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Expulsion De Migrants À Badalone : Crise Du Logement Explose

Ce mercredi, la police a expulsé près de 200 migrants d’un ancien lycée squatté à Badalone, près de Barcelone. Le maire de droite s’en félicite, les associations dénoncent une violation des droits. Mais au-delà de cette opération, c’est toute la crise du logement en Espagne qui éclate au grand jour. Que cache vraiment cette expulsion ?

Imaginez-vous réveiller à l’aube, entouré par des dizaines d’agents de police, obligé de quitter le seul toit que vous aviez trouvé depuis des mois. C’est la réalité qu’ont vécue près de 200 personnes ce mercredi matin à Badalone, une ville collée à Barcelone. Un ancien lycée désaffecté, squatté par des migrants en grande précarité, a été vidé sur décision de justice.

Cette opération, bien que calme dans l’ensemble, a révélé une fois de plus les fractures profondes de la société espagnole. D’un côté, des habitants excédés par les nuisances. De l’autre, des personnes sans papiers en quête d’un abri. Et au milieu, une crise du logement qui touche tout le monde.

Une expulsion orchestrée dès l’aube à Badalone

L’intervention a débuté très tôt dans la matinée. Des dizaines d’agents des Mossos d’Esquadra, la police catalane, ont été déployés autour du bâtiment B9, un ancien lycée fermé depuis des années. L’objectif : faire exécuter une décision judiciaire d’expulsion.

Sur place, l’ambiance était tendue mais maîtrisée. Quelques moments de crispation ont ponctué l’opération, sans dégénérer. La plupart des occupants ont rassemblé leurs affaires et sont partis sans résistance. Selon les autorités, 181 personnes ont été évacuées ce jour-là.

Mais le bâtiment abritait en réalité bien plus de monde. Près de 400 personnes y vivaient, d’après les estimations. Plus de la moitié avaient déjà quitté les lieux avant l’arrivée des forces de l’ordre, anticipant l’inévitable.

Qui étaient ces occupants ?

La grande majorité étaient des migrants en situation irrégulière. Venus d’horizons divers, ils avaient trouvé dans cet immense bâtiment abandonné un refuge précaire. Pas d’eau courante stable, pas d’électricité fiable, mais un toit pour dormir à l’abri des intempéries.

Ces squats d’anciens établissements scolaires ou administratifs sont devenus, ces dernières années, une solution de dernier recours pour beaucoup. Dans une région où trouver un logement abordable relève du parcours du combattant, ces lieux vides attirent ceux qui n’ont nulle part ailleurs où aller.

Pour les voisins, la cohabitation n’était pas toujours facile. Plaintes pour bruit, insécurité perçue, dégradations… Des tensions quotidiennes qui ont alimenté les demandes d’expulsion auprès des autorités locales.

La satisfaction du maire de Badalone

Peu après l’opération, le maire de la ville s’est exprimé publiquement. Xavier García Albiol, membre du Parti populaire et connu pour ses positions très fermes sur l’immigration, n’a pas caché sa satisfaction.

« J’avais dit que nous expulserions les 400 squatteurs illégaux qui rendaient la vie impossible aux voisins, et nous l’avons fait. Badalone n’est pas un refuge pour l’illégalité »

Ces mots, publiés sur les réseaux sociaux, résument la ligne dure adoptée par l’édile. Pour lui, cette expulsion représente une victoire pour l’ordre public et le bien-être des habitants légaux de la commune.

Cette posture n’est pas nouvelle. Depuis des années, le maire de Badalone mène une politique très restrictive vis-à-vis des occupations illégales et de l’immigration non régulée. Une stratégie qui lui vaut à la fois des soutiens fervents et des critiques acerbes.

Les voix qui s’élèvent contre l’opération

Du côté des associations locales, la réaction a été radicalement différente. Dans un communiqué commun, plusieurs organisations ont dénoncé une mesure inefficace et inhumaine.

« Expulser les gens d’un endroit ne résout pas le problème : cela ne fait que le déplacer »

Elles pointent du doigt l’absence de solutions alternatives proposées aux personnes évacuées. Où vont-elles dormir ce soir ? Comment vont-elles reconstruire une vie déjà fragile ? Ces questions restent sans réponse concrète.

Au Parlement catalan, la députée Jéssica Albiach, issue de la formation d’extrême gauche Comuns, a employé des mots très durs. Elle a qualifié l’expulsion de « honte » et de « violation des droits humains ».

Cette critique politique souligne le fossé idéologique entre les différentes forces en présence. D’un côté, une approche sécuritaire et répressive. De l’autre, une vision centrée sur l’accueil et les droits fondamentaux.

La crise du logement, toile de fond incontournable

Cette expulsion ne sort pas de nulle part. Elle s’inscrit dans un contexte national particulièrement tendu : l’Espagne traverse une crise du logement sans précédent.

Devenue la principale préoccupation des Espagnols, surtout des jeunes, cette crise touche toutes les grandes villes et leurs périphéries. Barcelone et sa région ne font pas exception, bien au contraire.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En dix ans, entre novembre 2015 et novembre 2025, le prix moyen du mètre carré à la location a quasiment doublé. Il atteint désormais 14,6 euros selon les données de la plateforme Idealista.

Pour l’achat, la hausse est tout aussi impressionnante. Au troisième trimestre 2025, les prix ont augmenté de 12,8 % sur un an, d’après l’Institut national de la statistique.

