ActualitésInternational

Fils de prédicateur interpellé : nouvelle tension Liban-Égypte

Arrestation choc du fils d'un prédicateur islamiste égyptien au Liban. Nouvelle crise diplomatique en vue avec l'Égypte ? Les autorités libanaises devront trancher sur son extradition. Un dossier explosif aux ramifications régionales...

L’arrestation inattendue du fils d’une figure de proue des Frères musulmans égyptiens au Liban ravive les tensions entre Beyrouth et Le Caire. Selon une source judiciaire libanaise s’exprimant sous couvert d’anonymat, Abdel Rahmane al-Qaradaoui, fils du célèbre prédicateur Youssef al-Qaradaoui, a été appréhendé samedi à son retour de Syrie au poste-frontière de Masnaa. En cause : un mandat d’arrêt motivé par une condamnation par contumace à 5 ans de prison en Égypte pour « incitation au terrorisme et opposition à l’État ».

Le sort de ce militant et poète égyptien, farouche opposant au régime du maréchal Sissi, cristallise les enjeux géopolitiques de la région. Son père, éminence grise des Frères musulmans exilé de longue date au Qatar, était une figure tutélaire du « printemps arabe » qui avait porté les islamistes au pouvoir en Égypte en 2011. Mais le renversement du président Morsi en 2013 a déclenché une répression sanglante, envoyant par milliers ses partisans en prison ou dans les couloirs de la mort.

Détenteur de la nationalité turque selon un proche, Abdel Rahmane al-Qaradaoui rentrait tout juste de Syrie, où il s’était réjoui dans une vidéo tournée à la mosquée des Omeyyades de la chute récente du régime de Bachar al-Assad, mettant en garde le nouveau pouvoir contre les « régimes malveillants » comme ceux des Émirats, de l’Arabie saoudite ou de l’Égypte. Des propos qui font écho à l’hostilité de ces États envers les Frères musulmans, considérés comme une menace pour la stabilité de la région.

Le Liban, arbitre malgré lui d’un conflit par procuration

Placé en position d’arbitre, le Liban se retrouve malgré lui au cœur de ce bras de fer par procuration. Un responsable judiciaire a indiqué que les autorités libanaises demanderaient le dossier de Qaradaoui fils à l’Égypte afin de déterminer si les conditions d’une extradition sont réunies, la décision finale revenant au gouvernement. Un dilemme cornélien pour le pays du Cèdre, tiraillé entre la nécessité de ménager son grand voisin égyptien et la crainte de s’aliéner une partie de sa propre population, traditionnellement prompte à s’émouvoir du sort des militants islamistes.

Au-delà de la trajectoire personnelle d’Abdel Rahmane al-Qaradaoui, cette nouvelle crise cristallise les profondes lignes de faille parcourant le Moyen-Orient post-printemps arabe. D’un côté, les tenants d’un islam politique incarné par les Frères musulmans, décimés mais toujours influents dans l’imaginaire collectif. De l’autre, une contre-révolution conduite par des régimes autoritaires bien décidés à écraser toute velléité de contestation, quitte à mener une répression tous azimuts. Et au milieu, des opinions publiques lassées des affrontements, en quête d’un difficile équilibre entre stabilité et libertés.

Ultime paradoxe : c’est la chute surprise du régime de Damas, qui semblait pourtant avoir survécu à la tourmente, qui a précipité ce nouvel épisode. Comme si le conflit syrien, matrice de tous les désordres régionaux depuis 2011, n’en finissait pas de produire ses ondes de choc. Fin d’une époque ou début d’un nouveau cycle ? L’histoire, encore et toujours, reste à écrire. Mais une chose est sûre : le Moyen-Orient n’a pas fini de panser les plaies d’un printemps qui a viré à l’hiver.

Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.