C’est une prise de position aussi inattendue que bouleversante. Francis Ford Coppola, monument du 7ème art et réalisateur de chefs-d’œuvre comme Le Parrain ou Apocalypse Now, vient de sortir de sa réserve pour tirer la sonnette d’alarme. Sa cible : l’inquiétante montée en puissance des courants antivaccins au sein même de l’administration Trump, et plus particulièrement l’éventuelle nomination de Robert F. Kennedy Jr, figure de proue des « antivax », à un poste clé du ministère de la Santé.
Une peur viscérale née d’une enfance marquée par la maladie
Pour comprendre la vive émotion de Coppola, il faut remonter aux sources d’un traumatisme profondément ancré. Car si le cinéaste est aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands de sa génération, c’est au prix d’un combat acharné contre la maladie qui a failli lui coûter sa mobilité, voire sa vie : la poliomyélite. Frappé par ce terrible virus dans sa prime jeunesse, le petit Francis a passé de longs mois cloué au lit, entouré d’autres enfants aux corps meurtris.
Je me souviens de la nuit où j’ai été pris de fièvre. Ils m’ont emmené à l’hôpital. Il y avait tellement d’enfants qu’il y avait des civières empilées dans les couloirs. Je me souviens des enfants dans les poumons d’acier. Ils pleuraient tous.
Francis Ford Coppola
Un calvaire qui aurait pu lui laisser des séquelles irréversibles, comme il le confie avec émotion :
On m’a dit que je devrais me battre et que je pourrais vivre longtemps, être actif et faire tout ce que je voudrais. Mais toujours en fauteuil roulant. C’est là que j’ai réalisé à quoi j’étais confronté.
Francis Ford Coppola
Le vaccin salvateur du Dr Salk
Heureusement, le destin en a décidé autrement grâce aux efforts acharnés d’une infirmière autodidacte et surtout, à l’arrivée providentielle quelques années plus tard du vaccin révolutionnaire mis au point par le Dr Jonas Salk. Une véritable bénédiction pour le jeune Francis et pour des millions d’enfants à travers le monde :
L’horreur, c’est ce que j’ai vu dans un hôpital rempli d’enfants hurlants, et tout cela était finalement terminé, grâce au merveilleux vaccin Salk.
Francis Ford Coppola
L’ombre de l’antivax Robert F. Kennedy Jr
On comprend mieux dès lors la vive inquiétude de Coppola à l’idée de voir un militant antivax notoire comme Robert F. Kennedy Jr, neveu du président assassiné, accéder à des responsabilités gouvernementales. Ce dernier, malgré ses dénégations, n’a eu de cesse ces dernières années de relayer des théories complotistes accusant sans preuves les vaccins d’être responsables de l’autisme. Des prises de position qui font frémir le réalisateur, pour qui la lutte contre ce fléau est un combat personnel.
Un cri d’alarme à l’attention des décideurs politiques
En prenant ainsi la parole, Coppola espère alerter l’opinion et les pouvoirs publics sur les risques d’un retour en arrière sanitaire catastrophique. Car derrière les élucubrations d’illuminés se cache une menace bien réelle, que le cinéaste a vécue dans sa chair :
Les gens ne comprennent pas les effets terribles de la poliomyélite, comme l’incapacité de respirer et d’être dans un poumon d’acier, l’incapacité de marcher ou la paralysie totale. Tout cela à cause des dommages causés par cette infection.
Francis Ford Coppola
En osant élever la voix, ce monument du cinéma prend le risque de s’attirer les foudres des complotistes de tous bords. Mais pour ce survivant de la polio, le jeu en vaut la chandelle si cela peut éviter à d’autres enfants de revivre le cauchemar enduré jadis. Aura-t-il été entendu ? Rien n’est moins sûr tant le mouvement antivax, dopé par les réseaux sociaux, semble gagner du terrain, y compris dans les plus hautes sphères du pouvoir. Il n’en reste pas moins que ce témoignage poignant, signé d’une légende vivante, ne pourra laisser indifférent. Car derrière le plaidoyer d’un homme se cache le cri d’alarme d’un enfant à jamais meurtri.