41% des ménages gagnant entre 1000 et 2000 euros, 33% de ceux entre 2000 et 3500 euros… Aux dernières élections européennes, les classes moyennes françaises se sont massivement tournées vers le Rassemblement National, traditionnellement ancré dans les milieux populaires. Une percée sociologique révélatrice d’une profonde fracture sociale et politique.
L’inflation ronge le pouvoir d’achat des classes moyennes
Prises à la gorge par la flambée des prix, particulièrement dans l’alimentaire (+20% en 2 ans) et l’énergie (+70% pour l’électricité en 5 ans), les classes moyennes voient leur pouvoir d’achat s’éroder inexorablement. Chaque dépense est minutieusement planifiée, les vacances et l’épargne deviennent un luxe. Pour certains, l’inflation mène même au surendettement.
On voit arriver des gens qui n’auraient jamais passé notre porte avant. Des personnes qui travaillent, qui ont des crédits immobiliers ou voiture.
Laetitia Vigneron, conseillère financière à l’UDAF du Cher
Trop “riches” pour les aides, trop pauvres pour s’en sortir
Exclues des dispositifs d’aide réservés aux plus modestes, les classes moyennes ont le sentiment d’être les grandes oubliées. Elles se sentent :
- Trop “riches” pour bénéficier des aides sociales
- Mais trop pauvres pour maintenir leur niveau de vie
- Lourdement taxées pour financer un modèle social auquel elles n’ont plus accès
Précarité de l’emploi et absence de perspectives d’ascension sociale
Au-delà de l’érosion du pouvoir d’achat, c’est l’absence de perspectives d’ascension sociale qui mine le moral des classes moyennes. La précarité sur le marché du travail est devenue la norme, particulièrement pour les jeunes actifs. Difficile dans ces conditions de construire des projets de vie sur le long terme.
La précarité dans l’emploi se traduit par l’impossibilité de construire sa vie de manière durable. Cela ronge le corps social.
Nicolas Duvoux, sociologue à l’université Paris-VII
Le vote RN, un vote protestataire des classes moyennes déclassées
Face à ces multiples fractures, les classes moyennes ont exprimé leur ras-le-bol dans les urnes le 9 juin dernier, en votant massivement pour le Rassemblement National. Un vote protestataire symptomatique d’une France des invisibles, qui ne se sent plus représentée ni prise en compte par les formations politiques traditionnelles.
Le RN, en faisant de la voiture un thème politique, a réussi à créer une proximité avec les classes moyennes, qui se sentent enfin prises en compte.
Jérôme Fourquet, politologue
Ces résultats électoraux sont le symptôme d’une profonde désillusion politique des catégories intermédiaires, qui ne croient plus aux institutions ni au système. Un signal d’alarme pour le gouvernement, qui doit urgemment s’attaquer aux racines de ce malaise social et démocratique, sous peine de voir la fracture se creuser davantage.
