Et si le centre politique, autrefois symbole d’équilibre et de rassemblement, était en train de perdre son âme ? En 2017, un vent d’espoir soufflait sur la France avec une promesse de réconciliation et de pondération. Aujourd’hui, un acteur clé de cette coalition, figure influente du MoDem, exprime un malaise profond face à une dérive qu’il qualifie de trahison. Marc Fesneau, numéro 2 du parti et proche de François Bayrou, ne mâche pas ses mots : le macronisme s’éloigne de ses valeurs fondatrices, flirtant dangereusement avec des discours de droite, voire d’extrême droite. Cette prise de position, aussi audacieuse qu’inattendue, soulève une question brûlante : le centre peut-il encore tenir face à la surenchère ambiante ?
Une Dérive Loin des Promesses de 2017
En 2017, le projet macroniste portait une ambition claire : dépasser les clivages traditionnels entre gauche et droite pour construire une politique de rassemblement. Marc Fesneau, alors député et aujourd’hui voix influente, rappelle cette promesse initiale avec nostalgie. Dans un entretien récent, il déplore que cette vision soit aujourd’hui éclipsée par une surenchère sur les thématiques régaliennes, comme l’immigration ou la sécurité. « Ce n’est pas ça, le centre ! », s’exclame-t-il, pointant du doigt une dérive qui, selon lui, trahit l’esprit originel du mouvement.
Ce constat n’est pas anodin. Il reflète un malaise croissant au sein de la coalition qui soutient le président. Fesneau, fidèle à la ligne centriste du MoDem, voit dans cette radicalisation une menace pour l’identité même du projet. Les propositions musclées de figures comme Gabriel Attal, Édouard Philippe ou encore Gérald Darmanin, souvent perçues comme des concessions à la droite, fracturent selon lui le fragile équilibre du centre.
« Dans le bloc central, on en vient à porter les discours, les thèses, les propositions de la droite, voire de l’extrême droite. Ce n’est pas ça l’aventure que nous avons voulu construire en 2017. »
Marc Fesneau
Une Surenchère Régalienne Critiquée
Le nœud du problème, selon Fesneau, réside dans une surenchère croissante sur des sujets sensibles comme l’immigration ou la justice. Ces thèmes, historiquement portés par la droite, sont aujourd’hui repris par des figures majeures du camp présidentiel. Mais pour le député MoDem, ces discours ne sont pas seulement une rupture idéologique : ils sont aussi juridiquement fragiles. « Cette surenchère n’est pas bordée juridiquement, souvent en décalage avec le cadre européen ou notre droit constitutionnel », argue-t-il. Cette posture, loin de renforcer la coalition, alimente selon lui une fracture sociale.
Les propositions « dures » de certains ténors, comme des restrictions migratoires ou des réformes sécuritaires, sont perçues comme des tentatives de séduire un électorat de droite. Mais Fesneau met en garde : cette stratégie pourrait se retourner contre ses auteurs. En imitant les thèmes de l’extrême droite, le centre risque de légitimer des discours radicaux tout en s’aliénant ses propres soutiens.
Pourquoi cette surenchère ? Les ambitions personnelles pour 2027 semblent jouer un rôle clé. Fesneau avertit : « Les Français préfèrent toujours les originaux à la copie. »
Les Conséquences d’une Fracture Idéologique
En s’éloignant de ses valeurs fondatrices, le macronisme risque de perdre sur deux fronts. D’un côté, il donne du crédit au Rassemblement national, qui peut se targuer d’avoir influencé le débat public. De l’autre, il offre des arguments à La France insoumise, qui accuse le pouvoir de glisser vers l’extrême droite. Fesneau résume ce paradoxe avec une formule percutante : « À la fin, on donne le point au RN et à LFI. »
Cette fracture idéologique n’est pas sans conséquences électorales. À l’approche de 2027, les ambitions personnelles des leaders du camp présidentiel – Gabriel Attal, Édouard Philippe ou encore Gérald Darmanin – semblent alimenter cette course à la surenchère. Mais pour Fesneau, cette stratégie est un leurre. En sacrifiant l’identité centriste, ces figures prennent le risque de désorienter leur base électorale.
Le député MoDem appelle donc à un retour à la raison. « Nous ne laisserons pas faire », martèle-t-il, insistant sur la nécessité de fédérer les voix modérées au sein du bloc central. Mais cette mission s’annonce complexe dans un contexte de polarisation croissante.
