Le mouvement de protestation des étudiants serbes contre le gouvernement a pris un tournant dramatique jeudi à Belgrade. Lors d’un blocage d’un carrefour du centre-ville par les manifestants, une étudiante a été violemment percutée par une voiture. Selon des images largement relayées sur les réseaux sociaux, la victime aurait été traînée sur une dizaine de mètres sur le capot avant de retomber lourdement sur la chaussée.
Un acte délibéré ou un accident ?
Si l’état de santé exact de l’étudiante blessée n’a pas été communiqué, l’hôpital où elle a été admise a indiqué qu’elle était « consciente et dans un état stable ». Un bilan de ses blessures est en cours d’établissement. La police a rapidement retrouvé le chauffard qui avait pris la fuite après l’incident. Né en 1987, il a été interpellé et placé en garde à vue.
Pour l’heure, les circonstances exactes du drame restent à éclaircir. S’agit-il d’un acte prémédité, le conducteur ayant délibérément foncé sur la foule des manifestants, ou d’un tragique accident ? Une chose est sûre, le Parquet de Belgrade, en charge des affaires criminelles, a immédiatement ouvert une enquête, suspectant une « tentative de meurtre ».
Colère étudiante après un drame
Depuis plusieurs semaines, la contestation gronde dans les universités serbes. Chaque jour, des centaines d’étudiants bloquent les principaux carrefours et artères de Belgrade et d’autres villes du pays pendant un quart d’heure. Ils réclament justice après l’effondrement meurtrier début novembre d’un auvent en béton à la gare de Novi Sad, qui a coûté la vie à 15 personnes. L’infrastructure avait pourtant été rénovée quelques mois plus tôt.
Le mécontentement estudiantin s’est aussi traduit par la fermeture de la plupart des facultés, où les cours ne sont plus assurés. Un mouvement qui prend de l’ampleur malgré les tentatives d’intimidation rapportées par les protestataires. Plusieurs d’entre eux affirment avoir été agressés par des inconnus devant leurs établissements.
Tensions croissantes
Le drame de jeudi illustre les tensions croissantes autour de ce mouvement de contestation inédit. Selon des sources proches des manifestants, plusieurs incidents impliquant des véhicules ont déjà été recensés ces derniers jours :
- Des voitures forçant les barrages étudiants et manquant de renverser des protestataires
- Des individus sortant de leur véhicule pour s’en prendre physiquement aux manifestants
- Des tentatives délibérées d’intimidation en fonçant vers la foule
Si le mouvement étudiant reste pour l’instant pacifiste, beaucoup redoutent un engrenage de la violence. L’émoi suscité par la manifestante renversée risque en tout cas de donner un nouvel élan à la contestation. Et de placer le gouvernement serbe sous pression, lui qui peine depuis des semaines à apaiser la colère de sa jeunesse.
La jeunesse serbe en première ligne
Au-delà de la tragédie de Novi Sad, le mouvement étudiant exprime un malaise plus profond d’une partie de la société serbe. Confrontés aux difficultés économiques, à un taux de chômage élevé et au manque de perspectives, de nombreux jeunes remettent en cause la politique du gouvernement.
On a l’impression que notre avenir est sacrifié, que personne ne se soucie de nous. Il est temps que les choses changent.
Une manifestante étudiante
Le blocage des universités est aussi le symbole d’une jeunesse qui veut reprendre son destin en main et peser dans le débat public. Face à un pouvoir jugé sourd à leurs revendications, les étudiants serbes semblent déterminés à faire entendre leur voix. Quitte à passer à des modes d’action plus radicaux.
Reste à savoir si le gouvernement saura entendre ce cri d’alarme de sa jeunesse. Au risque de voir le fossé se creuser davantage et les tensions s’exacerber. Le sort de l’étudiante renversée jeudi sera en tout cas scruté de près. Tout comme la réponse des autorités à cet inquiétant franchissement d’un palier dans un mouvement qui ne faiblit pas.
