que trente familles vivent depuis des années à Besançon.
Un procès qui marque l’histoire judiciaire française
Depuis le 8 septembre, la cour d’assises du Doubs juge Frédéric Péchier, ancien anesthésiste-réanimateur de 53 ans. Il est accusé d’avoir empoisonné trente patients entre 2008 et 2017 dans deux cliniques privées de la région. Douze d’entre eux n’ont pas survécu.
Ce lundi, les avocats des parties civiles ont pris la parole pour la première fois dans cette ultime phase du procès. Vingt-sept avocats représentent les 193 parties constituées : victimes survivantes, familles endeuillées, proches traumatisés.
« Le crime est tellement énorme »
Frédéric Berna, qui défend à lui seul une grande partie des victimes, a ouvert les plaidoiries avec des mots lourds de sens. « Sandra, Damien, Jean-Claude, Kevin… Le crime est tellement énorme que l’inventaire à la Prévert est difficile à tenir », a-t-il déclaré devant la cour.
L’un des plus grands criminels de l’histoire judiciaire française, c’était lui.
Frédéric Berna, avocat des parties civiles
Ces phrases résonnent comme un uppercut. Elles traduisent l’ampleur du choc vécu par les familles dont un proche est entré vivant au bloc opératoire… et n’en est jamais ressorti.
Que reproche exactement la justice à Frédéric Péchier ?
L’accusation est glaçante de précision. Le médecin aurait volontairement contaminé des poches de perfusion avec différentes substances :
- Du potassium en dose massive
- Des anesthésiques locaux
- De l’adrénaline
- De l’héparine
Ces produits, injectés à forte dose, provoquent des arrêts cardiaques brutaux. Le but présumé ? Créer des incidents graves pendant les opérations prises en charge par d’autres anesthésistes, des collègues avec lesquels Frédéric Péchier était en conflit ouvert.
En intervenant pour « sauver » les patients, il aurait cherché à se mettre en valeur tout en discréditant ses rivaux. Une stratégie macabre qui aurait coûté la vie à douze personnes âgées de 4 à 89 ans.
L’accusé nie farouchement
Frédéric Péchier comparaît libre. Durant tout le procès, il a reconnu qu’un empoisonneur avait bel et bien sévi à la clinique Saint-Vincent de Besançon. En revanche, il conteste formellement avoir agi à la Polyclinique de Franche-Comté et, surtout, être cet empoisonneur.
Son attitude calme, parfois détachée, contraste violemment avec la douleur exprimée par les parties civiles. Un contraste qui a profondément marqué les débats depuis trois mois.
Le calendrier des prochains jours
Les plaidoiries des parties civiles doivent durer jusqu’à mercredi inclus. Trois jours entiers pour que chaque avocat puisse « mettre des mots » sur l’indicible.
| Jeudi et vendredi | Réquisitions du ministère public |
| Lundi 15 décembre | Plaidoirie de la défense (Randall Schwerdorffer) |
| D’ici le 19 décembre | Verdict attendu |
Frédéric Péchier encourt la réclusion criminelle à perpétuité. C’est la peine maximale prévue pour des faits d’empoisonnement avec préméditation ayant entraîné la mort.
Une affaire qui dépasse le simple fait divers
Au-delà du drame humain, ce procès interroge profondément le système de santé privé et les mécanismes de contrôle dans les blocs opératoires. Comment un médecin a-t-il pu, pendant près de dix ans, agir sans être stoppé plus tôt ?
Les investigations ont révélé des tensions internes fortes au sein des équipes d’anesthésie. Des rivalités professionnelles parfois exacerbées qui auraient, selon l’accusation, constitué le terreau de ces actes criminels.
Les familles, elles, attendent autre chose que des réponses techniques. Elles veulent que la justice reconnaisse la réalité de leur souffrance. Qu’elle nomme enfin le responsable de ces morts qui auraient pu être évitées.
Des victimes de tous âges
Parmi les trente cas reprochés, certains touchent particulièrement. Une enfant de quatre ans. Des personnes âgées en fin de vie. Des patients en pleine santé venus pour une opération de routine.
Tous avaient un point commun : ils étaient pris en charge par d’autres anesthésistes que Frédéric Péchier au moment des incidents. Un schéma qui se répète de manière troublante selon l’accusation.
La parole aux proches
Durant ces trois jours de plaidoiries, les avocats vont se succéder pour raconter l’avant et l’après. L’opération banale qui tourne au cauchemar. Les appels désespérés dans les couloirs. Les corps qui ne se réveillent pas.
Certains proches ont choisi de témoigner eux-mêmes. D’autres préfèrent laisser leur avocat parler à leur place. Tous partagent la même douleur : celle d’avoir confié un être cher à la médecine… et de ne l’avoir jamais retrouvé vivant.
Le procès de Besançon entrera bientôt dans sa dernière semaine. Après les parties civiles, le parquet dévoilera ses réquisitions. Puis viendra le tour de la défense de tenter de convaincre les jurés de l’innocence de Frédéric Péchier.
Mais pour les familles, une chose est déjà certaine : quel que soit le verdict, rien ne ramènera ceux qui sont partis sur une table d’opération, à cause d’un geste qui n’aurait jamais dû exister.
Le 19 décembre au plus tard, la cour d’assises rendra sa décision. Une décision qui, quelle qu’elle soit, marquera durablement l’histoire judiciaire et médicale française.









