Imaginez : la France possède déjà l’une des électricités les plus propres et les plus abondantes d’Europe. Pourtant, elle continue d’importer massivement du pétrole et du gaz pour chauffer ses maisons et faire rouler ses voitures. Résultat ? Des objectifs climatiques qui s’éloignent et une industrie qui perd du terrain. C’est le constat sans détour que dresse le gestionnaire du réseau haute tension dans son dernier bilan prévisionnel actualisé.
Un avantage unique que la France n’exploite pas assez vite
Avec près de 95 % de production électrique décarbonée grâce au nucléaire et aux renouvelables, la France dispose d’un atout presque unique sur le continent. Cet avantage devrait lui permettre de remplacer rapidement les énergies fossiles dans les transports, le chauffage et l’industrie. Mais la réalité est tout autre.
Aujourd’hui, les hydrocarbures représentent encore environ 60 % de la consommation finale d’énergie. L’objectif officiel est de descendre à 30-35 % d’ici 2035. Pour y arriver, il faudrait électrifier massivement. Or, le pays accuse un retard significatif dans cette dynamique.
Un retard qui coûte cher à la nation
Ce retard n’est pas anodin. Il met en péril deux ambitions majeures : la décarbonation complète de l’économie et la réindustrialisation du pays. Sans électrification rapide, la part de l’industrie manufacturière dans le PIB continue de baisser, alors que nos voisins profitent de l’énergie abondante pour attirer les usines.
Le gestionnaire du réseau a même revu à la baisse ses prévisions de consommation électrique à l’horizon 2035 : environ 35 TWh de moins qu’estimé en 2023. Traduction : la France s’inscrit pour l’instant dans une trajectoire de décarbonation « lente ».
« La France dispose de l’avantage quasi-unique en Europe d’une production d’électricité particulièrement abondante et déjà décarbonée à 95 %. »
Deux scénarios possibles pour 2035
Le rapport dessine deux futurs possibles.
- Scénario « décarbonation lente » (trajectoire actuelle) : objectifs climatiques manqués, industrie en recul, dépendance persistante aux importations fossiles.
- Scénario « décarbonation rapide » : objectifs climats atteints, réindustrialisation réussie, balance commerciale améliorée grâce à la baisse des importations d’hydrocarbures.
La différence entre ces deux chemins ? Essentiellement la vitesse à laquelle on remplace les chaudières fioul et gaz par des pompes à chaleur, les véhicules thermiques par des électriques, et les procédés industriels fossiles par des électriques.
Surcapacités électriques : le paradoxe français
Jusqu’en 2027-2028, la France va connaître des périodes de surcapacités électriques. Autrement dit, nous produirons plus d’électricité décarbonée que nous n’en consommons. C’est à la fois un luxe et un signal d’alarme.
La solution la moins coûteuse pour absorber ces surplus n’est pas de ralentir le développement de l’éolien ou du solaire, comme certains le réclament. Elle consiste au contraire à accélérer le remplacement des usages fossiles par des usages électriques, beaucoup plus efficaces énergétiquement.
Le président du directoire de RTE le dit clairement : ralentir les renouvelables serait un levier à manier « avec proportionnalité », au risque sinon d’affaiblir des filières industrielles naissantes.
L’électrification, levier économique et écologique
Passer à l’électricité pour le chauffage, la mobilité et l’industrie présente un triple avantage :
- Réduction massive des émissions de CO₂ (l’électricité française est déjà très peu carbonée).
- Amélioration de la balance commerciale (moins d’importations de pétrole et de gaz).
- Gains d’efficacité énergétique considérables (un véhicule électrique consomme 4 fois moins d’énergie primaire qu’un thermique pour parcourir la même distance).
Ces gains permettent d’envisager une consommation électrique maîtrisée même en cas d’électrification massive.
Le gouvernement prêt à passer à l’action ?
Le ministère de l’Industrie et de l’Énergie a salué une « nouvelle positive et encourageante ». Il confirme travailler sur une « stratégie d’électrification complémentaire » à la future programmation pluriannuelle de l’énergie, très attendue.
Cette stratégie devra répondre à plusieurs défis concrets : accompagnement des ménages vers les pompes à chaleur et les véhicules électriques, adaptation du réseau de distribution, formation massive dans les métiers de l’électricité, sécurisation des matières premières pour les batteries, etc.
Et si la France ratait le coche ?
Sans accélération, le risque est réel de voir d’autres pays européens, même avec une électricité plus carbonée, attirer les industries grâce à une politique d’électrification plus volontariste. La concurrence est déjà rude avec l’Allemagne, les Pays-Bas ou les pays nordiques.
Le rapport constitue donc un électrochoc nécessaire en plein débat sur la future loi de programmation énergétique. Il rappelle que le nucléaire et les renouvelables ne sont pas antagonistes : ils forment ensemble la base d’une électricité abondante qu’il faut maintenant mettre au service de toute l’économie.
La France a les cartes en main. Reste à les jouer, et vite.
–>(Article mis à jour le 9 décembre 2025 – sources institutionnelles françaises)