Évolution des prix du logement en Espagne (2015-2025)

  • Loyer moyen : passage de environ 7-8 €/m² à 14,6 €/m²
  • Hausse annuelle récente à l’achat : +12,8 %
  • Impact principal : jeunes et classes moyennes

Ces augmentations rendent l’accès au logement quasi impossible pour une partie importante de la population. Les salaires n’ont pas suivi la même courbe ascendante, créant un déséquilibre majeur.

Pourquoi les prix flambent-ils autant ?

Plusieurs facteurs se combinent. D’abord, une forte demande dans les zones urbaines attractives comme la Catalogne. Tourisme, emplois dans la tech, universités renommées attirent toujours plus de monde.

Ensuite, l’offre de logements ne suit pas. La construction de nouveaux immeubles est ralentie par la bureaucratie, les coûts et les restrictions urbanistiques. Résultat : un marché tendu où les prix grimpent mécaniquement.

Enfin, la spéculation immobilière joue un rôle non négligeable. Fonds d’investissement, locations touristiques de type Airbnb, achats par des non-résidents… Tous ces éléments réduisent le parc de logements disponibles pour les habitants à l’année.

Dans ce contexte, les personnes les plus vulnérables – migrants récents, jeunes précaires, familles monoparentales – se retrouvent souvent exclues du marché légal du logement.

Les squats : symptôme d’un mal plus profond

Les occupations illégales comme celle de l’ancien lycée B9 se multiplient. Elles ne sont pas seulement le fait de migrants. De nombreux Espagnols en difficulté y ont aussi recours.

Ces squats deviennent des refuges de fortune dans un pays où le droit au logement, pourtant inscrit dans la Constitution, semble de plus en plus théorique pour une partie de la population.

Mais ces occupations créent aussi des tensions locales. Les riverains se plaignent de dégradations, d’insécurité, de nuisances. Un cercle vicieux où personne ne sort vraiment gagnant.

Des solutions possibles ?

Face à cette crise, les réponses politiques divergent fortement. Le gouvernement central, dirigé par la gauche, tente de réguler les loyers dans les zones tendues et de promouvoir la construction de logements sociaux.

Mais ces mesures prennent du temps et se heurtent souvent à des oppositions locales ou juridiques. En Catalogne, la compétence en matière de logement est partagée, compliquant encore les choses.

Certains proposent d’augmenter massivement l’offre de logements protégés. D’autres plaident pour une meilleure intégration des migrants via des programmes d’accueil structurés. D’autres encore veulent durcir les expulsions et les contrôles.

Une chose est sûre : expulser des centaines de personnes d’un squat ne fait que déplacer le problème. Sans alternatives concrètes, ces mêmes personnes risquent de réapparaître dans un autre bâtiment abandonné quelques rues plus loin.

Badalone, miroir des tensions espagnoles

Avec ses 230 000 habitants, Badalone est une ville typique de la banlieue barcelonaise. Industrielle autrefois, elle connaît les mêmes transformations que beaucoup de communes périphériques : gentrification partielle, arrivée de populations diverses, difficultés sociales persistantes.

L’expulsion du lycée B9 cristallise ces évolutions. Elle montre comment une crise structurelle du logement peut rapidement se transformer en conflit local, alimenté par des questions d’immigration et de sécurité.

Ce qui s’est passé à Badalone pourrait se reproduire ailleurs. D’autres bâtiments abandonnés sont occupés à travers le pays. D’autres maires font face aux mêmes pressions contradictoires : protéger leurs administrés tout en gérant l’urgence humanitaire.

Et après l’expulsion ?

Une fois le bâtiment vidé, que va-t-il advenir du lycée B9 ? Restera-t-il à l’abandon, attendant une nouvelle occupation ? Ou sera-t-il enfin réhabilité pour un usage public ? Les autorités locales n’ont pas encore communiqué de projet précis.

Pour les personnes expulsées, l’avenir est encore plus incertain. Certaines ont peut-être trouvé un hébergement temporaire grâce aux réseaux solidaires. D’autres dorment probablement dans la rue ou dans des conditions encore plus précaires.

Cette opération, aussi réussie soit-elle aux yeux de certains, ne règle rien sur le fond. Elle illustre surtout l’urgence d’une politique du logement ambitieuse et cohérente à l’échelle nationale.

En attendant, l’Espagne continue de payer le prix d’années de laisser-faire sur le marché immobilier. Une crise qui touche aujourd’hui tous les pans de la société et qui, comme à Badalone, peut exploser à tout moment.

L’histoire de ce lycée désaffecté n’est qu’un épisode parmi d’autres. Mais elle nous rappelle cruellement que derrière les chiffres et les discours politiques, il y a des vies humaines en jeu. Des vies qui méritent mieux qu’une expulsion à l’aube.

La crise du logement en Espagne ne cesse de s’aggraver. Entre hausse des prix, précarité croissante et tensions sociales, le pays cherche encore la bonne réponse. L’expulsion de Badalone n’est qu’un symptôme d’un mal bien plus profond.

Restera-t-on dans cette logique de gestion au cas par cas ? Ou verra-t-on enfin émerger des solutions structurelles ? L’avenir nous le dira. Mais une chose est certaine : le problème ne disparaîtra pas en fermant simplement une porte derrière ceux qui n’ont nulle part où aller.

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