Imaginez : vous avez 20 ans, vous venez de recevoir votre admission à la prestigieuse université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, et là… bam. Votre rêve français se transforme en facture salée de près de 3 000 euros par an, là où votre voisin de dortoir, venu d’un autre continent, paiera toujours 178 euros. C’est la réalité qui attend, dès la rentrée prochaine, des milliers d’étudiants hors Union européenne.
Une hausse brutale votée dans l’urgence budgétaire
Le 1er décembre 2025, le conseil d’administration de Paris 1 a adopté, à une large majorité, la fin de l’exonération des frais différenciés pour les étudiants extracommunautaires. Concrètement, les tarifs passent de 178 € à 2 895 € en licence et de 254 € à 3 941 € en master. Soit une multiplication par 16 en quelques mois.
L’université, asphyxiée par les restrictions budgétaires, justifie cette décision comme une mesure temporaire. Elle « espère pouvoir revenir dessus dès que la situation financière sera stabilisée ». En clair : on fait payer ceux que la loi nous autorise à faire payer.
Qui échappe à la flambée des prix ?
Tous les étudiants hors UE ne sont pas logés à la même enseigne. Deux catégories conservent les tarifs symboliques actuels :
- Les « étudiants en exil » (réfugiés, bénéficiaires de la protection subsidiaire…)
- Les ressortissants des 44 pays les moins avancés selon la classification ONU : Afghanistan, Burkina Faso, Haïti, République démocratique du Congo, Madagascar, Mali, Soudan, Yemen, etc.
Un étudiant marocain, tunisien, algérien, chinois, indien, brésilien ou turc paiera donc le prix fort. Un étudiant afghan, somalien ou centrafricain, non. La nationalité devient, plus que jamais, un critère décisif.
D’où vient cette possibilité légale ?
Retour en 2018-2019. Le gouvernement lance la stratégie « Bienvenue en France » avec un objectif affiché : attirer les meilleurs talents étrangers en augmentant fortement les frais pour les autres. Les universités obtiennent alors le droit de pratiquer des droits différenciés jusqu’à 2 770 € en licence et 3 770 € en master pour les étudiants hors UE.
Mais la plupart des grands établissements, Paris 1 en tête, avaient jusqu’ici refusé d’appliquer cette mesure, préférant maintenir l’exonération partielle ou totale. Face à la crise budgétaire actuelle, la résistance cède.
« Nous n’avons plus le choix. L’État nous demande de nous débrouiller seuls avec des moyens en baisse constante. »
Un membre du conseil d’administration, sous couvert d’anonymat
Une discrimination assumée… mais inversée
Le paradoxe est saisissant. D’un côté, on accuse régulièrement la France de xénophobie. De l’autre, l’université instaure une discrimination positive massive en faveur des nationalités les plus pauvres – souvent africaines ou afghanes – au détriment des classes moyennes étrangères (Maghreb, Amérique latine, Asie émergente).
Un étudiant algérien ou marocain, dont les parents gagnent parfois 800 € par mois, paiera 16 fois plus cher qu’un étudiant burkinabè ou malgache. Est-ce vraiment plus juste ?
Les réactions : colère et incompréhension
Dès l’annonce, les protestations se sont multipliées. Une centaine d’enseignants-chercheurs ont signé une tribune dénonçant des « rustines discriminatoires » aux conséquences « catastrophiques ». Des associations étudiantes parlent d’un « tri social et géographique » inacceptable.
Sur les réseaux, les témoignages pleuvent :
- « Je viens du Vietnam, mes parents ont tout sacrifié. 3 000 € par an, c’est impossible. »
- « Un Haïtien paiera 178 € et moi, Tunisien, 2 900 €. Où est l’égalité républicaine ? »
- « On sélectionne désormais les étudiants sur critère de pauvreté nationale, pas de mérite. »
Un contexte budgétaire explosif
Cette décision ne sort pas de nulle part. Elle s’inscrit dans une série de mesures qui ciblent spécifiquement les étrangers :
- Projet de suppression des APL pour les étudiants étrangers non boursiers (économie estimée : 400 millions d’euros)
- Gel des dotations aux universités
- Hausse continue du coût de la vie en France
Pour Paris 1, qui forme des milliers d’étudiants étrangers chaque année (près de 20 % des effectifs), la manne financière est conséquente. On estime que la mesure pourrait rapporter plusieurs dizaines de millions d’euros par an.
Et demain ?
D’autres universités vont-elles suivre ? Sciences Po Paris, déjà habituée aux frais élevés, a franchi le pas depuis longtemps. Mais pour les universités publiques historiques (Sorbonne, Panthéon-Assas, etc.), c’était jusqu’ici un tabou.
Ce précédent risque d’ouvrir la boîte de Pandore. Si Paris 1 le fait, pourquoi pas les autres ? On pourrait rapidement voir se dessiner deux France universitaires : l’une quasi gratuite pour les Européens et les plus pauvres du monde, l’autre hors de prix pour les classes moyennes étrangères.
Derrière le discours compassionnel, c’est une forme de sélection par l’argent qui s’installe, ciblée géographiquement. Et ce sont souvent les étudiants maghrébins, turcs, latino-américains ou asiatiques – pourtant parfaitement intégrés et francophones – qui trinquent.
La France, pays des Lumières et de l’universalisme, est-elle en train de renoncer, par pur calcul budgétaire, à l’idée même d’égalité devant les études supérieures ? La question mérite d’être posée. Et la réponse, pour l’instant, fait mal.
Résumé en une phrase : Paris 1 Panthéon-Sorbonne fait payer 16 fois plus cher les étudiants étrangers hors UE… sauf s’ils viennent des 44 pays les plus pauvres du monde. Une discrimination inversée qui révèle la crise profonde du modèle universitaire français.









