C’était l’un des grands défis de François Bayrou pour son retour à Matignon : constituer un gouvernement d’ouverture, intégrant des personnalités de gauche comme de droite. Mais le pari s’est avéré plus difficile que prévu pour le centriste de 73 ans, qui n’a pas réussi à recruter au-delà d’ex-figures du quinquennat Hollande. Un demi-échec qui fragilise d’entrée son équipe, sous la menace d’une censure de l’opposition.
Du « recyclage » d’anciens ministres socialistes
Arrivé à Matignon avec la volonté de rééquilibrer la ligne politique par rapport au précédent gouvernement de Michel Barnier, François Bayrou espérait convaincre des ténors de la gauche de le rejoindre. Il visait notamment des figures du Parti socialiste, tenté par un « pacte de non-censure » sans pour autant accepter de participer à un exécutif de centre-droit.
Mais aucun des socialistes approchés n’a donné suite. Le nouveau Premier ministre a donc dû se rabattre sur des transfuges, d’anciens ministres du quinquennat Hollande comme Manuel Valls (Outre-mer), François Rebsamen (Travail) ou Juliette Meadel (Logement). Des « morts vivants » et du « recyclage » pour le PS, qui a dénoncé une « provocation » et promis de les exclure.
Manuel Valls, la nomination qui fâche à gauche
C’est surtout la présence de Manuel Valls qui cristallise les critiques. L’ancien Premier ministre est honni des socialistes depuis son soutien à Emmanuel Macron en 2017 et ses positions droitières, notamment sur l’immigration. Pour Olivier Faure, patron du PS, il incarne « la figure de celui qui a trahi la gauche ».
Manuel Valls est un ancien Premier ministre de gauche, naturellement en conflit avec la gauche sur certains sujets. C’est une personnalité un peu kamikaze qui accepte de prendre des risques.
François Bayrou, Premier ministre
Mais François Bayrou assume ce choix controversé, y voyant le symbole de son ouverture. Tout en reconnaissant que Valls est « naturellement en conflit avec la gauche sur certains sujets », il salue « une personnalité un peu kamikaze qui accepte de prendre des risques ». Le chef du gouvernement croit aussi s’attirer les bonnes grâces de l’aile droite de la majorité avec cette nomination surprise.
Un seul ministre vraiment de gauche pour le PS
À part les ex-socialistes passés chez Macron, un seul nouveau ministre trouve grâce aux yeux d’Olivier Faure. Il s’agit d’Éric Lombard, ancien directeur de la Caisse des Dépôts, nommé à l’Économie et aux Finances. « Une personnalité de gauche » pour François Bayrou, à un poste clé alors que la France traverse une grave crise budgétaire.
Mais pour le Parti socialiste, les trois autres ministres issus de ses rangs sont « prétendument de gauche ». « Ça fait sept ans qu’ils soutiennent Emmanuel Macron, ces gens-là ont quitté la gauche », tranche Olivier Faure. Même si François Rebsamen a toujours sa carte au PS et que Juliette Meadel vient de la reprendre, leur exclusion est actée.
Vers une censure du gouvernement Bayrou ?
Malgré son échec à attirer des figures de l’opposition, François Bayrou s’est dit « persuadé » d’échapper à une motion de censure après son discours de politique générale, le 14 janvier. Mais il n’est pas à l’abri d’un revers, dans une Assemblée nationale où aucun camp ne détient la majorité absolue depuis les législatives anticipées de juin.
La gauche n’exclut pas de voter une censure si le cap du gouvernement ne change pas. « Comme il n’y a pas de majorité absolue pour quiconque, il faut bien trouver des compromis », prévient le patron du PS Olivier Faure, appelant François Bayrou à « faire un pas vers la gauche » s’il veut éviter ce scénario. Une mise en garde qui sonne comme un ultimatum pour le nouveau locataire de Matignon.