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Éthiopie : Une Loi Menace l’Espace Civique

Un projet de loi en Éthiopie pourrait museler les ONG à un an des élections. Quels risques pour la société civile et la démocratie ? Lisez pour comprendre...

Un projet de loi discret menace-t-il l’avenir de la société civile en Éthiopie ? À moins d’un an des élections législatives prévues pour juin 2026, une réforme législative, élaborée dans l’ombre, suscite l’inquiétude. Ce texte, porté par le ministère de la Justice, pourrait bouleverser l’équilibre fragile des droits humains et de l’espace civique dans le deuxième pays le plus peuplé d’Afrique. Alors que le pays semblait s’ouvrir il y a quelques années, ce virage inattendu interroge : l’Éthiopie est-elle en train de refermer la porte à la liberté associative ?

Une Réforme aux Enjeux Cruciaux

Depuis son arrivée au pouvoir en 2018, le Premier ministre éthiopien a été salué pour ses efforts d’ouverture politique. L’adoption en 2019 d’une loi plus favorable aux organisations de la société civile (OSC) avait marqué un tournant, rompant avec des décennies de restrictions. Cette législation avait créé l’Autorité fédérale des organisations de la société civile (ACSO), un organe chargé de réguler les ONG tout en leur offrant un cadre plus libre pour opérer. Mais aujourd’hui, un projet de réforme menace de renverser ces avancées.

Ce projet, élaboré en secret selon des sources fiables, vise à modifier la structure de l’ACSO, notamment son conseil d’administration. Actuellement composé de sept représentants de la société civile et quatre du gouvernement, ce conseil garantit un certain équilibre. La réforme proposée réduirait le nombre total de membres à sept, dont cinq seraient nommés directement par l’exécutif, y compris le président du conseil. Une telle mesure conférerait un contrôle quasi total au gouvernement, compromettant l’indépendance de l’ACSO.

Ce projet constitue un recul majeur pour la promotion des droits humains et menace de réduire à néant l’espace civique en Éthiopie.

Un Contexte Politique Tendu

L’Éthiopie, avec ses 130 millions d’habitants, traverse une période de turbulences. Après des années marquées par la domination du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) de 1991 à 2018, l’arrivée d’Abiy Ahmed avait suscité l’espoir d’une transition démocratique. Cependant, le conflit dans la région du Tigré, débuté fin 2020, a freiné les réformes et durci la posture des autorités. Ce conflit, qui a opposé les forces fédérales aux rebelles du TPLF, a non seulement causé des milliers de morts, mais aussi renforcé la répression contre les voix dissidentes.

Dans ce climat, plusieurs ONG ont vu leurs activités suspendues, et des journalistes ont été arrêtés. Le pays se classe désormais au 145e rang sur 180 dans le classement mondial de la liberté de la presse. Ce durcissement s’accompagne d’une méfiance croissante envers les organisations internationales, nombreuses à éviter toute critique des autorités par peur de représailles. La réforme de l’ACSO s’inscrit-elle dans cette logique de contrôle renforcé ?

Les Risques pour la Société Civile

La société civile joue un rôle clé dans tout pays aspirant à la démocratie. En Éthiopie, les ONG sont souvent les seules à défendre les droits des populations marginalisées, à promouvoir l’égalité ou à surveiller les abus de pouvoir. Une ACSO sous contrôle gouvernemental pourrait limiter leur capacité à opérer librement, voire les contraindre à aligner leurs actions sur les priorités de l’exécutif.

Les conséquences d’une telle réforme seraient multiples :

  • Perte d’autonomie : Les ONG pourraient être soumises à des restrictions accrues, limitant leur capacité à critiquer les politiques gouvernementales.
  • Réduction de l’espace civique : Les organisations indépendantes risquent de voir leurs financements ou leurs projets bloqués.
  • Impact électoral : À l’approche des élections de 2026, un contrôle renforcé des OSC pourrait limiter le débat public et la transparence du scrutin.

Ce dernier point est particulièrement préoccupant. Les élections législatives de 2026 seront un test majeur pour la démocratie éthiopienne. Une société civile muselée pourrait affaiblir la capacité des citoyens à s’informer et à participer activement au processus électoral.

Un Retour en Arrière ?

L’enthousiasme suscité par les réformes d’Abiy Ahmed en 2018 semble s’essouffler. À l’époque, son arrivée au pouvoir avait marqué une rupture avec des décennies de gouvernance autoritaire. La libéralisation de l’espace civique, l’ouverture aux médias et la promesse de réformes démocratiques avaient redonné espoir à une population en quête de changement. Mais les défis internes, notamment le conflit au Tigré, ont compliqué cette transition.

Le projet de réforme actuel semble indiquer un retour à des pratiques plus restrictives. En plaçant l’ACSO sous l’emprise du gouvernement, les autorités pourraient non seulement limiter les activités des ONG, mais aussi décourager les partenaires internationaux qui soutiennent les initiatives locales. Ce repli pourrait également affecter la perception de l’Éthiopie sur la scène internationale, où elle cherche à se positionner comme un acteur clé en Afrique de l’Est.

Pourquoi l’Indépendance de l’ACSO est Cruciale

Une ACSO indépendante garantit que les ONG peuvent opérer sans crainte de représailles. Elle permet un équilibre entre régulation et liberté, essentiel pour une société civile dynamique. Perdre cette indépendance, c’est risquer un retour à un contrôle étatique oppressif, où seules les voix alignées sur le pouvoir peuvent s’exprimer.

Les Défis à Venir

À l’approche des élections de 2026, l’Éthiopie se trouve à un carrefour. La réforme proposée pourrait redessiner le paysage civique et politique du pays. Si elle est adoptée, elle risque d’affaiblir la capacité des organisations à défendre les droits humains et à promouvoir un débat public ouvert. Les ONG, déjà sous pression, pourraient se retrouver encore plus limitées dans leurs actions.

Pour mieux comprendre les implications, voici un tableau résumant les changements proposés :

Aspect Structure Actuelle Proposition de Réforme
Composition du conseil d’administration 7 membres société civile, 4 gouvernement 5 membres gouvernement, 2 autres
Présidence Non spécifié Nommé par le gouvernement
Impact Équilibre relatif Contrôle accru de l’exécutif

Ce tableau illustre clairement le basculement vers un contrôle gouvernemental renforcé, un changement qui pourrait avoir des répercussions durables sur la société éthiopienne.

Vers un Avenir Incertain

Alors que l’Éthiopie se prépare pour un scrutin crucial en 2026, la société civile doit pouvoir jouer son rôle de contre-pouvoir. Les ONG, les médias et les citoyens engagés sont les piliers d’une démocratie vivante. En limitant leur liberté, le gouvernement risque d’affaiblir non seulement la confiance interne, mais aussi sa crédibilité sur la scène internationale.

Le silence des autorités face aux critiques de ce projet de loi interroge. Pourquoi une réforme aussi sensible est-elle menée dans l’opacité ? Quels sont les véritables objectifs derrière ce texte ? Ces questions restent sans réponse, mais elles soulignent l’urgence de protéger l’espace civique dans un pays où les libertés fondamentales sont déjà fragiles.

En conclusion, l’Éthiopie se trouve à un moment charnière. La réforme proposée, si elle est adoptée, pourrait marquer un retour en arrière pour les droits humains et la démocratie. À l’inverse, un rejet de ce texte pourrait redonner espoir à une société civile en quête de liberté et d’indépendance. Quel chemin le pays choisira-t-il ? L’avenir nous le dira.

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