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François Burgat : Jugement pour Apologie du Terrorisme

François Burgat, islamologue controversé, attend son jugement pour apologie du terrorisme. Ses propos sur le Hamas soulèvent un débat brûlant : jusqu'où va la liberté d'expression ? Le verdict approche...

Comment un spécialiste reconnu de l’islam, arabophone et ancien directeur de recherche, peut-il se retrouver au cœur d’un procès pour apologie du terrorisme ? L’affaire de François Burgat, islamologue français, illustre un débat brûlant où se croisent liberté d’expression, engagement politique et accusations d’antisémitisme. Ce mercredi 28 mai 2025, un verdict est attendu à Aix-en-Provence, où cet intellectuel controversé est jugé pour des messages postés sur les réseaux sociaux soutenant le Hamas après les attentats du 7 octobre 2023 en Israël. Une affaire qui soulève des questions cruciales sur les limites de la parole publique et les responsabilités des universitaires.

Un Procès qui Secoue le Monde Académique

François Burgat, figure respectée dans les cercles académiques pour ses travaux sur les dynamiques politiques du monde arabe, est aujourd’hui sous le feu des critiques. Accusé d’apologie du terrorisme, il risque huit mois de prison avec sursis, une amende de 4 000 euros, une suspension de son compte sur les réseaux sociaux et une inéligibilité de deux ans. Ces réquisitions, formulées lors de l’audience du 24 avril 2025, reposent sur des publications controversées où l’islamologue a exprimé un soutien explicite au Hamas, qualifiant notamment ses dirigeants de plus honorables que leurs homologues israéliens.

Ce n’est pas la première fois que Burgat fait l’objet de polémiques. Sa carrière, marquée par un engagement marqué pour la cause palestinienne, a souvent été critiquée pour une supposée complaisance envers l’islam politique. Mais cette fois, ses propos ont franchi une ligne rouge, entraînant une plainte déposée par des organisations comme l’Organisation juive européenne et la Licra, ainsi qu’une garde à vue en juillet 2024. Que s’est-il passé pour qu’un universitaire de renom se retrouve dans une telle situation ?

Des Messages Controversés sur le Hamas

L’affaire commence avec un message publié le 2 janvier 2024. Alors qu’une enquête du New York Times détaille les crimes sexuels attribués au Hamas lors des attaques du 7 octobre, Burgat relaie un communiqué du groupe palestinien démentant ces accusations. Dans ce texte, il loue la « virilité » et l’« honneur » des actions du Hamas, une prise de position qui choque. Lors de son audience, l’islamologue assume : il déclare faire « plus confiance à la version du Hamas » qu’aux rapports internationaux.

« J’ai infiniment plus de considération pour les dirigeants du Hamas que pour leurs homologues israéliens. »

François Burgat, message publié sur X

Un autre message, posté après la condamnation de deux figures liées à l’assassinat de Samuel Paty, professeur décapité en 2020, aggrave son cas. Burgat écrit alors que la France serait « sortie de l’État de droit » et ajoute : « Nous sommes tous des ’terroristes’. » Ces mots, perçus comme une défense implicite d’actes terroristes, ont conduit à une nouvelle plainte et à son placement sous surveillance par la DGSI.

Un Engagement Pro-Palestinien de Longue Date

François Burgat n’a jamais caché son soutien à la cause palestinienne. Arabophone, il a consacré sa carrière à analyser les courants islamistes et les dynamiques politiques du monde arabe. Ancien directeur de recherche au CNRS et membre de l’Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman (IREMAM), il a publié de nombreux ouvrages où il défend l’idée que la violence dite islamique n’est pas intrinsèque à l’islam, mais plutôt une réponse à des oppressions politiques et militaires.

Après les attentats du 7 octobre, il relaie un message justifiant l’attaque comme une « résistance légitime » face à l’occupation israélienne. Cette posture, bien que cohérente avec ses travaux, a suscité l’indignation. Pour Burgat, il est impossible de mettre sur le même plan « agresseur et agressé, colonisateur et colonisé ». Mais cette rhétorique, qui refuse de condamner les violences du Hamas, alimente les accusations de complaisance envers des groupes terroristes.

Points clés de l’engagement de Burgat :

  • Soutien affiché à la cause palestinienne depuis des décennies.
  • Justification des actions du Hamas comme « mécanisme de résistance ».
  • Critiques récurrentes des politiques israéliennes et des médias occidentaux.

Accusations d’Antisémitisme et de Complotisme

Les détracteurs de Burgat ne se contentent pas de pointer son soutien au Hamas. Plusieurs rapports et témoignages l’accusent de verser dans un complotisme anti-juif. En 2014, il appelle sur les réseaux sociaux à la « séparation du Crif et de l’État », suggérant que le Conseil représentatif des institutions juives de France exercerait une influence indue sur la politique française. En 2018, il évoque les « chaînes de la télavivision française », un néologisme mêlant « Tel Aviv » et « télévision », insinuant un contrôle israélien sur les médias.

Ces propos, bien que niés par Burgat comme étant antisémites, alimentent les critiques. Des observatoires spécialisés dans la lutte contre le conspirationnisme ont relevé une récurrence de ce type de rhétorique dans ses publications. Ces accusations, combinées à son soutien au Hamas, dressent le portrait d’un intellectuel dont les prises de position flirtent avec des lignes rouges.

