Nommé Premier ministre ce vendredi 13 décembre, François Bayrou hérite d’une situation budgétaire pour le moins délicate. Au lendemain de la chute du gouvernement Barnier, censurée par l’Assemblée nationale, et quelques heures seulement après sa prise de fonction, l’agence de notation Moody’s a dégradé par surprise la note de crédit long terme de la France. Un véritable coup de tonnerre qui place d’emblée l’ancien ministre de l’Économie face à un défi de taille : rassurer les marchés financiers et engager un redressement rapide et crédible des finances publiques.
Un héritage budgétaire explosif
François Bayrou n’entre pas à Matignon sur un terrain des plus favorables. Alors que le gouvernement Barnier avait déjà été contraint de revoir à la hausse ses prévisions de déficit pour 2025, dépassant allègrement les 3% du PIB, la dégradation de la note française par Moody’s risque de compliquer encore davantage l’équation budgétaire. Dans son communiqué, l’agence justifie sa décision par « la détérioration des perspectives de croissance et l’absence de réformes structurelles suffisantes pour endiguer la dérive des comptes publics ».
Un constat alarmant qui place le nouveau locataire de Matignon face à une double urgence : rassurer au plus vite les créanciers de la France sur la soutenabilité de sa dette, tout en s’efforçant de dégager de nouvelles marges de manœuvre budgétaires pour financer son programme. Un véritable casse-tête alors que les taux d’intérêt sur les emprunts d’État s’envolent et que la pression fiscale atteint déjà des niveaux records.
Des pistes pour redresser la barre
Face à cette situation explosive, François Bayrou devra impérativement présenter rapidement un plan de redressement crédible et ambitieux. Plusieurs pistes sont d’ores et déjà sur la table :
- Un serrage de vis sur les dépenses publiques, avec la mise en place d’une revue générale des politiques publiques et le gel de certaines prestations sociales.
- Une refonte en profondeur du système de retraites, avec un possible allongement de la durée de cotisation et un recul de l’âge légal de départ.
- Une simplification drastique du millefeuille fiscal et administratif pour retrouver de la compétitivité et doper la croissance.
- La réactivation de certaines réformes structurelles mises en sommeil ces derniers mois, comme celle de l’assurance chômage ou de la dépendance.
Autant de chantiers brûlants et potentiellement explosifs sur le plan social, que le nouveau Premier ministre devra conduire tambour battant s’il veut convaincre Bruxelles et les agences de notation du sérieux de la France dans la maîtrise de ses finances publiques. Un défi d’autant plus ardu que François Bayrou ne dispose pas d’une majorité claire à l’Assemblée, après l’éclatement de la coalition gouvernementale.
Une partie d’échecs politique
Pour faire adopter son budget rectificatif pour 2025 et lancer ses grands chantiers, le chef du gouvernement devra donc se livrer à un véritable jeu d’équilibriste politique. Il devra ménager sa majorité relative, composée du MoDem, d’une frange des Républicains et de députés Macron-compatibles, tout en s’efforçant de rallier à sa cause certains élus de l’opposition. Un sacré défi quand on sait les réticences d’une partie de la droite et de la gauche à voter de nouveaux tours de vis budgétaires en cette période socialement tendue.
Mais François Bayrou peut espérer profiter du choc causé par la dégradation de Moody’s pour mettre tout le monde face à ses responsabilités et créer un électrochoc politique. Il l’a d’ailleurs martelé dès sa prise de fonction : « Nous n’avons plus le choix, il en va de la crédibilité et de la souveraineté de la France ». Une façon de préparer les esprits à des décisions fortes et impopulaires, et d’imposer sa feuille de route à des parlementaires sous pression.
Réussir ce tour de force ne sera pas une mince affaire, même pour ce vieux routier de la politique qu’est François Bayrou. Mais le nouveau Premier ministre sait qu’il joue là une partie décisive, non seulement pour l’avenir de la France, mais aussi pour sa propre survie politique. S’il parvient contre toute attente à redresser la barre des comptes publics et à redonner des perspectives à la France, il pourrait en ressortir considérablement renforcé, voire incontournable, à deux ans de la prochaine élection présidentielle. Un sacré pari sur l’avenir.