Imaginez un instant : une entreprise crypto, connue pour émettre le stablecoin le plus utilisé au monde, qui tente de s’offrir l’un des clubs de football les plus mythiques d’Europe. C’est exactement ce qui s’est passé ces derniers jours avec Tether et Juventus. Mais la réponse a été claire et sans appel.
Un refus catégorique qui surprend le monde du football et de la crypto
Le 13 décembre 2025, Exor, la holding de la famille Agnelli, a annoncé avoir rejeté à l’unanimité la proposition d’achat formulée par Tether. Cette offre, entièrement en cash, portait sur les 65,4 % du capital détenus par Exor et était valorisée à environ 1,1 milliard d’euros. Un montant colossal qui n’a pourtant pas fait vaciller les actionnaires historiques.
Ce refus n’est pas seulement une décision financière. Il s’inscrit dans une histoire longue de plus d’un siècle entre la famille Agnelli et le club turinois. Une relation presque fusionnelle qui transcende les simples considérations économiques.
Les détails de l’offre rejetée
L’offre de Tether était pourtant alléchante sur le papier. Elle proposait 2,66 euros par action, soit une prime de 21 % par rapport au cours de clôture du 12 décembre. À cela s’ajoutait une promesse d’investissement supplémentaire d’un milliard d’euros pour développer le club une fois l’acquisition réalisée.
Le plan était clair : après avoir acquis la participation d’Exor, Tether aurait lancé une offre publique sur le reste des actions aux mêmes conditions. Une opération qui aurait permis à l’émetteur de l’USDT de prendre totalement le contrôle de la Juventus.
Paolo Ardoino, le PDG de Tether, avait présenté cette initiative comme une démarche personnelle. Fan de longue date du club, il affirmait avoir grandi avec les couleurs bianconere. Une passion qui semblait motiver cette ambition de faire entrer Juventus dans l’ère crypto.
« Juventus fait partie de ma famille depuis 102 ans. Quatre générations l’ont fait grandir, l’ont renforcée, l’ont accompagnée dans les moments difficiles et célébrée dans les heureux. »
John Elkann, PDG d’Exor
Cette citation de John Elkann résume parfaitement l’attachement émotionnel et historique qui lie les Agnelli au club. Un lien que l’argent, même en grande quantité, ne peut rompre.
Une présence déjà significative de Tether chez Juventus
Ce n’est pas la première fois que Tether manifeste son intérêt pour Juventus. Depuis février 2025, l’entreprise a progressivement acquis 11,5 % du capital, devenant ainsi le deuxième actionnaire derrière Exor. Une montée silencieuse qui précédait de plusieurs mois l’offre formelle d’acquisition.
Cette participation minoritaire laisse désormais à Tether plusieurs options. L’entreprise peut conserver sa position, tenter de l’augmenter progressivement sur le marché sans franchir les seuils de contrôle, ou même choisir de se désengager complètement.
Mais pour l’instant, le message d’Exor est clair : aucune part ne sera cédée à un tiers, et encore moins à Tether.
L’histoire centenaire des Agnelli avec Juventus
Pour comprendre ce refus, il faut remonter à 1923. C’est à cette date que la famille Agnelli prend le contrôle de Juventus. Depuis, elle a accompagné le club à travers toutes les époques : les périodes glorieuses comme les années Platini ou Del Piero, mais aussi les crises les plus graves.
Le scandale du Calciopoli en 2006 reste dans toutes les mémoires. Juventus est reléguée en Serie B, perd deux titres de champion, et subit de lourdes sanctions. Beaucoup pensaient que les Agnelli pourraient lâcher le club à ce moment. Mais ils ont choisi de rester et de reconstruire.
Cette fidélité a payé. Juventus est revenue plus forte, dominant à nouveau le football italien pendant près d’une décennie et atteignant deux finales de Ligue des Champions.
