C’est une affaire qui risque de faire grand bruit dans le monde du commerce en ligne. Selon des sources proches du dossier, la justice italienne a ouvert une enquête sur Amazon pour une présumée fraude à la TVA portant sur un montant colossal de 1,2 milliard d’euros. Les faits se seraient déroulés entre 2019 et 2021 et pourraient coûter au total près de 3 milliards d’euros au géant américain, en incluant les pénalités.
Amazon, responsable de la TVA de ses vendeurs tiers hors UE depuis 2019
Au cœur du litige se trouve une loi italienne adoptée en 2019, qui rend les marketplaces comme Amazon responsables de la collecte de la TVA pour les ventes réalisées par des vendeurs tiers situés en dehors de l’Union européenne. Auparavant, c’était à ces derniers de s’en charger. Un changement de règles anticipant une réforme plus large au niveau européen, entrée en vigueur en juillet 2021, visant à simplifier la TVA dans l’e-commerce transfrontalier.
Or, d’après l’enquête menée par la police financière italienne, Amazon n’aurait pas honoré ses obligations sur une période de trois ans, entraînant un manque à gagner de 1,2 milliard d’euros pour les caisses de l’État. Une somme à laquelle il faudrait ajouter les sanctions pour arriver à un montant total de 3 milliards d’euros.
Amazon se dit « engagé à respecter les lois fiscales »
Contacté par l’AFP, Amazon a indiqué ne pas vouloir commenter une enquête en cours, tout en affirmant son engagement à « se conformer à toutes les lois fiscales applicables » dans les pays où il opère. Le groupe a également souligné avoir payé 1,4 milliard d’euros d’impôts directs et indirects en Italie en 2023.
Mais cette dernière précision ne semble pas de nature à éteindre les soupçons des enquêteurs, qui portent spécifiquement sur la TVA non acquittée au nom des vendeurs tiers. Une problématique épineuse pour les places de marché, souvent pointées du doigt pour leurs pratiques d’optimisation fiscale.
Un dossier explosif dans un contexte de tensions commerciales
Cette affaire tombe à un moment délicat pour Amazon et les autres géants du numérique, alors que les velléités de régulation et de taxation des GAFAM se multiplient en Europe et dans le monde. Dans ce contexte, le dossier italien pourrait faire figure de test et inciter d’autres pays à se pencher sur les pratiques fiscales des marketplaces en matière de TVA.
Un enjeu d’autant plus crucial que la TVA représente une manne financière importante pour les États, avec des taux généralement plus élevés en Europe qu’aux États-Unis, comme l’a récemment souligné le président américain Donald Trump en menaçant l’UE de droits de douane « réciproques ».
Vers un durcissement des règles fiscales pour les marketplaces
Pour rappel, la réforme européenne de la TVA dans l’e-commerce, pleinement entrée en vigueur en juillet 2021, vise justement à responsabiliser davantage les places de marché dans la collecte de cet impôt. En les désignant comme redevables de la TVA pour les ventes réalisées par des vendeurs tiers, y compris ceux basés en dehors de l’UE.
Une mesure forte, destinée à rétablir des conditions de concurrence équitables entre acteurs européens et extra-européens, mais aussi à endiguer les pertes de recettes fiscales liées à la fraude à la TVA dans le commerce en ligne, estimées à 5 milliards d’euros par an au niveau européen.
Reste à savoir si ces nouvelles obligations suffiront à mettre fin aux pratiques douteuses et si les géants du e-commerce joueront le jeu de la transparence fiscale. L’enquête italienne sur Amazon constituera à cet égard un premier test grandeur nature, dont les résultats seront scrutés de près par les autorités européennes et les acteurs du secteur.
Une présomption d’innocence, mais des questions légitimes
Bien entendu, à ce stade, il convient de rappeler qu’Amazon bénéficie de la présomption d’innocence et que l’enquête préliminaire ne débouchera pas forcément sur des poursuites ou une condamnation. Le groupe aura l’occasion de s’expliquer et de faire valoir ses arguments.
Il n’en demeure pas moins que cette affaire jette une lumière crue sur les zones d’ombre entourant la fiscalité des marketplaces et leur rôle dans la collecte de la TVA. Des questions légitimes auxquelles Amazon et ses pairs devront apporter des réponses claires, s’ils veulent restaurer la confiance des consommateurs et des pouvoirs publics.
Car au-delà des enjeux financiers, c’est aussi l’image et la réputation de ces acteurs qui sont en jeu. À l’heure où ils sont déjà sur la sellette pour leur position dominante et leurs pratiques commerciales, ils ne peuvent se permettre un nouveau scandale d’évasion fiscale.
Vers une responsabilisation accrue des marketplaces ?
En définitive, cette affaire italienne pourrait être le déclencheur d’une prise de conscience et d’une responsabilisation accrue des places de marché vis-à-vis de leurs obligations fiscales, en particulier concernant la TVA.
D’autant que la pression ne risque pas de retomber, avec la montée en puissance du commerce électronique et les appels de plus en plus pressants à une juste contribution des géants du numérique aux finances publiques.
Amazon et ses homologues ont donc tout intérêt à jouer la carte de la transparence et de la coopération avec les autorités fiscales, s’ils veulent éviter de nouvelles controverses et préserver leur license to operate dans un environnement de plus en plus regardant sur les questions d’éthique et de responsabilité des entreprises.
Un défi de taille pour ces mastodontes de l’e-commerce, habitués à évoluer dans les angles morts de la réglementation, mais un passage obligé pour construire un écosystème numérique plus équilibré et durable, où chacun paie sa juste part d’impôts. L’avenir nous dira si Amazon et consorts sont prêts à relever ce défi et à changer de logiciel fiscal. Les consommateurs et les citoyens attendent en tout cas des actes, au-delà des belles paroles et des engagements de façade.