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Expulsions Controversées : Des Hommes Envoyés en Eswatini

Cinq hommes, dont un Cubain, expulsés des USA vers l’Eswatini, un pays inconnu pour eux. Pourquoi ce choix ? Quels secrets cachent ces accords ? Lisez pour découvrir...

Imaginez-vous arraché à votre vie, à votre famille, et envoyé à 13 000 kilomètres dans un pays dont vous n’avez jamais entendu parler. C’est la réalité vécue par cinq hommes, expulsés des États-Unis vers l’Eswatini, une petite nation africaine nichée entre l’Afrique du Sud et le Mozambique. Cette affaire, révélée par une simple publication sur un réseau social, soulève des questions brûlantes sur la politique migratoire américaine et les accords internationaux opaques. Plongeons dans ce scandale qui mêle droits humains, diplomatie secrète et destins brisés.

Un Voyage Forcé vers l’Inconnu

En juillet dernier, un message publié sur un réseau social par une représentante du ministère américain de la Sécurité intérieure a jeté une lumière crue sur une pratique migratoire peu connue. Cinq hommes, originaires de pays aussi divers que Cuba, la Jamaïque, le Laos, le Vietnam et le Yémen, ont été expulsés vers l’Eswatini, un pays de 1,2 million d’habitants, souvent méconnu du grand public. Parmi eux, Roberto Mosquera, un Cubain de 58 ans, arrêté lors d’un contrôle de routine en Floride. Sa famille, sans nouvelles de lui, a découvert son sort par hasard grâce à une photo publiée en ligne.

Ce n’est pas un cas isolé. Le 6 octobre, dix autres personnes ont été envoyées à Mbabane, la capitale eswatinienne, dans le cadre d’un accord controversé entre les États-Unis et ce petit royaume africain. Mais pourquoi l’Eswatini ? Et que cache cet arrangement ?

Un Accord Controversé avec l’Eswatini

L’accord entre les États-Unis et l’Eswatini, d’un montant de 5,1 millions de dollars, stipule que ce dernier accepte jusqu’à 160 expulsés en échange de fonds pour renforcer ses capacités de gestion des frontières. Ce type d’accord, souvent qualifié de “pays tiers”, permet aux États-Unis de renvoyer des migrants vers des nations autres que leur pays d’origine, surtout lorsque ces derniers refusent de les reprendre, comme c’est le cas pour Cuba.

“C’est comme de la traite moderne d’êtres humains, par des voies officielles,”

Tin Thanh Nguyen, avocat représentant des expulsés.

Cet arrangement soulève des critiques virulentes de la part des défenseurs des droits humains. Les conditions dans lesquelles ces expulsions sont menées, souvent sans notification préalable aux concernés, sont dénoncées comme inhumaines. Les expulsés, parfois informés de leur destination seulement à bord de l’avion, se retrouvent dans un pays où ils n’ont ni attaches ni repères.

Des Hommes Présentés comme des Criminels

Les autorités américaines décrivent les expulsés comme des “criminels dangereux”, coupables de délits graves comme le meurtre ou le viol. Pourtant, les familles et avocats de ces hommes affirment qu’ils avaient purgé leurs peines et vivaient légalement aux États-Unis, parfois depuis des décennies. Roberto Mosquera, par exemple, avait été condamné pour tentative de meurtre en 1989, mais libéré en 1996. Depuis, il s’était reconstruit une vie, travaillant comme plombier et s’engageant contre la violence des gangs.

Selon Ada, une proche de Mosquera, il était un père de famille dévoué, marié et père de quatre filles. “Il n’a rien d’un monstre,” insiste-t-elle, réfutant la description des autorités américaines. Pourtant, une vieille condamnation a suffi à justifier son expulsion, malgré son intégration dans la société américaine.

Qui sont les expulsés ?

  • Origines variées : Cuba, Jamaïque, Laos, Vietnam, Yémen.
  • Statut : Anciens détenus ayant purgé leurs peines.
  • Conditions : Envoyés sans préavis dans un pays inconnu.
  • Destination : Eswatini, un royaume africain peu connu.

Une Prison de Haute Sécurité à Mbabane

À leur arrivée en Eswatini, les expulsés sont placés dans une prison de haute sécurité près de Mbabane, connue pour détenir des prisonniers politiques sous le régime autoritaire du roi Mswati III. Ils n’ont pas accès à des avocats et leurs contacts avec leurs familles sont limités à de brefs appels vidéo surveillés par des gardiens armés. “C’est un trou noir légal,” déplore l’avocat Tin Thanh Nguyen.

