Imaginez une région qui, il y a encore deux ans, sortait d’un conflit sanglant ayant coûté la vie à des centaines de milliers de personnes. Aujourd’hui, alors que la paix semblait enfin s’installer, des fissures apparaissent, menaçant de tout faire voler en éclats. En Éthiopie, le Tigré, cette province septentrionale au passé tumultueux, se retrouve une fois de plus au bord du précipice. Entre divisions internes au sein du parti dominant et tensions grandissantes avec un voisin imprévisible, l’histoire semble se répéter. Que se passe-t-il vraiment là-bas ? Plongeons dans ce récit captivant où politique, pouvoir et rivalités régionales s’entremêlent.
Le Tigré : une paix fragile sous tension
Il y a un peu plus de deux ans, un accord historique signé dans une ville sud-africaine mettait fin à l’une des guerres les plus dévastatrices de ces dernières décennies. Ce texte, paraphé après des mois de négociations, promettait un avenir meilleur pour le Tigré, une région d’Éthiopie ravagée par les combats entre 2020 et 2022. Mais aujourd’hui, cette paix ressemble davantage à une trêve bancale qu’à une réconciliation durable. Pourquoi ? Les réponses se trouvent dans les luttes de pouvoir intestines et les promesses non tenues.
Un parti historique au cœur des divisions
Au centre de cette crise, un acteur incontournable : le parti qui a longtemps dominé la scène politique éthiopienne. Né dans les années 1980 comme fer de lance d’une rébellion contre un régime autoritaire, ce mouvement a joué un rôle clé dans la chute de ce dernier en 1991. Pendant près de trois décennies, il a tenu les rênes du pouvoir à Addis-Abeba, s’appuyant sur une minorité ethnique représentant à peine **6 % de la population**. Mais cette hégémonie a semé des graines de frustration parmi d’autres groupes, jusqu’à ce qu’un changement de leadership en 2018 ne le pousse dans l’ombre.
Marginalisé, le parti s’est replié dans sa région d’origine, le Tigré, où il conserve une influence considérable. Pourtant, loin de s’unir face à l’adversité, ses cadres se déchirent. D’un côté, une administration intérimaire mise en place après l’accord de paix ; de l’autre, une faction dissidente qui conteste sa légitimité. Ces luttes intestines ne sont pas qu’une querelle de pouvoir : elles risquent de raviver un conflit que beaucoup pensaient enterré.
“C’est explicitement un coup d’État qui met en péril la paix obtenue de haute lutte.”
– Un haut responsable de l’administration intérimaire
Les racines d’un schisme explosif
Comment en est-on arrivé là ? Tout commence avec les espoirs déçus de l’accord de paix. Parmi les engagements pris : le retrait des forces étrangères du Tigré et le retour de près d’un million de personnes déplacées. Mais des mois plus tard, ces promesses peinent à se concrétiser. Selon des estimations de l’ONU, des centaines de milliers de familles attendent encore de rentrer chez elles, tandis que des troupes venues d’un pays voisin continuent d’occuper des zones stratégiques.
Cette situation a exacerbé les tensions au sein du parti dominant. Une faction accuse l’administration intérimaire de trahir les intérêts de la population locale, tandis que cette dernière dénonce une tentative de déstabilisation. Fin janvier, des officiers militaires de haut rang ont pris position, soutenant une résolution visant à évincer le chef intérimaire. En réponse, ce dernier a suspendu plusieurs gradés, une décision immédiatement annulée par ses rivaux. Le ton monte, et les actes suivent.
- Prise de contrôle de villes clés par une faction dissidente.
- Accusations mutuelles de coups de force entre les deux camps.
- Risque d’effondrement total des institutions régionales.
Quand les armes reprennent la parole
Début mars, la situation a franchi un cap. Des forces loyales à la faction dissidente ont pris le contrôle de deux villes majeures du Tigré, dont sa capitale régionale. Les maires, nommés par l’administration intérimaire, ont été démis de leurs fonctions. Ces événements, bien plus qu’une simple querelle politique, traduisent une fracture profonde. Les Forces de défense locales, jusque-là neutres, semblent désormais choisir leur camp, rendant une escalade militaire de plus en plus probable.
Pour beaucoup, cette crise est un test crucial pour l’accord de paix. Si les deux camps ne trouvent pas un terrain d’entente, le Tigré pourrait replonger dans une guerre civile, avec des conséquences désastreuses pour une population déjà épuisée par des années de violence. Mais un autre danger guette à l’horizon, bien au-delà des frontières régionales.
L’ombre menaçante de l’Érythrée
À quelques kilomètres au nord, un voisin observe la situation avec intérêt. L’Érythrée, petit pays de la Corne de l’Afrique, entretient une relation complexe avec l’Éthiopie. Entre 1998 et 2000, les deux nations se sont affrontées dans un conflit frontalier sanglant, laissant des cicatrices profondes. En 2019, un accord de paix historique, salué par un prix Nobel, avait apaisé les tensions. Mais la guerre du Tigré a tout changé.
D’après une source proche des affaires régionales, le président érythréen, au pouvoir depuis plus de trente ans, aurait mal digéré l’accord qui a mis fin au conflit au Tigré. Ses ambitions, notamment le contrôle de zones stratégiques, n’auraient pas été satisfaites. Ajoutez à cela les projets de l’Éthiopie, pays enclavé, de sécuriser un accès à la mer via un port érythréen, et vous obtenez une poudrière prête à exploser.
“À tout moment, une guerre entre l’Éthiopie et l’Érythrée pourrait éclater.”
– Un stratège militaire tigréen dans une analyse récente
Un échiquier régional sous haute tension
Les signaux sont inquiétants. Fin février, des convois d’armes auraient été repérés dans une région éthiopienne proche de la frontière érythréenne. Asmara, la capitale de l’Érythrée, a accusé son voisin de mener une campagne hostile. Pendant ce temps, les divisions au Tigré affaiblissent l’Éthiopie face à cette menace extérieure. Pour les experts, un conflit ouvert n’est plus une hypothèse farfelue.
Événement | Date | Impact |
Guerre du Tigré | 2020-2022 | 600 000 morts |
Accord de paix | Novembre 2022 | Fin des combats |
Prise de villes | Mars 2025 | Risque de conflit |
Quel avenir pour le Tigré ?
Face à ce tableau sombre, une question demeure : le Tigré peut-il échapper à une nouvelle guerre ? Les divisions internes, amplifiées par des rivalités régionales, laissent peu de place à l’optimisme. Pourtant, certains appellent à une médiation urgente pour sauver ce qui reste de la paix. Les prochains jours seront décisifs, tant pour les habitants de cette région que pour l’équilibre fragile de la Corne de l’Afrique.
Entre espoirs déçus et ambitions géopolitiques, le Tigré incarne aujourd’hui les défis d’un continent en perpétuelle mutation. Une chose est sûre : le monde a les yeux rivés sur cette province, où chaque décision pourrait changer le cours de l’histoire.