En ce début d’année 2024, deux disques très différents mais tout aussi passionnants sortent dans les bacs. D’un côté, le nouvel album fleuve et ambitieux de l’Américain Father John Misty. De l’autre, la réédition des Mots bleus de Christophe pour les 50 ans de ce classique de la chanson française. Zoom sur ces deux œuvres marquantes.
Father John Misty signe son disque le plus audacieux
Avec Mahasmashana, son sixième album, Josh Tilman alias Father John Misty n’a pas lésiné sur les moyens. Ce disque fleuve de près d’une heure trente, porté par des chansons épiques et des arrangements symphoniques, est un pari osé à l’ère du streaming et des morceaux calibrés pour les playlists.
Mais l’Américain assume pleinement ce choix artistique fort comme il le confie dans une interview :
Je voulais faire un album qui se dévore en entier, d’une traite. Quelque chose d’immersif qui emmène l’auditeur dans un voyage sonore. C’est un disque à écouter au casque, dans le noir.
Et le résultat est à la hauteur des ambitions. Mélange de pop baroque, de rock psychédélique et d’arrangements classiques, la musique de Father John Misty n’a jamais semblé aussi inspirée et habitée. Les morceaux, parfois très longs (jusqu’à 10 minutes), se déploient comme des fresques sonores, portées par des mélodies imparables et des textes d’une grande poésie.
Un album concept sur la quête de sens
Au-delà de sa forme audacieuse, Mahasmashana est aussi un album concept qui explore des thèmes existentiels et spirituels. Son titre, qui signifie “cimetière” en sanskrit, donne le ton. À travers les 18 titres, Father John Misty nous parle de la mort, de l’au-delà, mais aussi de l’amour et de la quête de sens qui guide chaque être humain.
Un voyage initiatique mis en musique, à la fois sombre et lumineux, désespéré et empli d’espoir. Preuve que même en 2024, il est encore possible de faire des albums ambitieux qui se démarquent et apportent un vrai supplément d’âme. Un disque essentiel à ne pas manquer.
Les Mots bleus de Christophe : déjà 50 ans !
Autre sortie marquante en ce début d’année : la réédition des Mots bleus de Christophe à l’occasion des 50 ans de l’album. Sorti en 1974, ce disque marque la deuxième collaboration entre le chanteur et Jean-Michel Jarre, parolier de génie.
Un demi-siècle plus tard, l’album n’a pas pris une ride. Ses mélodies intemporelles, ses arrangements délicats et la voix unique de Christophe en font un classique indémodable de la chanson française.
Un tournant artistique pour Christophe
Avec Les Mots bleus, Christophe prend un virage plus intimiste et mélancolique, s’éloignant de ses tubes populaires des années 60 comme Aline ou Les Marionnettes. L’album aborde des thèmes personnels comme l’enfance (Le dernier des Bevilacqua), l’amour perdu (Les Mots bleus) ou le spleen existentiel (Señorita).
Jean-Michel Jarre signe des textes d’une grande finesse, sublimés par la musique tantôt planante, tantôt funky de Christophe et ses musiciens. Le tout est enrobé d’une production soignée, presque perfectionniste, qui fait de l’album un joyau du genre.
Un disque intemporel et inspirant
Véritable succès à sa sortie, Les Mots bleus est devenu un album culte qui a inspiré plusieurs générations d’artistes. Des stars de la variété comme Pascal Obispo aux rockeurs comme Bashung, beaucoup ont repris ses chansons ou cité l’album comme une influence majeure.
Cette réédition anniversaire permet de redécouvrir ce chef-d’œuvre dans une version remasterisée avec un son encore plus limpide. Et de se plonger dans le livret de 18 pages qui retrace la genèse du disque avec des photos d’époque et des anecdotes inédites. Un bel objet pour célébrer les noces d’or d’un album éternel.
Deux visions de la pop, une même exigence artistique
Bien que très différents dans leur style et leur époque, Mahasmashana de Father John Misty et Les Mots bleus de Christophe ont en commun une certaine idée de la pop music. Une pop exigeante, ambitieuse, qui cherche à transcender les formats et les modes.
Qu’il s’agisse des envolées lyriques et mystiques de l’Américain ou de la mélancolie poétique du Français, les deux artistes prouvent que la musique populaire peut être un art à part entière. Un art capable de nous transporter, de nous émouvoir et de nous faire réfléchir.
Alors que la scène musicale actuelle semble parfois formatée et uniforme, ces deux disques sont des bouffées d’air frais qui redonnent foi en la créativité et l’audace artistique. Espérons qu’ils inspirent d’autres artistes à suivre leur voie et à nous offrir des œuvres aussi singulières et marquantes.