Une exposition saisissante vient d’ouvrir ses portes au Mémorial de la Shoah à Paris. Intitulée « Comment les nazis ont photographié leurs crimes, Auschwitz 1944 », elle propose une plongée glaçante dans l’un des chapitres les plus sombres de l’Histoire à travers le décryptage de près de 200 clichés pris par les nazis eux-mêmes dans le plus tristement célèbre des camps d’extermination.
L’album d’Auschwitz passé au crible
Au cœur de cette exposition se trouve « l’album d’Auschwitz », un recueil de 197 photos en noir et blanc prises en 1944, documentant l’arrivée des Juifs de Hongrie à Birkenau. Femmes fixant l’objectif, personnes âgées épuisées près des wagons, groupes attendant la funeste sélection entre travail forcé et chambre à gaz… Ces images sont devenues iconiques mais que révèlent-elles vraiment ?
Ces photos, vous les avez forcément croisées, elles sont iconiques. Avec ce travail d’analyse, il s’agit d’aider à « lire les images » pour montrer ce qu’on ne voit pas alors que c’est sous notre nez
Tal Bruttmann, historien et commissaire de l’exposition
Un rapport administratif devenu témoignage malgré lui
Originellement conçues par les nazis comme un « rapport administratif » visant à illustrer le savoir-faire du commandant du camp Rudolf Höss, ces photos laissent pourtant transparaître bien plus que ce que leurs auteurs avaient anticipé. Malgré leur objectif de propagande antisémite, elles montrent la dignité et la résistance des victimes face à l’objectif.
Décrypter les détails pour révéler l’horreur cachée
L’exposition invite à s’attarder sur une multitude de détails a priori anodins mais lourds de sens. Deux femmes se bouchant le nez, signe de l’odeur pestilentielle des chambres à gaz voisines. Une autre tirant la langue en signe de défi. Un SS donnant un coup de canne à deux jeunes femmes lors de la sélection… Autant d’éléments passés inaperçus qui relocalisent la violence malgré les efforts des photographes pour la gommer.
La « porosité » troublante entre le camp et le monde extérieur
Autre aspect mis en lumière : l’idée reçue d’un camp totalement isolé et coupé du monde. En réalité, de nombreux indices dans les clichés trahissent des interactions régulières avec l’extérieur : présence d’ouvriers, passage de trains, vue sur la ville… Une « porosité » troublante entre l’horreur absolue et la vie soi-disant normale qui se poursuivait à côté.
On n’est pas dans un lieu isolé. Il y a autour de la ville un trafic ferroviaire considérable. Le lieu n’est pas inconnu. Plusieurs photos laissent deviner à quel point il y a une porosité entre le site et la ville, la vie normale.
Tal Bruttmann, commissaire de l’exposition
Une exposition essentielle pour décrypter l’indécryptable
À travers son travail de décryptage minutieux, cette exposition jette une lumière crue et nécessaire sur ces images qu’on croyait connaître. Elle nous oblige à dépasser le choc initial pour comprendre, dans toute leur effroyable banalité, les rouages de la mécanique génocidaire nazie. Un témoignage essentiel à l’heure où les derniers rescapés disparaissent et où l’antisémitisme connaît une résurgence inquiétante.
Infos pratiques
- Exposition « Comment les nazis ont photographié leurs crimes, Auschwitz 1944 »
- Du 20 janvier 2025 au 30 novembre 2025
- Mémorial de la Shoah, 17 rue Geoffroy l’Asnier, 75004 Paris
- Ouvert tous les jours sauf le samedi de 10h à 18h, nocturne le jeudi jusqu’à 22h
- Tarifs : 10€ (plein), 7€ (réduit), gratuit -18 ans
- Plus d’infos sur www.memorialdelashoah.org
Une visite intense et nécessaire pour ne jamais oublier et continuer inlassablement à décrypter l’indécryptable. À voir absolument.