Imaginez un monde où plus de 117 millions de personnes ont dû fuir leur foyer, un chiffre qui a plus que doublé en dix ans. Face à cette réalité accablante, une voix s’élève pour rappeler une vérité essentielle : certaines missions ne peuvent être accomplies que par une organisation comme l’ONU. C’est le message fort lancé récemment par le Haut-Commissaire pour les réfugiés.
L’ONU, une institution indispensable malgré les critiques
Dans un contexte mondial marqué par des crises multiples et des conflits incessants, le rôle des Nations Unies apparaît plus crucial que jamais. Pourtant, l’organisation fait face à des reproches récurrents sur son fonctionnement. Elle est souvent décrite comme trop lourde, surdimensionnée, parfois inefficace.
Ces critiques ne sont pas nouvelles, et elles sont même reconnues par ceux qui travaillent en son sein. Mais au-delà de ces points faibles, il existe une valeur fondamentale qui ne peut être ignorée. C’est ce qu’a tenu à souligner le responsable de l’agence dédiée aux réfugiés lors d’une intervention récente à Genève.
À l’issue d’un forum de trois jours consacré aux personnes déplacées, il a insisté sur la légitimité unique de l’ONU, son expertise accumulée et ses mandats spécifiques. Dans certains domaines, personne d’autre ne peut intervenir avec la même autorité et la même efficacité.
Un message direct adressé à Washington
Le discours s’adressait particulièrement aux États-Unis, qui ont opéré des réductions significatives dans leurs contributions à l’aide internationale depuis le début de l’année. Ces décisions ont impacté lourdement plusieurs agences onusiennes, dont celle chargée des réfugiés.
Le message était clair : même en acceptant les efforts nécessaires pour réformer et rationaliser l’organisation, il ne faut pas oublier sa contribution irremplaçable. Les coupes budgétaires, bien que légales, vont à l’encontre d’une approche raisonnée et humaine.
Cette dépendance passée à l’égard du principal donateur a été admise ouvertement. Cependant, la brutalité de la réduction des fonds a forcé des réponses igualmente précipitées, avec des conséquences directes sur les opérations terrain.
« Il y a des situations où l’ONU est indispensable, parce que personne d’autre ne peut faire ce travail. »
Cette phrase résume l’essence du plaidoyer. Elle met en lumière la spécificité du rôle onusien dans la gestion des crises humanitaires les plus complexes.
Les chiffres alarmants des déplacements forcés
Le nombre de personnes déplacées à travers le monde dépasse aujourd’hui les 117 millions, selon les estimations publiées en juin. Ce chiffre illustre une croissance dramatique sur la dernière décennie, où il a plus que doublé.
Cette explosion s’explique par la multiplication des conflits armés, les persécutions, les catastrophes climatiques et les violations des droits humains. Chaque jour, des milliers de familles sont contraintes de tout abandonner pour survivre.
Face à cette ampleur, les ressources disponibles deviennent cruciales. Pourtant, les restrictions financières récentes ont obligé l’agence à prendre des mesures drastiques pour équilibrer ses comptes.
Impact des réductions budgétaires :
- Suppression de près de 5 000 emplois, soit plus d’un quart des effectifs.
- Fermeture de services essentiels dans plusieurs régions.
- Réduction significative de l’aide distribuée aux populations vulnérables.
Ces ajustements ont été particulièrement douloureux à mettre en œuvre. Ils touchent directement les programmes qui sauvent des vies au quotidien.
La contribution américaine en forte baisse
Les États-Unis restent le premier donateur de l’agence, une position qu’ils occupent depuis de nombreuses années. Cependant, les montants versés ont connu une chute spectaculaire.
De 2,1 milliards de dollars en 2024, la contribution est passée à 840 millions en 2025. Cette diminution de plus de 60 % représente un choc majeur pour la planification des activités.
Outre les États-Unis, d’autres pays donateurs importants ont également revu leurs engagements à la baisse. Cette tendance générale accentue la pression sur les finances de l’organisation.
Les responsables déplorent que ces décisions interviennent à un moment où les besoins sont à leur paroxysme. La coïncidence temporelle rend la situation encore plus critique.
Un départ marqué par la crise
Après une décennie à la tête de l’agence, le Haut-Commissaire sortant quittera ses fonctions à la fin de l’année. Ce départ intervient dans un contexte particulièrement difficile.
Il a exprimé une certaine amertume à l’idée de partir alors que l’organisation traverse une tempête financière. Si le choix lui avait été donné, il aurait préféré continuer pour accompagner la sortie de crise.