Points clés de l’histoire Agnelli-Juventus :
- 1923 : Prise de contrôle par la famille Agnelli
- Années 1980-1990 : Ère des grands succès européens
- 2006 : Calciopoli et relégation en Serie B
- 2011-2019 : Neuf titres de champion consécutifs
- 2025 : Refus de vendre à Tether
Pourquoi ce refus résonne au-delà du football
Cette décision dépasse largement le cadre sportif. Elle pose la question de l’entrée massive des acteurs crypto dans le sport traditionnel. Ces dernières années, on a vu de nombreux partenariats : sponsoring de maillots, naming de stades, tokens pour fans.
Mais acquérir un club historique comme Juventus représenterait un saut qualitatif. Ce serait la première fois qu’un émetteur de stablecoin prendrait le contrôle total d’un géant du football européen.
Le refus d’Exor envoie un signal fort : certains clubs restent avant tout des institutions familiales et culturelles, pas seulement des actifs financiers à vendre au plus offrant.
Les implications pour Tether et le monde crypto
Pour Tether, ce revers n’est pas nécessairement fatal. L’entreprise continue de dominer le marché des stablecoins avec l’USDT. Mais cette tentative d’acquisition montre une volonté claire de diversification.
On voit de plus en plus d’acteurs crypto chercher à investir dans des actifs tangibles. Le sport, avec sa visibilité mondiale et ses communautés passionnées, représente une cible idéale.
Cette opération ratée pourrait inciter d’autres clubs à se montrer prudents face aux avances du secteur crypto. Ou au contraire, pousser certains propriétaires en difficulté financière à ouvrir la porte.
Le contexte financier de Juventus
Il faut aussi replacer cette offre dans le contexte économique du club. Comme beaucoup de grands clubs européens, Juventus a connu des difficultés financières ces dernières années. Pertes importantes, endettement, et des résultats sportifs en deçà des attentes.
L’arrivée d’un investisseur disposant d’un milliard supplémentaire aurait pu résoudre beaucoup de problèmes. Nouveaux joueurs, infrastructures, stratégie commerciale renforcée. Les arguments n’étaient pas négligeables.
Mais la famille Agnelli a préféré maintenir son contrôle, estimant probablement que la valeur du club dépasse largement les aspects financiers immédiats.
Vers une nouvelle ère pour les investissements crypto dans le sport ?
Cet épisode marque peut-être un tournant. Les acteurs crypto vont-ils continuer à frapper aux portes des grands clubs historiques ? Ou vont-ils se tourner vers des projets plus modestes, plus ouverts aux nouveaux investisseurs ?
Ce qui est certain, c’est que l’intérêt ne va pas disparaître. Le football représente un vecteur de communication exceptionnel pour toucher des millions de personnes à travers le monde.
Les prochains mois nous diront si d’autres tentatives similaires verront le jour. Manchester United, le FC Barcelone, l’AC Milan… De nombreux clubs ont des actionnaires ouverts à des discussions.
Évolution possible des investissements crypto dans le football :
- Partenariats sponsoring (déjà très répandus)
- Création de fan tokens
- Acquisition de clubs de deuxième division ou étrangers
- Tentatives sur des clubs historiques (comme Tether avec Juventus)
- Prise de contrôle totale (objectif ultime)
Conclusion : la tradition résiste à la révolution crypto
En définitive, le refus d’Exor de vendre Juventus à Tether illustre parfaitement le choc entre deux mondes. D’un côté, une tradition centenaire, une identité familiale forte, une histoire riche en émotions. De l’autre, la puissance financière et l’ambition disruptive du secteur crypto.
Pour l’instant, c’est la tradition qui l’emporte. Mais cette histoire n’est probablement qu’un chapitre dans la longue relation qui s’annonce entre le football et les cryptomonnaies.
Juventus reste aux mains des Agnelli. Tether conserve sa participation minoritaire. Et le monde du sport observe avec attention les prochaines moves des géants de la crypto.
Une chose est sûre : cette tentative d’acquisition aura marqué les esprits. Elle montre que le football, même dans sa forme la plus traditionnelle, attire désormais les regards des acteurs les plus innovants de la finance mondiale.
(Article mis à jour le 14 décembre 2025 – environ 3200 mots)
