Imaginez un lieu où le silence est plus lourd que les chaînes, où chaque pas résonne comme une sentence. À Téhéran, au pied d’une montagne imposante, se dresse Evine, une prison dont le nom seul glace le sang des Iraniens. Ce complexe, véritable forteresse de la répression, incarne l’ombre du pouvoir, un endroit où opposants, intellectuels et étrangers disparaissent, souvent sans laisser de traces. Que se passe-t-il vraiment derrière ces murs impénétrables ?
Evine : Une Prison Hors du Temps
Construite en 1972 sous le règne du dernier chah, Mohammad Reza Pahlavi, la prison d’Evine s’étend dans un quartier discret du nord de Téhéran. Son architecture massive, nichée contre la montagne, lui confère une aura d’inaccessibilité. Mais ce n’est pas seulement sa structure qui intimide : c’est ce qu’elle représente. Pour beaucoup, Evine est le symbole d’un régime qui étouffe toute voix dissidente.
Ce lieu, qualifié d’immense complexe par d’anciens détenus, est un dédale de bâtiments aux fonctions variées. Certains dépendent de l’autorité judiciaire, d’autres des Gardiens de la Révolution ou des services de renseignement. Cette opacité rend presque impossible l’accès à des informations fiables sur le nombre de prisonniers ou les conditions de détention. Les témoignages, rares et précieux, permettent toutefois de lever un coin du voile.
Un Labyrinthe de Souffrance
Evine n’est pas une prison ordinaire. Elle est divisée en plusieurs sections, chacune avec ses propres règles et son lot d’horreurs. Les prisonniers politiques, les opposants financiers – souvent des dissidents déguisés sous ce prétexte – et les plus courants cohabitent avec des groupes inattendus, comme des personnes transgenres ou des religieux incarcérés. Cette diversité, loin d’humaniser le lieu, souligne l’absurdité d’un système qui enferme sans distinction.
« Vous décrire Evine ? Je n’en ai aucune idée, j’étais incarcéré dans une aile coupée de tout le reste. »
Un ancien détenu français
Les anciens prisonniers décrivent un endroit où l’isolement est roi. Certains, comme cet universitaire français détenu pour « espionnage » entre 2019 et 2020, n’ont vu qu’une infime partie du complexe, les yeux bandés à leur arrivée. Ils évoquent des couloirs interminables, des portes blindées et une surveillance constante. Sortir de sa cellule ? Un privilège rare, souvent limité à une visite médicale ou un interrogatoire.
La Section 209 : Une Prison dans la Prison
Si Evine est une forteresse, la section 209 en est le cœur noir. Contrôlée par les services de renseignement, cette aile est réservée aux cas les plus sensibles : espions présumés, opposants influents, étrangers accusés de crimes vagues. Les conditions y sont inhumaines, conçues pour briser les esprits.
Conditions de détention dans la section 209 :
- Cellules minuscules, parfois 1,80 m x 1 m.
- Lumière allumée 24h/24, privant de sommeil.
- Sorties rares dans une cour exiguë.
- Interrogatoires sous pression psychologique intense.
- Hygiène déplorable, favorisant maladies et désespoir.
Des Français, comme Cécile Kohler et son compagnon, y croupissent depuis plus de trois ans, accusés d’espionnage sans preuves publiques. Leurs proches décrivent un calvaire : pas de livres, pas de contact avec l’extérieur, une surveillance oppressante. Ces conditions, qualifiées de torture par certains, ont poussé des familles à porter plainte devant des instances internationales.
Les Otages d’État : Une Arme Diplomatique
Evine n’est pas seulement un lieu de répression interne. Elle sert aussi de levier diplomatique pour le régime iranien. Les détenus étrangers ou binationaux, souvent qualifiés d’otages d’État par les chancelleries occidentales, sont monnaie courante. Leur sort dépend des tensions géopolitiques, des négociations secrètes, ou des caprices du pouvoir.
Un ancien détenu français, libéré en 2024, raconte avoir été utilisé comme pion dans un jeu plus grand. « On ne sait jamais pourquoi on est là, ni quand on sortira », confie-t-il. Ces prisonniers, souvent des intellectuels ou des voyageurs malchanceux, deviennent des symboles de la lutte pour les droits humains, mais leur voix peine à percer les murs d’Evine.
Un Symbole de Résistance
Paradoxalement, Evine est aussi un lieu de résistance. Des figures comme Narges Mohammadi, lauréate du prix Nobel de la paix, y ont passé des années. Son mari, exilé en France, décrit une prison où, malgré la peur, des solidarités se tissent. Dans les quartiers publics, hommes et femmes peuvent parfois circuler, échanger, rêver d’un avenir meilleur.
« Dans les grands halls, on parlait, on partageait nos espoirs. C’était notre façon de survivre. »
Un ancien prisonnier
Mais cette liberté relative est un mirage. Les détenus savent que chaque mot peut être rapporté, chaque geste surveillé. Et pour ceux enfermés dans la section 209, même ces bribes d’humanité sont inaccessibles.
Un Chaos Redouté
Les récentes frappes israéliennes sur Evine ont ravivé les craintes. Des vidéos circulant en ligne montrent des explosions près de l’entrée, là où se trouvent les parloirs et les bureaux administratifs. Mais les cellules, protégées par des dizaines de portes blindées, sont plus loin. Une évasion semble impossible, mais le risque d’émeutes ou de représailles plane.
Les familles des détenus, comme celle de Cécile Kohler, s’inquiètent. « Que se passe-t-il là-dedans ? » s’interroge un proche. Les anciens prisonniers, eux, pensent à leurs camarades toujours enfermés, comme cet étudiant iranien qui a passé deux ans dans la section 209. « En ces jours sombres, tout peut arriver », murmure l’un d’eux.
Pourquoi Evine Fascine et Terrifie
Evine n’est pas qu’une prison. C’est un miroir des tensions qui traversent l’Iran : un régime autoritaire, une société en quête de liberté, des jeux diplomatiques complexes. Chaque histoire qui en sort – celle d’un Français libéré, d’une Nobel emprisonnée, d’un étudiant oublié – rappelle que derrière les murs, des vies sont en jeu.
Aspect | Description |
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Localisation | Nord de Téhéran, au pied d’une montagne. |
Construction | 1972, sous le chah Mohammad Reza Pahlavi. |
Sections | Section 209 (renseignements), quartiers publics, zones spécialisées. |
Détenus | Politiques, étrangers, religieux, transgenres, financiers. |
La fascination pour Evine vient aussi de son mystère. Peu savent ce qui s’y passe vraiment. Les témoignages, fragmentaires, laissent entrevoir un lieu où le temps s’arrête, où l’espoir vacille mais ne s’éteint jamais. Et c’est peut-être cette lueur, aussi faible soit-elle, qui pousse le monde à ne pas détourner le regard.
Un Appel à l’Action
Face à l’horreur d’Evine, que peut-on faire ? Les ONG, les diplomates et les familles des détenus appellent à une mobilisation internationale. Chaque voix compte pour faire pression sur le régime iranien, pour exiger la libération des prisonniers politiques et des otages d’État. Mais le chemin est long, et les murs d’Evine, eux, restent debout.
En attendant, les histoires de ceux qui en sont sortis continuent d’éclairer l’obscurité. Ils nous rappellent que, même dans les lieux les plus sombres, l’humanité persiste. Et que, peut-être, un jour, Evine ne sera plus qu’un souvenir d’un passé révolu.