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Frappes US au Venezuela : Le Droit International en Péril ?

83 morts en quelques semaines, un porte-avions géant déployé, des frappes sans jugement… Le procureur vénézuélien parle d’« extinction du droit international ». Et si c’était le début d’une nouvelle ère où la loi du plus fort remplace la loi tout court ?

Imaginez un monde où un pays peut bombarder des bateaux en haute mer, tuer des dizaines de personnes sans procès, sans mandat, et sans que personne ne dise stop. Ce n’est pas un film hollywoodien. C’est ce que dénonce aujourd’hui le procureur général du Venezuela face à une série de frappes américaines qui sème la stupeur.

Une escalade qui inquiète jusqu’à Caracas

Depuis plusieurs mois, les eaux des Caraïbes et du Pacifique sont devenées un théâtre d’opérations militaires inhabituelles. Les États-Unis ont déployé des moyens colossaux : le plus grand porte-avions du monde, des navires de guerre, des avions de chasse. Objectif officiel : lutter contre le trafic de drogue. Cible privilégiée : les bateaux soupçonnés d’appartenir à des réseaux liés au Venezuela.

Le bilan est lourd. Au moins quatre-vingt-trois personnes ont perdu la vie lors d’une vingtaine de frappes aériennes menées depuis septembre. Et selon les autorités vénézuéliennes, le chiffre réel serait bien plus élevé.

« Nous sommes aux portes de l’extinction du droit international »

Ces mots ne viennent pas d’un opposant quelconque. Ils sont prononcés par Tarek William Saab, procureur général du Venezuela, lors d’une cérémonie officielle. Pour lui, chaque missile tiré enterre un peu plus les principes fondamentaux qui régissent les relations entre États depuis des décennies.

« Dès la première action, l’ONU et son Conseil de sécurité auraient dû empêcher que cela continue. Au lieu de cela, l’escalade s’est poursuivie. »

Tarek William Saab, procureur général

Il va plus loin. Ces opérations constituent, selon lui, un véritable autodafé des textes fondateurs des droits humains : la Déclaration universelle de 1948, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, les constitutions nationales… Rien ne résiste au feu de ces frappes, estime-t-il.

Des frappes sans interception ni interrogatoire

Ce qui choque particulièrement les observateurs, c’est la méthode. Les cibles sont détruites directement depuis les airs. Pas d’arrestation. Pas de présentation devant un juge. Juste des missiles et des corps dans l’eau.

De nombreux juristes, y compris aux États-Unis, s’interrogent ouvertement sur la légalité de ces opérations. Peut-on exécuter des suspects sans procès sous prétexte qu’ils se trouvent sur un bateau en haute mer ? La réponse n’est pas évidente.

Et pourtant, l’administration américaine actuelle maintient la pression. Le président Donald Trump alterne déclarations belliqueuses et appels au dialogue, laissant planer la menace d’une intervention directe sur le sol vénézuélien.

Le mystérieux Cartel de los Soles

Au cœur de l’accusation américaine : l’existence d’un prétendu Cartel de los Soles, une organisation criminelle qui impliquerait jusqu’au sommet de l’État vénézuélien, y compris le président Nicolás Maduro.

Washington a même classé cette entité comme organisation terroriste. Mais à Caracas, on rit jaune. Pour le procureur Saab, ce cartel n’est rien d’autre qu’une invention des services américains.

« Écoutez bien : c’est une création de la CIA et de la DEA. Par conséquent, cela est faux, absolument faux. »

De nombreux experts indépendants partagent d’ailleurs ce scepticisme. Ils parlent plutôt de réseaux de corruption qui ferment les yeux sur certaines activités illicites, mais pas d’une structure mafieuse hiérarchisée avec des généraux en costume de parrains.

Les chiffres vénézuéliens contre l’accusation américaine

Pour appuyer sa défense, le gouvernement vénézuélien brandit des statistiques impressionnantes. Saisies records de drogue, destruction de laboratoires clandestins, arrestations en masse… Caracas affirme être en première ligne dans la lutte antidrogue.

Le président Maduro répète inlassablement que son pays est victime d’une campagne de diffamation orchestrée depuis Washington pour justifier une intervention. Les frappes actuelles viendraient confirmer cette thèse.

Un précédent dangereux pour le monde entier

Au-delà du conflit bilatéral, c’est tout l’édifice du droit international qui vacille. Si un État puissant peut décider unilatéralement d’éliminer des suspects sur la base de renseignements, parfois contestés, où place-t-on la barre ?

Demain, un autre pays pourrait invoquer la lutte contre le terrorisme ou le crime organisé pour frapper n’importe où, n’importe qui. Le précédent est terrifiant.

Et pendant ce temps, le Conseil de sécurité de l’ONU reste silencieux. Les grandes déclarations sur l’État de droit semblent s’évaporer quand il s’agit de confronter la première puissance militaire mondiale.

Vers une conversation ou vers la guerre ?

Donald Trump souffle le chaud et le froid. Un jour il autorise des opérations clandestines, le lendemain il annonce qu’il va parler avec Nicolás Maduro. Cette stratégie de la tension permanente maintient tout le monde en haleine.

Dans les chancelleries latino-américaines, on observe avec angoisse. Personne ne souhaite voir les Caraïbes redevenir un terrain de confrontation Est-Ouest comme à l’époque de la guerre froide.

Et pourtant, chaque nouvelle frappe rapproche un peu plus cette région d’un point de non-retour.

Ce que cela nous dit de notre époque

Ce bras de fer entre Washington et Caracas dépasse largement le sort d’un pays pétrolier en crise. Il pose la question fondamentale : sommes-nous en train d’assister à la fin progressive des règles qui ont structuré le monde depuis 1945 ?

Quand la puissance militaire prime sur le droit, quand les exécutions extrajudiciaires deviennent un outil de politique étrangère, c’est tout l’équilibre fragile de la paix qui tremble.

Le procureur vénézuélien a peut-être raison sur un point : nous sommes bel et bien aux portes de quelque chose. Reste à savoir si ce sera l’extinction du droit international… ou le réveil des consciences face à une dérive inquiétante.

Une chose est sûre : les prochaines semaines seront décisives. Chaque missile tiré, chaque déclaration tonitruante, chaque silence de la communauté internationale écrit une page d’histoire que nos enfants étudieront un jour.

Espérons simplement qu’elle ne sera pas rédigée avec le sang des innocents et les cendres du droit.

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