« Faire un jardin, c’est faire œuvre de civilisation. » Cette déclaration lumineuse, on la doit à François Cassingena-Trévedy, moine bénédictin devenu paysan dans le Cantal. Dans son prochain livre, ce sage atypique, autrefois normalien et docteur en théologie, partage ses réflexions inspirantes sur le jardinage comme acte noble, méditatif et profondément humain.
Du monastère au potager : un chemin de sagesse
Pour François Cassingena-Trévedy, devenir « paysan de Dieu » après une vie monacale n’est pas une rupture, mais un prolongement naturel. Au fil de sa marche en Auvergne, magnifiquement racontée dans son Cantique de l’infinistère, il a ressenti l’appel de la terre. S’installer seul dans le Cantal pour cultiver son jardin et traire ses vaches lui est apparu comme une évidence, une façon de vivre sa spiritualité dans le concret de la nature.
Je ne récuse pas le mot de fuite. La fuite, du reste, peut être noble.
François Cassingena-Trévedy
Loin d’une désertion, ce choix radical est pour lui un retour aux sources, une quête de l’essentiel. Dans le silence des champs, le rythme des saisons, la patience du jardinier, frère François trouve une nouvelle forme de prière, une communion avec le vivant.
Le jardin, lieu de tous les symboles
Pour ce moine philosophe, le jardin est bien plus qu’un simple lopin de terre. C’est un espace sacré, chargé de sens, où se rejoue le drame biblique de la Création :
Un jardin, c’est un combat de tous les instants contre ce qui menace de le défaire. Comme notre âme, il faut sans cesse le cultiver.
François Cassingena-Trévedy
Bêcher, semer, arroser, désherber… Autant de gestes simples et répétitifs qui prennent une dimension spirituelle. Le jardinier collabore humblement à l’œuvre divine, prend soin de la terre comme de son âme. Il apprend la patience, l’émerveillement, la gratitude.
Cultiver son jardin intérieur
Au-delà du symbolisme religieux, la sagesse du jardinier parle à tous, croyants ou non. Dans un monde dominé par la vitesse, la technologie, la consommation effrénée, prendre le temps de cultiver un jardin devient un acte philosophique et politique.
C’est choisir la lenteur contre la précipitation, la réalité rugueuse de la terre contre la virtualité des écrans, la frugalité heureuse contre l’accumulation matérielle. C’est aussi, à son échelle, préserver la biodiversité, entretenir un lien sensible avec la nature, transmettre un savoir-faire ancestral.
Quand je jardine, je fais de la politique au sens le plus noble du terme : je prends soin de la cité, de la terre qui nous est confiée.
François Cassingena-Trévedy
Une invitation à la reconnexion
À l’heure des bouleversements écologiques, les propos lumineux de François Cassingena-Trévedy résonnent comme une invitation. Une invitation à mettre les mains dans la terre, à retrouver le sens du temps long, à se reconnecter à l’essentiel. Peu importe la surface, du balcon au potager, l’important est de renouer avec ce geste premier de culture, porteur de tant de richesses intérieures.
Et si, en cultivant chacun notre jardin, à l’image de ce moine jardinier, nous cultivions aussi notre humanité ? Une humanité plus consciente, plus enracinée, plus reliée au vivant. Face à la crise de sens qui traverse notre époque, ce que nous enseignent les sillons, les plants et les récoltes est peut-être d’une brûlante actualité. Un chemin de sagesse à portée de main, une révolution douce dont chaque carré potager serait le terrain.