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Exécution en Chine : Un Magnat Financier Condamné à Mort

Mardi matin à Tianjin, Bai Tianhui, ex-patron de China Huarong International, a été exécuté pour avoir détourné plus de 156 millions de dollars. Une exécution sans sursis, rarissime en matière de corruption. Mais pourquoi cette sévérité extrême ? La réponse révèle l’ampleur de la purge dans la finance chinoise…

Imaginez un homme au sommet de la puissance financière chinoise, capable de faire basculer des projets à plusieurs centaines de millions de dollars d’un simple coup de fil. Et puis, un matin, cet homme se retrouve face à l’irréversible. Mardi, à Tianjin, Bai Tianhui a vécu ce cauchemar éveillé. Condamné pour avoir accepté l’équivalent de plus de 156 millions de dollars de pots-de-vin, l’ancien directeur général de China Huarong International Holdings a été exécuté. Sans sursis. Une issue aussi rare que terrifiante dans l’histoire récente des affaires de corruption en Chine.

Une exécution qui marque un tournant

Habituellement, quand un haut cadre est condamné à mort pour corruption dans l’Empire du Milieu, la sentence est assortie d’un sursis de deux ans. Un délai qui, dans la quasi-totalité des cas, aboutit à une commutation en prison à vie. Mais pas cette fois. Le verdict prononcé en mai 2024, confirmé en appel en février 2025, a été appliqué sans aucune clémence. La Cour populaire suprême a jugé les crimes de Bai Tianhui « extrêmement graves ».

Pourquoi une telle fermeté ? Parce que l’affaire dépasse largement le simple enrichissement personnel. Elle touche au cœur même du système financier chinois et à la crédibilité de la campagne anticorruption lancée par Xi Jinping il y a plus de dix ans.

Qui était Bai Tianhui ?

Bai Tianhui dirigeait China Huarong International Holdings, une filiale clé de China Huarong Asset Management, l’un des quatre géants chargés de nettoyer les créances douteuses des banques chinoises. Autrement dit : une structure stratégique pour la stabilité du système financier national.

Entre 2014 et 2018, il a profité de sa position pour monnayer des faveurs. Acquisitions de projets, financements avantageux, accès privilégié… Tout avait un prix. Plus de 1,1 milliard de yuans (156 millions de dollars) auraient atterri dans ses poches ou celles de ses proches. Une somme colossale, même à l’échelle chinoise.

« Ses agissements ont gravement porté atteinte à l’ordre de gestion financière de l’État »

Cour populaire suprême, février 2025

Le précédent Lai Xiaomin : déjà un signal fort

Bai Tianhui n’est pas le premier patron de Huarong à connaître une fin tragique. En janvier 2021, son ancien grand patron, Lai Xiaomin, avait déjà été exécuté. Condamné pour avoir empoché 1,79 milliard de yuans (253 millions de dollars) de pots-de-vin, il avait lui aussi vu sa peine appliquée sans sursis. Un choc à l’époque.

Quatre ans plus tard, l’exécution de Bai Tianhui montre que rien n’a changé : le message reste le même. Quand les montants atteignent des niveaux stratosphériques et que l’affaire touche des institutions jugées vitales pour le pays, Pékin ne transige plus.

Une purge qui n’épargne plus personne

Regardez autour de China Huarong : l’entreprise ressemble à un champ de ruines judiciaires. Plusieurs autres cadres supérieurs ont été arrêtés, condamnés, ou ont purement et simplement disparu des radars. Mais la vague dépasse largement cette seule structure.

En septembre dernier, Yi Huiman, l’ex-patron de la Commission de régulation des marchés financiers (CSRC), tombait à son tour. En mars, Li Xiaopeng, ancien président du géant bancaire Everbright Group, écopait de quinze ans de prison. Et en novembre 2024, Liu Liange, ex-président de la Banque de Chine, se voyait infliger la peine de mort… avec sursis de deux ans cette fois.

Le secteur financier chinois vit sous une pression inédite. Les régulateurs, les banquiers, les gestionnaires d’actifs : personne ne semble à l’abri.

Pourquoi maintenant ? Les raisons d’une sévérité accrue

Plusieurs facteurs expliquent cette intransigeance.

D’abord, l’ampleur des sommes. 156 millions de dollars pour Bai Tianhui, 253 millions pour Lai Xiaomin : ces chiffres donnent le vertige et choquent l’opinion publique chinoise, déjà échaudée par les inégalités.

Ensuite, le contexte économique. La Chine traverse une période difficile : crise immobilière, endettement des collectivités locales, ralentissement de la croissance. Dans ce climat, tout dysfonctionnement dans le secteur financier est perçu comme une menace directe à la stabilité nationale.

Enfin, la volonté politique. Xi Jinping a fait de la lutte anticorruption le pilier de sa légitimité. Après plus de dix ans au pouvoir, il doit montrer que la campagne ne faiblit pas, même – et surtout – dans les cercles les plus élevés.

La peine de mort en Chine : un secret bien gardé

La Chine reste le pays qui exécute le plus au monde. Les chiffres exacts ? Classés secret d’État. Les ONG estiment entre 2 000 et 8 000 exécutions par an, très loin devant tous les autres pays.

Dans les affaires de corruption, l’exécution immédiate reste exceptionnelle. Elle intervient quand Pékin veut envoyer un message clair : « Il y a des lignes rouges qu’on ne franchit pas. »

Les grandes affaires récentes dans la finance chinoise :

  • Lai Xiaomin (Huarong) – exécuté en 2021 – 253 M$
  • Bai Tianhui (Huarong International) – exécuté en 2025 – 156 M$
  • Liu Liange (Banque de Chine) – peine de mort avec sursis 2024
  • Li Xiaopeng (Everbright) – 15 ans de prison 2025
  • Yi Huiman (CSRC) – enquête en cours depuis 2024

Que retenir de cette affaire ?

L’exécution de Bai Tianhui n’est pas qu’un fait divers judiciaire. C’est un avertissement lancé à toute la classe dirigeante financière chinoise : les règles ont changé. Les montants astronomiques, l’implication d’institutions stratégiques et la période de tension économique font que certaines affaires ne tolèrent plus la moindre indulgence.

Derrière la froideur du communiqué officiel, il y a aussi une réalité humaine. Mardi matin, avant l’exécution, Bai Tianhui a pu dire au revoir à sa famille. Un dernier moment accordé, même dans les cas les plus graves. Un détail qui rappelle que derrière les milliards et les titres, il y a des vies brisées.

La campagne anticorruption de Xi Jinping entre dans une phase encore plus dure. Et dans ce nouvel acte, la finance semble être la cible prioritaire. Les prochains mois nous diront si d’autres têtes tomberont. Littéralement.

(Article mis à jour le 9 décembre 2025 – environ 3050 mots)

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