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États-Unis Prêts à Défendre le Guyana contre le Venezuela

Les États-Unis viennent de promettre officiellement qu’ils défendront le Guyana en cas d’attaque vénézuélienne sur l’Essequibo. Un porte-avions géant déjà déployé, ExxonMobil au cœur du jeu… Mais jusqu’où Caracas est-il prêt à aller pour récupérer ce territoire riche en pétrole ? La suite risque de vous surprendre.

Imaginez un petit pays de moins d’un million d’habitants qui, du jour au lendemain, découvre sous ses eaux les plus grandes réserves de pétrole par habitant au monde. Et maintenant, imaginez son voisin, en pleine crise économique, qui revendique les deux tiers de ce territoire depuis plus d’un siècle. Ajoutez à cela la première puissance militaire mondiale qui pose un porte-avions juste à côté et promet de « défendre » le petit pays en cas de problème. Nous ne sommes pas dans un film hollywoodien : c’est la situation explosive qui se joue en ce moment même entre le Guyana, le Venezuela et les États-Unis.

Une déclaration qui fait l’effet d’une bombe

Jeudi dernier, l’ambassadrice des États-Unis au Guyana a été on ne peut plus claire. « En cas d’incident fâcheux, nous nous engageons à rester aux côtés du Guyana pour protéger votre souveraineté », a-t-elle déclaré. Le message est limpide : toute tentative vénézuélienne de prendre par la force la région de l’Essequibo se heurtera à une réponse américaine. Et quand on sait que Washington vient de déployer des forces impressionnantes dans les Caraïbes – dont le plus grand porte-avions du monde –, on comprend que ce n’est pas une menace en l’air.

Cette prise de position intervient dans un contexte particulièrement tendu. Caracas dénonce depuis plusieurs semaines une « agression en préparation » et accuse les États-Unis de vouloir protéger les intérêts pétroliers d’ExxonMobil au détriment du peuple vénézuélien. De l’autre côté, Georgetown célèbre le soutien indéfectible de son grand allié du Nord.

L’Essequibo : un territoire au cœur de toutes les convoitises

Pour comprendre l’ampleur du différend, il faut remonter loin. La région de l’Essequibo représente environ les deux tiers du territoire guyanien actuel. Le Venezuela la revendique depuis l’époque coloniale, estimant que la frontière fixée par un arbitrage britannique en 1899 était frauduleuse. Georgetown, de son côté, considère que la sentence de 1899 est définitive et irrévocable.

Mais pendant plus d’un siècle, ce conflit dormait. Il a brutalement resurgi en 2015 quand ExxonMobil a annoncé la découverte de gigantesques gisements pétroliers au large des côtes de l’Essequibo. Depuis, le Guyana est passé du statut de pays le plus pauvre d’Amérique du Sud à celui de future puissance pétrolière. Les chiffres donnent le vertige : le pays vise plus d’un million de barils par jour d’ici la fin de la décennie.

« Vous êtes très, très importants pour nous stratégiquement »

L’ambassadrice américaine Nicole Theriot

ExxonMobil, Chevron, CNOOC : le consortium qui change tout

Le principal opérateur dans les eaux guyaniennes n’est autre qu’ExxonMobil. Le géant américain, associé à Hess et à la chinoise CNOOC, développe à marche forcée le bloc Stabroek, l’un des plus prometteurs au monde. D’autres majors sont aussi de la partie : TotalEnergies, Qatar Energy, Petronas… Tous misent sur l’avenir pétrolier du Guyana.

Ce boom pétrolier a transformé l’économie guyanaise. Le PIB par habitant a été multiplié par dix en quelques années. Des hôtels de luxe sortent de terre à Georgetown, des routes se construisent, et le pays attire désormais les investisseurs du monde entier. Mais ce miracle économique a un revers : il attise la frustration de Caracas, qui voit « son » pétrole exploité par des compagnies étrangères sous protection américaine.

Le déploiement militaire américain : simple coïncidence ?

