C’est une nouvelle qui ébranle le monde de l’industrie agroalimentaire française. Le groupe italien Bolton Food, propriétaire actuel de la marque Saupiquet, a annoncé la fermeture prochaine de son usine finistérienne de Quimper. Un site historique qui emploie encore 155 personnes pour la production de conserves de sardines et de maquereaux. Une décision motivée par la baisse des ventes et la surcapacité de production selon la direction. Mais c’est surtout un pan entier du patrimoine culinaire et industriel tricolore qui s’apprête à disparaître.
Saupiquet, Fleuron Nantais de la Conserve
Fondée en 1891 par Joseph Saupiquet à Nantes, la marque éponyme a bâti sa renommée sur la qualité de ses conserves de poissons, notamment de sardines. Surfant sur l’essor de l’industrie de la conserve, Saupiquet devient rapidement un acteur majeur du secteur. Son ancrage local et la proximité avec les ports de pêche bretons assurent un approvisionnement optimal en matière première.
L’Âge d’Or des Conserveries
Au fil des décennies, Saupiquet étend son maillage avec de nombreuses usines en Bretagne et en Vendée. L’entreprise familiale prospère et ses boîtes de sardines à l’huile deviennent un classique des garde-mangers français. L’âge d’or des conserveries bat son plein jusque dans les années 60-70 avec une production et une consommation massives.
Changements de Main et Délocalisations
À partir des années 80, le vent commence à tourner. Face à la concurrence étrangère et à l’évolution des modes de consommation, Saupiquet et les conserveurs français peinent à maintenir leur attractivité. S’enchaîne alors une valse de rachats et de restructurations. En 1989, BSN (futur Danone) met la main sur Saupiquet avant de céder la marque en 1997 au groupe anglais Trinity Holding.
Les années 2000 sont synonymes de vagues de délocalisations. De nombreux sites français ferment, la production est transférée au Maroc et en Pologne où les coûts sont moindres. En 2006, le groupe italien Bolton rachète Saupiquet. S’en suivent de nouvelles restructurations et fermetures d’usines.
Quimper, Dernier Bastion Français
Au terme de cette longue descente aux enfers, ne subsiste plus que l’usine de Quimper. Un site existant depuis 1880, d’abord sous la bannière Cassegrain avant d’être intégré à Saupiquet dans les années 60. Malgré une modernisation des équipements en 2016, l’usine peine à maintenir sa compétitivité. L’annonce brutale de sa fermeture a provoqué un véritable choc, les salariés et les syndicats dénoncent le “manque d’investissement” et la “logique financière” du groupe Bolton. Des négociations sont en cours pour tenter de sauver l’emploi des 155 salariés.
Un Savoir-Faire en Voie de Disparition
Au-delà des considérations économiques et sociales, c’est aussi une part de l’identité culinaire française qui s’évanouit. Le savoir-faire développé depuis plus d’un siècle, la sélection et la transformation du poisson, les recettes inchangées, tout un patrimoine immatériel risque de sombrer dans l’oubli avec la fermeture de ce site. Une perte culturelle au même titre que la disparition des biscuiteries ou des chocolateries traditionnelles.
C’est un véritable crève-cœur de voir partir cette usine. C’est toute une vie, des générations de Quimpérois qui ont travaillé ici. On y a mis notre savoir-faire, notre passion. Les sardines Saupiquet, c’était une institution !
– témoigne ainsi André, ancien ouvrier de l’usine, la gorge serrée.
Un Avenir Incertain pour la Filière
Le destin funeste des conserveries Saupiquet cristallise les difficultés que traverse l’ensemble du secteur des produits de la mer en conserve. Un marché en berne depuis plusieurs années en raison :
- De la modification des habitudes alimentaires des consommateurs
- Des polémiques sur la pêche intensive et la durabilité des ressources
- De l’image vieillissante des conserves auprès des jeunes générations
- De la concurrence exacerbée des pays à bas coûts
Un contexte compliqué qui oblige les acteurs restants à réinventer leur modèle. Certains misent sur le local et le haut de gamme en se fournissant auprès de petits pêcheurs, d’autres sur l’innovation avec des recettes originales et des packagings modernisés. L’objectif : redonner ses lettres de noblesse à la sardine en boîte !
La Fin d’une Success-Story à la Française
Quoiqu’il advienne, la fermeture annoncée de la dernière usine Saupiquet sonne comme la triste épilogue d’une success-story industrielle et familiale débutée il y a plus de 130 ans. De Nantes à Quimper, l’aventure de cette marque aura profondément marqué l’histoire économique et alimentaire française. À défaut de pouvoir maintenir sa production hexagonale, espérons que Saupiquet aura à cœur de perpétuer son héritage et ses recettes. Car pour tous les amateurs de sardines, le poisson aura décidément un autre goût lorsqu’il ne naîtra plus dans les terres bretonnes.