En cette veille de Nouvel An, l’Ukraine et la Russie n’ont pas relâché leurs efforts dans le conflit qui les oppose depuis près d’un an maintenant. La nuit dernière a ainsi été le théâtre de frappes aériennes intenses de part et d’autre de la frontière, faisant craindre une nouvelle escalade des violences en ce début d’année 2023.
Des attaques massives impliquant drones et missiles
Selon des sources proches des autorités ukrainiennes, le pays aurait essuyé pas moins de 61 attaques menées à l’aide de drones et de missiles russes dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier. La région de Soumy, à la frontière avec la Russie, ainsi que la capitale Kiev auraient été particulièrement ciblées. L’armée de l’air ukrainienne évoque l’utilisation de 6 missiles balistiques Iskander, 6 missiles guidés, 8 missiles de croisière et même d’un redoutable missile hypersonique Kinjal. Une quarantaine de drones d’attaque de conception iranienne auraient également été déployés. La défense anti-aérienne ukrainienne affirme avoir pu abattre de nombreux projectiles, dont le missile hypersonique.
Côté russe, le ministère de la Défense s’est félicité de cette opération massive visant « un aérodrome militaire et une usine produisant des charges pour l’artillerie ukrainienne ». Dans le même temps, une attaque de drones ukrainiens aurait provoqué un incendie dans un dépôt pétrolier de la région de Smolensk, à 500km de Kiev. Au total, les forces russes déclarent avoir abattu pas moins de 68 drones ennemis cette nuit-là.
Un conflit qui s’enlise depuis février 2022
Ces frappes quasi quotidiennes sont devenues monnaie courante depuis le début de l’invasion russe en Ukraine en février 2022. Moscou vise régulièrement les infrastructures énergétiques ukrainiennes afin de plonger le pays dans le noir et le froid en plein hiver.
De son côté, Kiev tente de riposter en intensifiant les attaques en territoire russe et en appelant ses alliés occidentaux à lui fournir davantage de systèmes de défense anti-aérienne ainsi que des armes de frappe à longue portée. Une aide militaire qui reste pour l’instant mesurée, les Etats-Unis et l’Europe craignant une escalade incontrôlée du conflit.
Un bilan humain et matériel très lourd
Après plus de 10 mois de guerre, le bilan est déjà particulièrement lourd des deux côtés. Selon l’ONU, le conflit aurait fait plus de 6800 morts et 10000 blessés parmi les civils ukrainiens. Mais ces chiffres sont sans doute très en-deçà de la réalité sur le terrain.
Côté militaire, les estimations font état d’environ 100000 soldats tués ou blessés dans chaque camp. Un chiffre terrifiant qui n’a pas été vu en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.
Les dégâts matériels sont également considérables avec de nombreuses villes dévastées par les bombardements, des infrastructures critiques endommagées et des millions d’Ukrainiens privés d’eau et d’électricité. Le coût de la reconstruction se chiffrera en centaines de milliards d’euros.
Nouvel an sous haute tension
Les frappes massives de la nuit du Nouvel An marquent donc une nouvelle escalade dans ce conflit qui semble parti pour durer. D’après des analystes, Moscou chercherait ainsi à marquer les esprits et à affaiblir le moral des Ukrainiens en cette période symbolique.
Poutine veut montrer qu’il est déterminé à poursuivre cette guerre quel qu’en soit le coût humain. C’est un message à la fois à destination de la population russe mais aussi des Occidentaux qui soutiennent l’Ukraine.
Un expert en géopolitique s’exprimant sous couvert d’anonymat
Côté ukrainien, la détermination est intacte malgré les lourdes pertes, comme en témoignent ces frappes menées en territoire russe. Le président Zelensky a d’ailleurs promis de tout faire pour « libérer tous les territoires occupés » en 2023, y compris la péninsule de Crimée annexée par Moscou en 2014.
Vers une internationalisation du conflit ?
Ces derniers bombardements font également craindre un risque accru d’internationalisation du conflit. En effet, la Russie accuse régulièrement l’OTAN de mener une « guerre par procuration » en armant et en formant les forces ukrainiennes. Des bruits de bottes se font aussi entendre en Biélorussie, fidèle alliée de Moscou, qui pourrait s’impliquer plus directement dans cette guerre.
Du côté des soutiens occidentaux de Kiev, l’unité semble se fissurer sur la conduite à tenir. Certains pays comme la Pologne ou les pays Baltes poussent pour une aide militaire plus conséquente afin de permettre à l’Ukraine de l’emporter rapidement. D’autres comme l’Allemagne ou la France sont plus prudentes, craignant qu’une victoire totale de Kiev n’entraîne une réaction désespérée et incontrôlable de Poutine, y compris sur le plan nucléaire.
Une équation complexe à laquelle s’ajoutent les conséquences économiques majeures du conflit : flambée des prix de l’énergie, risque de pénuries alimentaires, perturbation des chaînes d’approvisionnement, etc. Autant de défis qui pourraient tester la solidarité occidentale si la guerre devait s’éterniser.
Quelles perspectives pour 2023 ?
Dans ce contexte, les scénarios pour la nouvelle année sont tous plus sombres les uns que les autres. Beaucoup craignent une escalade militaire incontrôlée, voire l’emploi d’armes non-conventionnelles si la situation devait tourner au désavantage d’un des camps.
Même une « simple » prolongation du statu quo actuel serait catastrophique, avec son lot quotidien de destructions, de morts et de souffrances pour la population civile. Sans parler des risques de déstabilisation régionale avec l’afflux de réfugiés en Europe et les répercussions économiques globales.
Un cessez-le-feu durable et des négociations de paix semblent à ce stade très hypothétiques tant les positions sont irréconciliables. Vladimir Poutine se dit déterminé à poursuivre cette « opération militaire spéciale » jusqu’à la reconnaissance des territoires annexés. Volodymyr Zelensky exclut quant à lui toute concession territoriale et exige un retrait russe total, y compris de Crimée.
Dans ce contexte, la communauté internationale redoute que 2023 soit encore une année noire, marquée par la poursuite voire l’aggravation de ce conflit majeur aux portes de l’Europe, avec toutes les conséquences humanitaires, sécuritaires et économiques que cela implique. Des médiations diplomatiques tous azimuts seront plus que jamais nécessaires pour tenter de sortir de cette spirale infernale. Avec en toile de fond, le risque permanent qu’un incident majeur ou qu’un geste malheureux de trop ne fasse définitivement basculer la situation…