Imaginez-vous répondre à une petite annonce pour participer à une étude médicale. On vous promet quelques prises de sang, un défraiement, et même des rappels de vaccins gratuits. Tout semble sérieux : formulaire détaillé, secrétaire virtuelle, mallette professionnelle. Et puis, au fil des séances, les gestes dérapent… jusqu’à l’impensable.
Un fétichisme né dès l’enfance
À la barre du tribunal correctionnel de Quimper, Nicolas Gonidec, 43 ans (44 ans le lendemain de son audition), n’a pas cherché à nier l’évidence. Producteur audiovisuel connu dans le milieu de la danse et de la musique celtique, il a reconnu une obsession qui le suit depuis l’enfance.
« J’ai commencé sur moi très tôt, j’avais une dizaine d’années », a-t-il expliqué calmement. Des piqûres sur lui-même, d’abord. Une fascination pour les veines, le garrot, l’aiguille qui pénètre la peau. Une pratique qui, au fil des années, a pris une dimension clairement sexuelle.
Il compare lui-même son parcours à celui d’un toxicomane : « une évolution malheureuse, comme un drogué avec son addiction ». Une phrase qui a glacé la salle.
Le piège parfaitement rodé
Pour assouvir son fétichisme, l’homme a mis en place un scénario quasi-parfait. Il contactait de jeunes femmes, souvent dans la vingtaine ou la trentaine, en leur proposant de participer à une « étude scientifique » sur le sang ou à des rappels vaccinaux. Certaines venaient aussi pour des tests Covid à domicile.
Le protocole était impressionnant de réalisme :
- Formulaire médical très détaillé à remplir en ligne
- Échanges avec une « secrétaire » fictive
- Prises de sang à domicile ou dans des lieux discrets
- Parfois des « méthodes de relaxation » proposées en complément
Dans sa mallette : garrot, seringues, tubes, coton imbibé d’alcool. Tout y était. Sauf le diplôme d’infirmier, évidemment.
Des « massages thérapeutiques » qui cachent l’innommable
Très vite, certaines séances dérapaient. Après la piqûre, Nicolas Gonidec proposait des « techniques de relaxation » à base d’huile d’amande douce. Des massages des seins, puis des attouchements génitaux, présentés comme nécessaires pour provoquer un « orgasme thérapeutique ».
Huit femmes ont porté plainte. Toutes décrivent le même schéma : une confiance totale au départ, puis un sentiment de sidération quand les gestes deviennent explicitement sexuels.
« Si j’avais su qu’il avait l’intention de me toucher le sexe, j’aurais dit non direct »
Karen (prénom modifié), victime, à la barre
Cette trentenaire a accepté cinq ou six séances entre 2014 et 2018. Lors de la dernière, il glisse la main dans sa culotte, la regarde dans les yeux et lâche : « T’inquiète, je sais exactement ce que je fais ».
Elle voulait crier stop. Son corps, lui, restait tétanisé.
« Un engrenage », selon l’accusé
Face au procureur qui lui demande comment on passe d’une prise de sang à une main dans la culotte d’une patiente, Nicolas Gonidec reste évasif : « C’est un engrenage… un processus psychologique ».
Il admet « globalement » les faits, avec « des nuances sur certains cas ». Il parle longuement de ses 60 séances de psychothérapie, de son « travail d’introspection ». Il dit être « désolé » et « bouleversé » par les témoignages.
Mais dans la salle, les victimes, elles, pleurent.
Un prédateur déjà condamné
Ce n’est pas la première fois que Nicolas Gonidec comparait pour des faits similaires. Il a déjà été condamné à trois ans de prison, dont deux avec sursis, pour des agissements comparables. Une récidive qui pèse lourd dans le dossier.
Pour les faits jugés actuellement, il encourt cinq ans de prison ferme et 75 000 euros d’amende.
Le silence brisé des victimes
Ce qui frappe dans cette affaire, c’est le courage des huit femmes qui ont osé parler. Longtemps, beaucoup ont gardé le silence, rongées par la honte ou la peur de ne pas être crues.
Aujourd’hui, elles décrivent toutes la même mécanique : la confiance installée par le côté « médical », la sidération face aux abus, puis le sentiment d’avoir été manipulées pendant des mois, voire des années.
Leur parole, enfin, est entendue.
Une affaire qui interroge la société
Au-delà du cas individuel, ce procès pose des questions dérangeantes. Comment un homme sans aucun diplôme médical a-t-il pu berner autant de personnes pendant tant d’années ? Comment une addiction aussi extrême a-t-elle pu rester invisible si longtemps ?
Et surtout : combien de victimes n’ont jamais osé parler ?
Dans la salle d’audience de Quimper, une chose est sûre : le faux infirmier au garrot ne piquera plus jamais personne.
Mais pour les femmes qu’il a marquées à vie, la cicatrice, elle, est profonde.
À retenir : ce genre d’affaires rappelle l’importance de vérifier les qualifications de toute personne pratiquant un acte médical, même à domicile. Une prise de sang ou un vaccin ne s’improvise pas. En cas de doute, un appel au conseil de l’ordre des infirmiers ou à l’ARS peut éviter le pire.
L’audience se poursuit. Le délibéré sera rendu dans les prochaines semaines.
Affaire à suivre.









