En ce jeudi matin de juillet 2025, une cérémonie à Dakar marque un tournant historique : la France restitue officiellement ses dernières installations militaires au Sénégal. Ce moment symbolique clôt une présence militaire française continue dans ce pays depuis son indépendance en 1960. Mais que signifie ce retrait pour le Sénégal, pour la France, et pour l’Afrique de l’Ouest dans son ensemble ? Plongeons dans les détails de cet événement et ses implications.
Un Retrait Historique pour le Sénégal
La fin de la présence militaire française au Sénégal ne passe pas inaperçue. Le camp Geille, situé dans le quartier de Ouakam à Dakar, et l’escale aéronautique militaire à l’aéroport de la capitale sont officiellement remis aux autorités sénégalaises. Cette cérémonie, présidée par le général Mbaye Cissé, chef d’état-major des armées sénégalaises, et le général Pascal Ianni, commandant des forces françaises en Afrique, scelle la fin des Éléments Français au Sénégal (EFS). Ces derniers, composés d’environ 350 militaires, avaient pour mission principale de renforcer les capacités des forces armées sénégalaises à travers des activités de formation et de coopération.
Ce retrait, amorcé dès mars 2025, s’inscrit dans un contexte plus large. Depuis 2022, la France a progressivement réduit sa présence militaire permanente en Afrique, mettant fin à ses bases au Mali, au Burkina Faso, au Niger, au Tchad et au Gabon. Ce dernier pays a vu sa base transformée en un camp partagé franco-gabonais, axé sur la formation. Le Sénégal, longtemps considéré comme un allié stable de la France en Afrique de l’Ouest, suit désormais cette tendance, marquant un changement significatif dans les relations bilatérales.
Une Présence Militaire Ancrée Depuis l’Indépendance
Depuis l’indépendance du Sénégal en 1960, la France a maintenu une présence militaire constante dans le pays, fondée sur des accords de défense et de coopération. Ces accords ont permis un soutien logistique et technique à l’armée sénégalaise, notamment entre 1960 et 1974, période durant laquelle la France a contribué à la construction des forces armées nationales. Le camp Geille, situé à Dakar, était le cœur de cette coopération, abritant le poste de commandement interarmées et une unité dédiée à la coordination régionale.
En 2011, les Forces Françaises du Cap-Vert (FFCV), créées en 1974, ont été remplacées par les EFS, marquant une transition vers un rôle moins opérationnel. Les unités combattantes ont disparu, laissant place à des instructeurs spécialisés chargés de former les forces sénégalaises. En 2012, un traité a redéfini ce partenariat, confiant la défense territoriale exclusivement aux forces sénégalaises, avec un appui français axé sur la formation et la coopération.
Le Sénégal est un pays indépendant, c’est un pays souverain et la souveraineté ne s’accommode pas de la présence de bases militaires dans un pays souverain.
Président Bassirou Diomaye Faye, novembre 2024
Un Changement de Cap Sous Bassirou Diomaye Faye
L’arrivée au pouvoir du président Bassirou Diomaye Faye en avril 2024 a accéléré ce processus. Élu sur un programme prônant une souveraineté retrouvée, Faye a clairement exprimé sa volonté de mettre fin à la présence militaire étrangère au Sénégal, y compris celle de la France, son allié historique. Cette décision, annoncée en novembre 2024, s’inscrit dans une logique de rééquilibrage des relations internationales du Sénégal, désormais placé sur un pied d’égalité avec tous ses partenaires étrangers.
Le président Faye a toutefois tenu à préciser que ce retrait ne signifiait pas une rupture avec la France. Il prône un partenariat rénové, basé sur une coopération respectueuse de la souveraineté sénégalaise. Ce discours reflète une volonté de redéfinir les relations avec l’ancienne puissance coloniale, dans un contexte où plusieurs pays africains, notamment au Sahel, ont adopté une posture plus critique envers la France.
Un Contexte Régional Complexe
Le retrait français du Sénégal intervient dans un paysage africain marqué par une méfiance croissante envers la présence militaire française. Au Sahel, des juntes issues de coups d’État au Mali, au Burkina Faso et au Niger ont exigé le départ des forces françaises, souvent dans un climat de tensions. Ces pays, confrontés à des défis sécuritaires comme le terrorisme jihadiste, ont reproché à la France une inefficacité dans la lutte antiterroriste et une ingérence dans leurs affaires internes.
Contrairement à ces retraits forcés, le processus au Sénégal s’est déroulé dans un cadre de concertation. Les discussions entre Dakar et Paris ont permis une transition fluide, respectueuse des intérêts des deux parties. Ce modèle contraste avec les départs précipités du Sahel, où la France a dû plier bagage sous la pression des nouvelles autorités.
Les grandes étapes du retrait français
- 2011 : Transformation des FFCV en EFS, recentrage sur la formation.
- 2012 : Signature d’un traité redéfinissant la coopération militaire.
- 2022 : Début des retraits français dans plusieurs pays africains.
- Mars 2025 : Début du retrait progressif des EFS au Sénégal.
- Juillet 2025 : Restitution officielle des bases sénégalaises.
Quel Avenir pour la Coopération Franco-Sénégalaise ?
La fin de la présence militaire française ne marque pas la fin de la coopération entre les deux pays. Paris conserve une base militaire à Djibouti, où 1 500 militaires sont stationnés, et envisage d’en faire un point d’appui stratégique pour des missions en Afrique. Le Sénégal, de son côté, pourrait continuer à bénéficier de programmes de formation et d’échanges militaires, mais dans un cadre redéfini, plus équilibré.
Ce retrait soulève toutefois des questions sur l’avenir des relations franco-africaines. Dans un contexte où la France cherche à maintenir son influence en Afrique face à la montée de nouveaux acteurs comme la Russie ou la Chine, le départ du Sénégal pourrait inciter d’autres pays à revoir leurs partenariats militaires. Pour le Sénégal, ce moment est une affirmation de sa souveraineté, mais aussi une opportunité de diversifier ses alliances internationales.
Un Symbole pour l’Afrique
Le retrait français du Sénégal est plus qu’un simple événement bilatéral : il reflète une évolution profonde des dynamiques géopolitiques en Afrique. Les pays du continent, portés par une nouvelle génération de dirigeants, revendiquent une indépendance accrue et une redéfinition des relations avec les anciennes puissances coloniales. Le Sénégal, en optant pour un retrait concerté, montre qu’il est possible de concilier souveraineté nationale et coopération internationale.
Ce moment historique pourrait inspirer d’autres nations africaines à repenser leurs partenariats. Alors que la France redessine sa stratégie en Afrique, le Sénégal ouvre une nouvelle page de son histoire, celle d’un pays déterminé à affirmer sa place dans un monde multipolaire.
Pays | Statut de la présence française |
---|---|
Sénégal | Retrait complet en juillet 2025 |
Mali | Retrait en 2022 |
Djibouti | Base maintenue, 1 500 militaires |
En conclusion, la restitution des bases militaires françaises au Sénégal marque un tournant décisif, non seulement pour les relations entre Dakar et Paris, mais aussi pour l’avenir de la présence française en Afrique. Ce retrait, mené dans un esprit de dialogue, pourrait servir de modèle pour d’autres transitions à venir, dans un continent en pleine redéfinition de ses priorités géopolitiques.