Le débat fait rage au sein de la gauche française. Selon l’écrivain et essayiste François Bégaudeau, les luttes antiracistes et féministes, pourtant toutes deux progressistes, se percutent de plein fouet, générant des contradictions profondes et des dilemmes quasiment insolubles pour les militants.
Des combats légitimes mais parfois incompatibles
D’un côté, l’antiracisme dénonce avec force les discriminations subies par les minorités ethniques et prône une société inclusive et tolérante. De l’autre, le féminisme s’attaque au patriarcat et aux violences faites aux femmes, revendiquant l’égalité des sexes dans tous les domaines.
Mais ces deux combats, aussi justes soient-ils, entrent parfois en collision frontale. C’est le cas notamment sur la question du voile islamique, comme l’explique François Bégaudeau :
Pour les antiracistes, s’opposer au port du voile est une forme d’islamophobie et de stigmatisation. Mais pour nombre de féministes, c’est au contraire un symbole d’oppression patriarcale inacceptable.
François Bégaudeau
L’intersectionnalité en question
Cette confrontation met à mal le concept d’intersectionnalité, qui voudrait que toutes les luttes contre les dominations soient liées. En réalité, antiracisme et féminisme ne font pas toujours bon ménage, comme le souligne l’auteur :
On aimerait penser que la convergence des luttes va de soi. Mais dans les faits, il y a des frictions, des hiérarchisations, des conflits de priorité entre les différentes causes.
François Bégaudeau
Des militants pris en étau
Résultat, de nombreux militants de gauche se retrouvent pris en tenaille, tiraillés entre leur fibre antiraciste et leurs convictions féministes. Impossible pour eux de trancher, au risque de trahir un des deux combats.
Un dilemme cornélien qui divise profondément la gauche et paralyse son discours, analyse François Bégaudeau. Les partis peinent à se positionner clairement, de peur de froisser une partie de leur base électorale.
Trouver un équilibre, mission impossible ?
Pour l’écrivain, il n’existe pas de solution miracle pour résoudre ces contradictions. Chaque camp devra faire des concessions, accepter la complexité du réel :
Les antiracistes devront admettre que toutes les traditions culturelles ne sont pas bonnes à prendre. Et les féministes qu’on ne peut pas diaboliser des populations entières. Il faut du dialogue, de la nuance.
François Bégaudeau
Un vœu pieux ? Possible. Mais pour François Bégaudeau, c’est le seul moyen d’avancer, en évitant les postures moralisatrices et les anathèmes. Un appel à dépasser la guerre des chapelles, pour construire un progressisme à la fois ferme sur ses valeurs et ouvert à la discussion. Le pari est loin d’être gagné.