Cette période de transition ajoute une couche d’incertitude. Le successeur désigné devra naviguer dans un environnement marqué par des ressources imprévisibles.
« Si j’avais eu le choix, je n’aurais pas voulu que cette année soit ma dernière. »
Cette confidence révèle l’attachement profond au mandat et la frustration face aux contraintes actuelles.
Les défis majeurs pour le successeur
Le nouveau responsable, dont la nomination est prévue pour jeudi, hérite d’un dossier complexe. Âgé de 65 ans, il apporte une expérience politique notable en tant qu’ancien président d’un pays marqué par les conflits.
Parmi les priorités immédiates figure la stabilisation des finances. L’extrême incertitude sur les ressources constitue un obstacle permanent à la planification à long terme.
Au-delà des aspects budgétaires, il devra maintenir la mobilisation internationale autour de la cause des réfugiés. Dans un monde où les crises se multiplient, le plaidoyer pour une solidarité accrue reste essentiel.
La diversification des sources de financement apparaît comme une nécessité urgente. Réduire la vulnérabilité face aux décisions d’un seul donateur majeur devient une stratégie prioritaire.
Pourquoi l’ONU conserve une valeur unique
Malgré les dysfonctionnements pointés du doigt, l’ONU dispose d’atouts irremplaçables. Sa légitimité internationale lui permet d’intervenir dans des contextes où d’autres acteurs seraient contestés.
L’expertise technique accumulée sur des décennies représente un capital précieux. Les mandats conférés par la communauté internationale offrent un cadre juridique solide pour l’action.
Dans le domaine humanitaire, ces éléments combinés permettent des interventions à grande échelle, coordonnées et durables. Aucun autre acteur ne peut revendiquer une telle combinaison de forces.
Les atouts spécifiques de l’ONU dans la gestion des réfugiés :
- Légitimité universelle reconnue par les États membres.
- Expertise opérationnelle forgée par des décennies d’expérience.
- Mandats clairs définis par les résolutions internationales.
- Capacité de coordination entre multiples acteurs.
- Présence terrain dans les zones les plus difficiles d’accès.
Ces éléments expliquent pourquoi, même en période de restrictions, l’organisation reste un pilier central de la réponse globale aux déplacements forcés.
Vers une réforme nécessaire mais mesurée
Les appels à la réforme de l’ONU ne datent pas d’aujourd’hui. Ils visent à améliorer l’efficacité, réduire les lourdeurs administratives et optimiser les ressources.
Ces efforts sont d’ailleurs encouragés en interne. L’objectif est de répondre aux critiques légitimes tout en préservant les capacités opérationnelles essentielles.
Mais toute transformation doit être progressive et réfléchie. Des changements trop radicaux risquent de compromettre les missions vitales en cours.
L’équilibre entre modernisation et continuité du service représente un défi permanent pour les responsables onusiens.
L’impact humain derrière les chiffres
Derrière les statistiques impressionnantes se cachent des histoires individuelles tragiques. Chaque réduction de programme affecte directement des familles qui comptent sur cette aide pour survivre.
La fermeture de services signifie souvent moins de nourriture, moins de soins médicaux, moins de protection pour les plus vulnérables. Ces conséquences se mesurent en vies humaines.
Le sentiment de douleur exprimé par le responsable sortant reflète cette réalité quotidienne. Partir en laissant derrière soi une organisation affaiblie est particulièrement difficile.
Cette dimension humaine doit guider les décisions politiques en matière de financement international.
Perspectives pour l’avenir de l’aide aux réfugiés
La situation actuelle impose une réflexion collective sur le financement de l’action humanitaire. Les modèles basés sur la voluntarité des contributions montrent leurs limites en période de crise.
Une plus grande prévisibilité des ressources permettrait une meilleure planification. Des mécanismes innovants pourraient être explorés pour stabiliser les budgets.
Parallèlement, le renforcement des partenariats avec le secteur privé et les fondations pourrait compléter les contributions étatiques traditionnelles.
Enfin, une mobilisation accrue de l’opinion publique reste nécessaire pour maintenir la pression sur les décideurs politiques.
Dans un monde interconnecté, la gestion des déplacements forcés concerne l’ensemble de la communauté internationale. Ignorer cette réalité aurait des conséquences durables pour la stabilité globale.
Le message lancé depuis Genève constitue un rappel salutaire. Au-delà des débats sur l’efficacité institutionnelle, c’est la compassion et le bon sens qui doivent prévaloir face à l’urgence humanitaire.
Les mois à venir seront déterminants pour l’avenir de millions de personnes déplacées. La réponse collective donnée à cet appel définira en partie notre humanité commune.