Les conditions de détention sont particulièrement préoccupantes. Un avocat local, Sibusiso Nhlabatsi, a tenté de rendre visite aux détenus, mais les autorités pénitentiaires ont affirmé que ces derniers refusaient de le voir, une affirmation contestée par les familles. Les expulsés eux-mêmes ont signalé à leurs proches qu’ils n’avaient jamais été informés de ces visites.

Un Système Judiciaire sous Pression

En Eswatini, le système judiciaire semble plier sous la pression du pouvoir monarchique. Bien que Nhlabatsi ait obtenu une décision de justice pour représenter les expulsés, le gouvernement a immédiatement fait appel, bloquant le processus. “Personne ne veut s’opposer au roi ou au Premier ministre,” explique Nguyen, décrivant un système où les institutions évitent toute confrontation avec le pouvoir.

Pour les familles, cette situation est un véritable cauchemar. Ada décrit l’état de santé déclinant de Roberto Mosquera, qui a perdu ses cheveux et du poids depuis son arrivée en prison. “C’est une condamnation à mort,” confie-t-elle, la voix brisée.

Une Pratique plus Large : Les Pays Tiers

L’envoi de migrants vers des pays tiers n’est pas une nouveauté. Sous l’administration de l’ancien président américain Donald Trump, des accords similaires ont été conclus avec des nations comme le Ghana, le Rwanda ou le Soudan du Sud. Ces arrangements, souvent critiqués pour leur manque de transparence, permettent aux États-Unis de contourner les refus des pays d’origine de reprendre leurs ressortissants.

“Ils sont utilisés comme des pions dans un jeu dystopique d’échange d’hommes contre de l’argent.”

Alma David, avocate représentant des expulsés.

Ces pratiques soulèvent des questions éthiques majeures. Les expulsés, souvent intégrés depuis des années dans la société américaine, se retrouvent déracinés sans possibilité de se défendre. Leur situation illustre les tensions entre sécurité nationale et respect des droits humains.

Le Cas d’Orville Etoria : Une Exception ?

Parmi les expulsés, Orville Etoria, un Jamaïcain de 62 ans, a été rapatrié en Jamaïque en septembre. Ayant purgé une peine pour meurtre aux États-Unis, il vivait légalement à New York avant son arrestation. Son avocate, Mia Unger, souligne la cruauté de son expulsion vers l’Eswatini, un pays où il n’avait aucun lien, avant son retour en Jamaïque.

“S’ils l’avaient simplement renvoyé en Jamaïque, cela aurait déjà été difficile,” explique Unger. “Mais l’envoyer à l’autre bout du monde, dans un pays inconnu, c’est d’une cruauté surprenante.”

Pays d’origine Nombre d’expulsés Statut
Cuba 1 Détenu en Eswatini
Jamaïque 1 Rapatrié
Laos 1 Détenu en Eswatini
Vietnam 1 Détenu en Eswatini
Yémen 1 Détenu en Eswatini

Un Avenir Incertain

Le gouvernement eswatinien a annoncé vouloir rapatrier tous les expulsés vers leurs pays d’origine, mais pour l’instant, seul Etoria a bénéficié de cette mesure. Les autres restent dans l’incertitude, prisonniers d’un système qui semble les avoir oubliés. Leurs familles, de leur côté, continuent de se battre pour obtenir des réponses et une assistance juridique.

Pour Ada, l’espoir s’amenuise. Lors du dernier appel vidéo avec Roberto Mosquera, elle a vu un homme affaibli, loin de l’image du criminel dangereux dépeint par les autorités. “On en souffre tous,” confie-t-elle. Cette affaire, au-delà des destins individuels, met en lumière les failles d’un système migratoire qui privilégie l’efficacité au détriment de l’humanité.

Que Faire Face à Ces Expulsions ?

Les organisations de défense des droits humains appellent à une réforme des politiques migratoires américaines. Parmi les propositions :

  • Transparence sur les accords avec les pays tiers.
  • Notification préalable des expulsés et accès à une représentation légale.
  • Respect des droits humains dans les pays d’accueil.
  • Évaluation des conditions de détention dans les prisons étrangères.

Ces expulsions vers l’Eswatini ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Elles reflètent une tendance mondiale à externaliser la gestion des migrations, souvent au prix de la dignité humaine. Alors que les États-Unis continuent de conclure des accords avec des pays tiers, la question reste : jusqu’où ira cette politique, et à quel coût humain ?

Pour les familles des expulsés, l’attente est insoutenable. Chaque jour sans nouvelles est un jour de trop. Cette affaire, qui mêle politique, diplomatie et drames personnels, nous rappelle que derrière chaque statistique migratoire se cache une histoire humaine. Et pour Roberto Mosquera et les autres, cette histoire est loin d’être terminée.

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