C’est un véritable marathon de consultations qui s’ouvre pour François Bayrou. Fraîchement nommé premier ministre vendredi, le centriste s’attelle dès ce samedi à la délicate mission de former un nouveau gouvernement, après la chute de celui de Michel Barnier suite à une motion de censure à l’Assemblée nationale. Une tâche ardue, en l’absence de majorité claire au Palais Bourbon.
Pour sa première journée à Matignon, le président du MoDem reçoit plusieurs personnalités clés des institutions. Au programme : des entretiens avec les présidents de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet et du Sénat Gérard Larcher, mais aussi avec Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes et ancien ministre de l’Économie, ainsi que François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France.
Un « Himalaya de difficultés » à surmonter
Lors de la passation de pouvoirs vendredi avec son prédécesseur Michel Barnier, François Bayrou n’a pas caché l’ampleur du défi qui l’attend, évoquant un véritable « Himalaya de difficultés ». Sans majorité absolue à l’Assemblée, le nouveau locataire de Matignon va devoir composer avec des oppositions hétéroclites, du Rassemblement national à la gauche unie.
Selon une source proche du dossier, François Bayrou souhaiterait former un gouvernement resserré, mêlant poids lourds d’expérience et représentants des différentes sensibilités prêtes à le soutenir. Objectif : éviter une nouvelle motion de censure, alors que la France traverse une passe économique et sociale délicate, avec une inflation élevée et des finances publiques dégradées.
Pas de participation du Nouveau Front Populaire
Si Les Républicains posent leurs conditions, à gauche c’est le flou qui domine. Pour l’heure, le Nouveau Front populaire, qui rassemble La France Insoumise, les Verts, le Parti socialiste et le Parti communiste, n’entend pas participer à ce « gouvernement de la dernière chance ». Manuel Bompard, chef de file des députés LFI, dénonce même un « nouveau bras d’honneur à la démocratie » et promet une motion de censure express.
Marine Tondelier, secrétaire nationale des Verts, se montre un peu moins virulente. Invitée de France Inter ce samedi, elle affirme ne pas vouloir « censurer a priori François Bayrou », tout en émettant de sérieux « a priori de censure », suggérant une abstention.
La droite pose ses conditions
À droite, la nomination de François Bayrou est accueillie avec pragmatisme. Pour le patron des députés LR Olivier Marleix, interrogé par le Figaro, la participation de son parti au gouvernement dépendra « du projet et des garanties qui nous seront présentées ». Immigration, sécurité, pouvoir d’achat, réduction de la dette… Les Républicains mettent en avant leurs « lignes rouges », sans fermer totalement la porte.
Il faut maintenant que la raison l’emporte sur les postures. Le pays a besoin d’être gouverné, de choix courageux et d’une volonté intacte de réforme.
Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat
Selon nos informations, François Bayrou pourrait proposer des portefeuilles régaliens à plusieurs ténors de la droite. Les noms de Bruno Retailleau à l’Intérieur et de Gérard Larcher – si ce dernier quitte le Sénat – à la Justice circulent avec insistance. À Bercy, certains évoquent un grand ministère de l’Économie et des Finances confié à Valérie Pécresse.
Vers un « accord de non-censure » ?
Ce casting de combat permettrait au nouveau premier ministre de réunir une majorité de circonstance, sans contrat de coalition. Un pari risqué, mais François Bayrou mise sur sa capacité à rassembler au-delà des clivages, forte de son image d’homme du dialogue et de la modération.
- Objectif n°1 : obtenir un « accord de non-censure » de la part des groupes politiques prêts à lui laisser sa chance, sans participation au gouvernement.
- Objectif n°2 : fédérer une équipe gouvernementale solide, en piochant parmi les personnalités d’expérience des différentes familles, du centre à la droite.
- Objectif n°3 : impulser rapidement des réformes pour répondre à l’urgence économique et sociale, afin de redonner confiance aux Français et aux marchés.
Autant de défis à relever en un temps record pour François Bayrou, qui joue sans doute là sa dernière carte politique. En cas d’échec, une dissolution de l’Assemblée nationale semble inéluctable. Réponse dans les prochains jours, qui s’annoncent décisifs pour l’avenir de ce quinquennat agité.