Lorsque François Bayrou gravit une dernière fois les marches de l’Hôtel de Matignon ce vendredi, on était loin d’imaginer le scénario abracadabrantesque des derniers mois qui l’avait finalement porté jusqu’à la plus haute marche du gouvernement. Après un bras de fer surréaliste avec Emmanuel Macron, l’obstiné centriste de 73 ans hérite enfin des clés du célèbre hôtel particulier et de la lourde tâche de sortir le pays de l’ornière.
Un centriste insubmersible aux manettes
De par son parcours atypique et sa longévité hors du commun sur la scène politique, François Bayrou a acquis le statut d’insubmersible. Celui qui rêvait d’une alliance « de Barre à Delors » dans les années 80 s’est construit au fil des décennies une réputation d’homme du centre, imperméable aux sirènes des extrêmes. En nommant son allié historique à Matignon, Emmanuel Macron mise sur cette image et sur la capacité de dialogue de Bayrou pour sortir de l’impasse politique actuelle.
Nul plus que moi ne connaît la difficulté de la situation.
François Bayrou
Fort de son expérience de négociateur, acquise lors de ses trois précédentes tentatives présidentielles, François Bayrou sait pertinemment les obstacles qui l’attendent. « Nul plus que moi ne connaît la difficulté de la situation », a-t-il d’ailleurs reconnu lors de sa passation de pouvoir. Entre une dette publique abyssale de 6% du PIB et une Assemblée Nationale fragmentée, la marge de manœuvre s’annonce plus qu’étroite pour le nouveau locataire de Matignon.
Une feuille de route déjà toute tracée ?
La méthode Bayrou, bien connue de l’opinion, repose sur le compromis et le dialogue. Pour autant, le nouveau Premier ministre ne part pas de zéro : l’avertissement lancé par l’agence de notation Moody’s et le budget avorté de son prédécesseur tracent un cap clair.
- Réduction du déficit public
- Contrôle de la dette
- Réformes structurelles
Trois priorités qu’il faudra à tout prix concilier avec la nécessité de préserver la cohésion sociale et la confiance des Français. Un numéro d’équilibriste auquel François Bayrou s’est déjà livré par le passé. Reste à savoir si la mayonnaise prendra cette fois-ci dans un contexte politique et économique explosif.
Le début d’une nouvelle ère ?
Avec la nomination de François Bayrou, c’est une page qui se tourne. Celle de la République En Marche, minée par les crises et l’effritement de sa majorité. En misant sur le retour du « vieux briscard » du Centre, Emmanuel Macron espère manifestement insuffler un nouvel élan à un quinquennat en lambeaux. Il mise aussi sur l’expérience et les réseaux de son Premier ministre pour renouer le dialogue avec des oppositions jusqu’au-boutistes.
Nous avons le devoir d’affronter les yeux ouverts, sans timidité, la situation qui est héritée de décennies entières.
François Bayrou
Une équation complexe que le patriarche du Béarn a promis de résoudre « sans rien cacher, sans rien négliger, sans rien laisser de côté ». Convaincu que « le mur de verre qui s’est construit entre les citoyens et les pouvoirs » doit être abattu coûte que coûte, il entend avant tout rétablir la confiance entre gouvernés et gouvernants. Un défi de haute voltige dans lequel toute une carrière et une succession d’échecs électoraux seront réinvestis.
Prochaine étape : une équipe gouvernementale et un budget
Après une passation de pouvoir riche en symboles et en avertissements, la vraie partie va commencer pour François Bayrou. Sa priorité sera de former rapidement une équipe gouvernementale capable d’affronter les défis du moment et de préparer son budget 2024. Un exercice d’autant plus périlleux qu’il s’effectuera sous le regard inquisiteur des agences de notations et des oppositions.
D’après nos informations, le nouveau Premier ministre aurait déjà une petite idée des « personnalités d’expérience » qu’il souhaite s’entourer. Parmi les noms qui circulent avec insistance, on retrouve plusieurs proches de longue date comme la députée Marielle de Sarnez, mais aussi d’anciens ministres reconvertis comme Jean Arthuis ou Jean-Louis Borloo. Des choix qui ne manqueront pas de faire grincer quelques dents du côté de la macronie.
Je veux un gouvernement rassemblant toutes les sensibilités de la majorité.
Emmanuel Macron
Une gageure alors qu’Emmanuel Macron a expressément demandé à son Premier ministre de composer « un gouvernement rassemblant toutes les sensibilités de la majorité ». François Bayrou parviendra-t-il à concilier les ego et à faire cohabiter macronistes historiques et transfuges de la droite comme de la gauche ? C’est tout l’enjeu des prochaines 48h qui s’annoncent décisives.
En attendant, le maire de Pau s’est déjà attelé à la préparation de sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée Nationale, prévue mercredi prochain. Un moment de vérité pour celui qui entend réussir là où tous ses prédécesseurs ont échoué. L’histoire retiendra si François Bayrou incarnera le nouvel élan d’une macronie à bout de souffle ou son dernier baroud d’honneur.