Le Centre : un Équilibre Fragile à Préserver
Le centre politique, par définition, est un espace d’équilibre. Il prospère sur la capacité à rassembler des sensibilités diverses sans céder aux sirènes des extrêmes. Fesneau, en fidèle héritier de la pensée de François Bayrou, défend cette vision avec ferveur. Pour lui, le macronisme doit retrouver son ADN : une politique de rassemblement et de pondération, loin des excès qui divisent.
Pour illustrer ce défi, voici les enjeux clés du centre politique aujourd’hui :
- Identité : Rester fidèle à une vision modérée sans glisser vers des positions extrêmes.
- Crédibilité : Proposer des solutions réalistes et conformes au cadre juridique.
- Cohesion : Maintenir l’unité d’une coalition hétérogène face aux ambitions personnelles.
- Confiance : Reconquérir un électorat désorienté par les dérives droitières.
Ces défis ne sont pas insurmontables, mais ils exigent un sursaut collectif. Fesneau insiste sur le rôle des élus, et pas seulement du gouvernement, pour « réguler ces dérives ». Mais dans un Parlement sans majorité claire, cette tâche s’annonce ardue.
Le Rôle du Premier Ministre dans la Tourmente
Le chef du gouvernement, traditionnellement garant de l’unité de la majorité, se trouve dans une position délicate. Sans majorité absolue à l’Assemblée nationale, ses marges de manœuvre sont limitées. Fesneau le reconnaît : « Ses marges sont par nature compliquées. » Pourtant, il appelle à une responsabilité collective pour éviter que la coalition ne s’effrite davantage.
Le député MoDem ne se contente pas de critiquer. Il propose une voie alternative : recentrer le débat sur des solutions pragmatiques et inclusives. Par exemple, il met en garde contre l’idée d’un référendum sur l’immigration, souvent évoqué par certains ténors. Pour lui, un tel projet risquerait de verser dans le populisme et de diviser encore plus la société.
« Soyons nombreux pour ramener tout le monde à la raison. Parce que la démagogie ambiante est toxique. »
Marc Fesneau
Un Avertissement pour 2027
À l’horizon 2027, l’avenir du macronisme semble incertain. Les ambitions présidentielles des uns et des autres exacerbent les tensions au sein de la coalition. Fesneau, lucide, met en garde contre les dérives opportunistes. « Les intérêts personnels en vue de 2027 invitent à l’excès », déplore-t-il. Cette course à l’échalote pourrait non seulement affaiblir le centre, mais aussi ouvrir un boulevard aux extrêmes.
Pour éviter ce scénario, le député appelle à une mobilisation collective. Il s’agit de rappeler les valeurs qui ont fait le succès du projet en 2017 : un discours d’unité, des propositions équilibrées et une vision tournée vers l’avenir. Mais dans un climat politique marqué par la polarisation, ce retour aux sources est-il encore possible ?
Enjeux | Risques | Solutions proposées |
---|---|---|
Surenchère régalienne | Légitimation des extrêmes | Revenir à des propositions modérées |
Fracture idéologique | Perte de confiance électorale | Renforcer la cohésion de la coalition |
Ambitions pour 2027 | Division interne | Privilégier l’unité et la raison |
Une Leçon pour l’Avenir
Le cri d’alarme de Marc Fesneau n’est pas seulement une critique interne. Il est aussi une invitation à repenser la manière dont le centre peut exister dans un paysage politique de plus en plus clivé. En dénonçant une trahison du macronisme, il met le doigt sur une vérité inconfortable : à force de courir après les électeurs de droite, le centre risque de perdre son identité. Mais il propose aussi une lueur d’espoir : un retour aux valeurs de 2017 pourrait redonner du souffle à une coalition en perte de vitesse.
Pour y parvenir, le chemin est semé d’embûches. Il faudra non seulement convaincre les ténors du camp présidentiel, mais aussi reconquérir une opinion publique désabusée. Fesneau, avec son appel à la raison, pose les bases d’un débat crucial : le centre peut-il encore être une force d’équilibre dans une France divisée ? La réponse, peut-être, se jouera dans les années à venir.
En attendant, une chose est sûre : ce coup de semonce résonne comme un avertissement. Le macronisme, s’il veut survivre, devra écouter les voix comme celle de Fesneau, qui rappellent que la force du centre réside dans sa capacité à rassembler, et non à diviser.