Liens Présumés avec les Frères Musulmans

Un autre aspect controversé de la carrière de Burgat concerne ses supposés liens avec les Frères musulmans. Des chercheurs, comme Bernard Rougier, affirment que l’islamologue s’est trop rapproché de son objet d’étude, au point de reprendre à son compte les discours des islamistes. Rougier raconte avoir entendu des figures du Hamas en Égypte s’enquérir de leur « frère » Burgat, suggérant une proximité inquiétante.

« Souvent, quand j’interrogeais des figures islamistes, ils me demandaient des nouvelles de leur ’frère’ Burgat. »

Bernard Rougier, islamologue

Une autre chercheuse, Florence Bergeaud-Blackler, a également pointé du doigt les liens de Burgat avec cette mouvance dans une enquête publiée en 2023. Intitulée Le Frérisme et ses réseaux, cette étude a déclenché une violente réaction de l’islamologue, qui a dénoncé des « élucubrations » et un « anti-islamisme obsessionnel ». Ces critiques ont valu à Bergeaud-Blackler une campagne de harcèlement en ligne, dans laquelle Burgat a été actif.

Défense de Tariq Ramadan : Une Autre Polémique

François Burgat s’est également illustré par son soutien à Tariq Ramadan, figure controversée de l’islam politique, accusé de viols en 2017. Dans un message publié sur les réseaux sociaux, il remet en cause la crédibilité des plaignantes et insinue une manipulation judiciaire : « La vraie question est de savoir avec l’aide de qui ces trois femmes sont parvenues à rouler trois magistrats dans la farine. » Après la condamnation de Ramadan, Burgat signe une pétition dénonçant une justice française biaisée.

Cette prise de position renforce l’image d’un intellectuel prêt à défendre des figures controversées de l’islam politique, quelles que soient les accusations portées contre elles. Pour ses détracteurs, cela reflète une vision idéologique qui prime sur l’objectivité scientifique.

Liberté d’Expression ou Apologie du Terrorisme ?

Au cœur de cette affaire se pose une question fondamentale : où s’arrête la liberté d’expression et où commence l’apologie du terrorisme ? Burgat se présente comme un défenseur de la cause palestinienne, arguant que ses propos s’inscrivent dans une critique légitime de l’occupation israélienne. Pourtant, les autorités judiciaires estiment que ses messages dépassent le cadre du débat académique pour glorifier des actes terroristes.

Le délit d’apologie du terrorisme, instauré en France en 2014, est au centre de ce procès. Depuis les attentats du 7 octobre 2023, les enquêtes pour ce motif ont explosé, avec plus de 350 dossiers ouverts en France. Ce contexte sécuritaire tendu rend le cas de Burgat particulièrement sensible, alors que la société française débat des limites de la parole publique.

Statistiques sur l’apologie du terrorisme en France Données
Enquêtes ouvertes depuis octobre 2023 350
Condamnations notables Abdelhakim Sefrioui, Brahim Chnina
Peines encourues par Burgat 8 mois de prison avec sursis, 4 000 € d’amende

Un Verdict aux Enjeux Multiples

Le verdict attendu ce 28 mai 2025 ne concerne pas seulement François Burgat. Il pourrait redéfinir les contours de la liberté académique et de la liberté d’expression en France. Une condamnation renforcerait la ligne dure adoptée par les autorités face aux discours perçus comme apologétiques du terrorisme. À l’inverse, une relaxe pourrait être interprétée comme une validation de la liberté de critiquer, même de manière provocante, les politiques d’un État.

Pour les organisations plaignantes, ce procès est aussi une occasion de dénoncer ce qu’elles perçoivent comme une montée de l’antisémitisme dans certains discours pro-palestiniens. La tension entre défense de la cause palestinienne et accusations d’antisémitisme reste un sujet explosif, et l’affaire Burgat en est une illustration criante.

Un Débat qui Dépasse les Frontières

L’affaire Burgat ne se limite pas à la France. Elle s’inscrit dans un contexte international où les tensions autour du conflit israélo-palestinien continuent de polariser les opinions. Les prises de position de l’islamologue, relayées sur les réseaux sociaux, ont trouvé un écho dans les cercles pro-palestiniens, mais aussi une forte opposition dans les milieux attachés à la lutte contre le terrorisme et l’antisémitisme.

En Europe, d’autres cas similaires ont émergé. Par exemple, un rappeur espagnol a été condamné pour des propos jugés apologétiques du terrorisme, illustrant la vigilance croissante des autorités face aux discours publics. Ces affaires soulignent la difficulté de concilier liberté d’expression et sécurité dans un monde marqué par des conflits idéologiques.

Enjeux du verdict :

  • Redéfinition des limites de la liberté d’expression.
  • Impact sur la liberté académique des chercheurs.
  • Signal envoyé aux discours pro-palestiniens controversés.

Conclusion : Une Affaire Symptomatique

L’affaire François Burgat est plus qu’un simple procès. Elle cristallise les tensions entre liberté d’expression, engagement politique et lutte contre le terrorisme. Alors que le verdict approche, les regards se tournent vers Aix-en-Provence pour comprendre comment la justice française arbitrera ce cas complexe. Quelle que soit l’issue, ce jugement marquera un tournant dans le débat sur les responsabilités des intellectuels dans un monde fracturé.

Ce cas pose une question essentielle : un universitaire peut-il défendre des causes controversées sans franchir la ligne de l’apologie du terrorisme ? La réponse, attendue ce mercredi, pourrait redessiner les contours du débat public en France et au-delà.

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