Un vent de nationalisme flamand souffle sur la petite ville de Ninove. Située à seulement 25 km de Bruxelles, cette commune de 40 000 habitants est passée aux mains de l’extrême droite lors des élections municipales d’octobre dernier. Une première en Belgique, le parti Vlaams Belang ayant décroché une majorité absolue au conseil communal.
Le nouveau bourgmestre Guy D’haeseleer, un vétéran de la politique locale, compte bien faire de sa ville une vitrine de l’idéologie portée par son parti. Au programme : priorité aux néerlandophones pour les prestations sociales, lutte contre la « francisation » et durcissement sécuritaire avec l’ouverture du commissariat le week-end.
L’immigration et l’insécurité en ligne de mire
Pour celui qui siège aussi au parlement flamand, les résultats du scrutin s’expliquent par trois préoccupations majeures des Ninois : « l’immigration croissante, la francisation croissante de notre ville et l’insécurité croissante ». Des affirmations contestées par la bourgmestre sortante, la libérale Tania De Jonge, qui assure que les chiffres de la criminalité sont même en baisse.
Mais l’élu Vlaams Belang maintient le cap. Pour lui, l’afflux de nouveaux habitants, qu’ils soient d’origine étrangère ou Belges francophones, représente une menace à l’identité flamande de Ninove. Son objectif : les repousser de l’autre côté de la frontière linguistique, en Wallonie.
Le spectre de la « francisation »
« Nous voulons vraiment dire à ces gens qu’il faut qu’ils connaissent le néerlandais, c’est très important pour nous », martèle Guy D’haeseleer. Une rhétorique identitaire classique dans le chef de ce parti, qui a bâti son succès sur le rejet de l’autre et la défense de la « flandre aux flamands ».
Cette victoire à Ninove marque un tournant. Jamais auparavant le Vlaams Belang n’était parvenu à décrocher une majorité absolue lui permettant de gouverner seul une commune. Face à cette percée, le fameux « cordon sanitaire » destiné à tenir l’extrême droite à l’écart du pouvoir a volé en éclats.
Ninove comme laboratoire politique
Les observateurs s’accordent à dire que le parti nationaliste va ériger Ninove en vitrine de sa politique locale pour les six prochaines années. Au menu : un durcissement de l’accès au logement social pour les non néerlandophones et d’autres mesures visant à défendre les « flamands de souche ».
Un programme qui inquiète dans les rangs de l’opposition. « Pendant mon mandat, nous avons travaillé pour tous, dans le respect de la diversité, je crains que cela soit remis en cause », confie Tania De Jonge. L’ancienne bourgmestre dit éprouver « une grande peur » pour l’avenir des habitants.
C’est important d’inciter à apprendre le néerlandais, mais la liberté linguistique est inscrite dans la Constitution.
Tania De Jonge, ancienne bourgmestre de Ninove
Le Vlaams Belang pourra-t-il mettre en œuvre son projet sans entraves ? Rien n’est moins sûr. La réglementation régionale fixe certaines limites, comme le fait de conditionner l’accès au logement par une durée de résidence et non la maîtrise de la langue. L’opposition promet une vigilance de tous les instants.
Au-delà de Ninove, un avertissement pour la Belgique
Plus largement, la situation à Ninove sonne comme un avertissement en Belgique. Deuxième force politique en Flandre, le Vlaams Belang surfe sur les peurs identitaires d’une partie de la population. Son objectif : imposer sa vision d’une société mono-culturelle et rejeter tout ce qui s’apparente de près ou de loin à la diversité.
Face à cette menace, les partis démocratiques devront plus que jamais serrer les rangs et réaffirmer leur attachement aux valeurs de tolérance et d’ouverture. À Ninove comme ailleurs, l’enjeu est de préserver le modèle de société inclusive qui fait la richesse de la Belgique. Un combat de tous les instants qui ne fait que commencer.