Une rencontre diplomatique de haute importance s’est déroulée ce vendredi à Damas entre une délégation américaine et le nouveau dirigeant syrien Ahmad al-Chareh, connu sous le nom de guerre d’Abou Mohammad al-Jolani. Selon un responsable syrien s’exprimant sous couvert d’anonymat, cet entretien – le premier du genre depuis le renversement de Bachar al-Assad le 8 décembre dernier – a été « positif » et porteur d’espoir pour l’avenir des relations entre les deux pays.
Ahmad al-Chareh, un interlocuteur controversé
Pourtant, le nouveau maître de Damas est loin de faire l’unanimité sur la scène internationale. Chef du groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS), classé comme organisation terroriste par de nombreux pays dont les États-Unis, al-Chareh est lui-même visé par des sanctions américaines. Son accession au pouvoir a donc été accueillie avec méfiance par les chancelleries occidentales.
Toutefois, le nouveau régime syrien s’efforce de rassurer, affirmant avoir rompu avec le jihadisme et mettant en avant sa capacité à relancer le pays, après près de 14 ans d’une guerre civile dévastatrice. Un pari risqué, mais que semblent prêts à prendre les États-Unis, soucieux de ne pas laisser la Syrie sombrer davantage dans le chaos.
Une délégation de haut niveau
Signe de l’importance accordée à cette première prise de contact, Washington avait dépêché à Damas une délégation de haut niveau, comprenant notamment Barbara Leaf, responsable du Moyen-Orient au sein de la diplomatie américaine, et Daniel Rubinstein, spécialiste du monde arabe désormais chargé des contacts avec la Syrie.
Selon l’ambassade américaine à Damas, les discussions ont porté sur les « principes convenus par les États-Unis et leurs partenaires à Aqaba », lors d’une réunion en Jordanie, à savoir :
- Le soutien à un processus politique inclusif dirigé par les Syriens
- Un processus aboutissant à un gouvernement représentatif respectant les droits de tous les Syriens
Ont également été abordés « les événements régionaux, l’intention de la Syrie d’adopter une politique de bon voisinage et l’importance des efforts communs dans la lutte contre le terrorisme », toujours d’après l’ambassade américaine.
Rencontres avec la société civile
En marge de son entrevue avec les nouvelles autorités syriennes, la délégation américaine a tenu à échanger avec des représentants de la société civile, « pour entendre directement leur vision de l’avenir de leur pays et la manière dont les États-Unis peuvent les aider ».
Une démarche saluée par les observateurs, qui y voient la volonté de Washington de ne pas se limiter à des contacts officiels, mais de prendre aussi le pouls de la population syrienne et de ses aspirations.
L’Occident prudent mais pragmatique
Cette rencontre américano-syrienne s’inscrit dans un contexte diplomatique en mouvement, plusieurs pays occidentaux ayant récemment dépêché des émissaires à Damas pour nouer ou renouer le dialogue avec le nouveau régime. La France, l’Allemagne, le Royaume-Uni et même l’ONU ont ainsi envoyé des représentants ces derniers jours.
Une prudence mêlée de pragmatisme semble être de mise côté occidental. Car si la méfiance demeure à l’égard des nouveaux maîtres de Damas, la crainte d’une fragmentation accrue du pays et d’une résurgence de l’organisation État islamique – qui n’a jamais été totalement éradiquée en Syrie – pousse à renouer le fil du dialogue.
La rencontre a eu lieu et elle était positive. Et les résultats seront positifs si Dieu le veut.
Un responsable syrien s’exprimant sous couvert d’anonymat
Cette première rencontre américano-syrienne, si elle se confirme positive, pourrait donc marquer un tournant dans la crise syrienne. Reste à savoir si le nouveau pouvoir à Damas saura saisir cette main tendue et engager le pays sur la voie d’une paix et d’une reconstruction durables, dans le respect des droits de tous les Syriens. Un défi immense au regard des plaies encore béantes laissées par plus d’une décennie de guerre, mais un espoir à ne pas négliger pour l’avenir de la Syrie et de toute la région.