30% d’expulsions de migrants clandestins en plus depuis janvier 2024. Voilà le chiffre dont se félicite le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin pour défendre son bilan sur l’immigration irrégulière. Mais comme souvent avec les statistiques, il faut se méfier des apparences. Car une analyse détaillée de ces renvois révèle de sérieuses failles dans la politique migratoire gouvernementale.
Des clandestins “triés sur le volet”
Premier problème : le choix très sélectif des personnes expulsées. Selon un policier cité par Europe 1, les préfectures privilégient sciemment certains profils :
On nous demande de prioriser des Albanais ou des Roumains. Surtout pas d’Afghans ni de Syriens, les préfectures savent qu’elles ne décrocheront pas de laissez-passer consulaires. Les policiers doivent aussi éviter les multirécidivistes subsahariens dont les condamnations pénales ne seraient pas définitives.
– Un policier chargé des expulsions
À l’inverse, la consigne est claire : cibler en priorité « des familles sans problème si ce n’est que leurs papiers ne sont pas en règle ». Une politique du chiffre qui masque l’incapacité à expulser les migrants les plus problématiques.
40% de fichés S non expulsés
Car les données sont sans appel : 40% des étrangers en situation irrégulière fichés pour radicalisation au FSPRT (fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste) et 65% des clandestins connus pour troubles à l’ordre public ne sont pas renvoyés dans leur pays après un passage en centre de rétention administrative (CRA).
En cause : les multiples obstacles aux expulsions, à commencer par le refus fréquent des consulats de délivrer des laissez-passer, notamment pour les ressortissants afghans et syriens. S’y ajoutent les nombreux recours juridiques des clandestins les plus ancrés dans la délinquance.
Des solutions à portée de main
Pourtant, des leviers existent pour améliorer l’efficacité des expulsions :
- Conditionner l’aide au développement des pays d’origine récalcitrants à leur coopération en matière de laissez-passer consulaires
- Limiter les recours abusifs des clandestins délinquants multirécidivistes, sans remettre en cause le droit d’asile pour les réfugiés
- Augmenter les capacités des CRA pour permettre des rétentions plus longues et donc plus de renvois effectifs
Mais cela suppose un véritable courage politique pour réformer en profondeur le droit des étrangers. Courage qui semble encore faire défaut au gouvernement, au-delà des effets d’annonce. Le bilan en trompe-l’œil de Gérald Darmanin en est la triste illustration.