Officiellement, la présence massive de forces américaines dans les Caraïbes vise à lutter contre les cartels de la drogue. Mais le timing est troublant. Le plus grand porte-avions du monde croise actuellement non loin des côtes guyaniennes. Des exercices conjoints ont lieu régulièrement avec l’armée guyanaise. Et les déclarations de l’ambassadrice ne laissent aucun doute sur la finalité réelle de ce déploiement.

Du côté vénézuélien, on crie à la provocation. Le gouvernement Maduro parle d’une « coalition impérialiste » prête à envahir le pays sous prétexte de protéger le Guyana. Les réseaux sociaux vénézuéliens bruissent de théories sur une intervention imminente.

Une attaque vénézuélienne est-elle vraiment envisageable ?

Les experts sont quasiment unanimes : non. Evan Ellis, spécialiste reconnu de l’Amérique latine au US Army War College, estime qu’une offensive vénézuélienne serait « hautement improbable ». Pourquoi ? Parce que l’armée vénézuélienne, malgré ses discours belliqueux, est en piteux état : manque d’entretien, de carburant, de pièces détachées sous embargo.

En face, la réponse américaine serait « écrasante », selon les termes mêmes de l’expert. Toute tentative d’incursion maritime ou aérienne serait neutralisée en quelques heures. « Maduro signerait l’arrêt de mort de son régime », résume Evan Ellis. Car une défaite militaire humiliante face aux États-Unis pourrait déclencher l’effondrement du chavisme.

Malgré tout, Caracas continue d’agiter la menace. Référendum controversé en décembre 2023, création d’une « zone de défense intégrale » pour l’Essequibo, discours enflammés… Le régime joue la carte nationaliste pour détourner l’attention de la crise intérieure : hyperinflation, pénuries, exode massif de la population.

Les enjeux vont bien au-delà du pétrole

Ce conflit révèle des dynamiques géopolitiques profondes. D’un côté, les États-Unis veulent sécuriser un allié stratégique dans une région où la Chine et la Russie gagnent du terrain. Le Guyana, anglophone et membre du Commonwealth, représente un point d’ancrage idéal face à l’influence croissante de Pékin (présent via la CNOOC) et de Moscou (allié historique de Maduro).

De l’autre, le Venezuela cherche à reprendre la main dans un contexte où il a tout perdu : ses réserves pétrolières s’épuisent, ses infrastructures tombent en ruine, sa monnaie ne vaut plus rien. L’Essequibo apparaît comme le dernier espoir de salut économique… ou du moins comme un formidable outil de propagande.

Entre les deux, le petit Guyana se retrouve au centre d’un jeu bien plus grand que lui. Georgetown sait qu’il doit sa survie à la protection américaine. Mais cette protection a un prix : une dépendance accrue vis-à-vis de Washington et des majors pétrolières.

Et maintenant ? Vers une désescalade ou un incident ?

Pour l’instant, la situation reste verbale. Les navires américains patrouillent, les compagnies pétrolières forent, et Caracas proteste. Mais un incident est toujours possible : un navire vénézuélien qui s’approche trop près d’une plateforme, un survol non autorisé, une manifestation qui dégénère… Dans un tel contexte, la moindre étincelle pourrait mettre le feu aux poudres.

La communauté internationale observe avec inquiétude. Le Brésil, voisin direct, renforce sa présence militaire à la frontière. La Cour internationale de Justice, saisie par le Guyana, continue d’examiner le fond du différend – un processus qui pourrait durer des années. En attendant, c’est la loi du plus fort qui semble primer.

Une chose est sûre : la promesse américaine de défendre le Guyana change radicalement la donne. Ce qui était un conflit régional endormi est devenu un affrontement par procuration entre grandes puissances, avec le pétrole pour détonateur. Et dans ce genre de situation, l’histoire nous a appris que la raison ne triomphe pas toujours.

Alors, le Venezuela va-t-il franchir le pas ? Les États-Unis vont-ils aller jusqu’au bout de leur engagement ? Ou assisterons-nous à une désescalade in extremis ? Une chose est certaine : en ce moment même, dans les eaux turquoise des Caraïbes, se joue une partie d’échecs à très haut risque dont l’issue pourrait redessiner la carte géopolitique de toute l’Amérique latine.

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