Plus de 50 ans après les derniers pas de l’Homme sur la Lune, la NASA se lance dans un nouveau défi spatial d’envergure avec le programme Artemis. Cet ambitieux projet vise non seulement à ramener des astronautes américains sur notre satellite naturel, mais surtout à y établir une présence humaine durable. Une entreprise titanesque motivée par des enjeux géopolitiques et la perspective d’exploiter les ressources du sol lunaire.
Artemis, la réponse américaine aux ambitions lunaires de la Chine et de la Russie
Lancé en 2019 sous l’impulsion de Donald Trump, le programme Artemis marque un tournant dans la conquête spatiale du 21ème siècle. Après des décennies d’absence, les États-Unis souhaitent renouer avec l’exploration lunaire face à la montée en puissance de rivaux comme la Chine et la Russie. Pékin a déjà fait alunir un rover sur la face cachée de la Lune en 2019 et prévoit d’y envoyer des taïkonautes d’ici 2029 pour jeter les bases d’une station permanente.
Face à ces développements, la NASA s’est vu fixer deux objectifs majeurs :
- Faire atterrir un équipage sur la Lune dès 2024
- Établir une présence américaine durable permettant l’exploitation des ressources lunaires à l’horizon 2032
Le sol lunaire regorge en effet de trésors convoités comme l’eau sous forme de glace, l’hélium 3 pour la production d’énergie ou encore de nombreux métaux rares. Autant d’atouts qui font de la Lune un enjeu stratégique de premier plan dans la course à l’espace du 21ème siècle.
SLS, le lanceur surpuissant au cœur des missions Artemis
Pour mener à bien ce retour sur la Lune, la NASA mise sur son nouveau lanceur lourd Space Launch System (SLS). Après de multiples retards et dépassements budgétaires, ce mastodonte de 98 mètres de haut pour 2500 tonnes a finalement décollé avec succès en novembre 2022 lors de la mission Artemis 1. Il a propulsé la capsule Orion, sans équipage, jusqu’en orbite lunaire avant un retour triomphal sur Terre.
Bien que très puissant, le SLS fait toutefois l’objet de critiques sur son coût jugé exorbitant (plus de 2 milliards de dollars par lancement) et son manque de réutilisabilité par rapport aux lanceurs de SpaceX ou Blue Origin. La NASA compte néanmoins sur lui pour les prochaines missions habitées :
- Artemis 2 en 2024 : premier vol habité autour de la Lune sans alunissage
- Artemis 3 en 2025 : alunissage d’un équipage dont la première femme sur la Lune
- Artemis 4 en 2027 : début de l’assemblage de la station en orbite lunaire Gateway
Une base internationale permanente sur la Lune
À plus long terme, l’objectif du programme Artemis est d’implanter un avant-poste sur le pôle Sud lunaire. Cette base permanente servirait de tremplin pour des missions de plus en plus longues et lointaines, avec en ligne de mire l’exploitation des ressources in situ comme l’eau glacée ou le régolithe.
La NASA prévoit de développer sur place des systèmes d’extraction d’oxygène et d’hydrogène pour produire de l’eau, de l’air respirable mais aussi du carburant. De quoi rendre la Lune autonome et en faire un relais essentiel pour de futures missions vers Mars. Des rovers, des habitats pressurisés et des centrales énergétiques seront aussi déployés pour soutenir une présence humaine de longue durée.
« Artemis n’est pas qu’un simple aller-retour sur la Lune. C’est le début d’une ère durable d’exploration lunaire dont les leçons nous serviront à nous aventurer plus loin dans le système solaire, vers Mars »
– Bill Nelson, administrateur de la NASA
Bien qu’essentiellement américain, le programme Artemis se veut collaboratif. Plusieurs agences spatiales comme l’ESA européenne, la JAXA japonaise ou la CSA canadienne y sont associées et fourniront des éléments clés comme le module de service d’Orion ou des modules de la station Gateway. Des entreprises privées comme SpaceX (atterrisseur lunaire) ou Northrop Grumman (module habitable) sont aussi partie prenante.
Des défis technologiques et budgétaires à surmonter
Malgré ces partenariats, le programme Artemis reste un immense défi pour la NASA. Sur le plan technique, la fiabilisation de la SLS et le développement des systèmes d’atterrissage et d’habitation sur la Lune comportent encore de nombreuses inconnues.
Le volet budgétaire représente aussi une gageure alors que le Congrès américain peine chaque année à entériner les fonds demandés. Près de 93 milliards de dollars ont déjà été engloutis et le coût total devrait dépasser les 100 milliards selon certaines estimations.
Des élus démocrates comme républicains s’interrogent sur la pertinence de dépenser autant pour la Lune au détriment de besoins plus urgents sur Terre. La perspective d’une exploitation commerciale des ressources lunaires pourrait cependant convaincre de maintenir les efforts.
Face à la détermination des Chinois et des Russes, la volonté américaine de retrouver sa suprématie sur la Lune ne devrait en tout cas pas faiblir. Et Artemis ne sera sans doute pas le dernier mot de cette nouvelle ère de conquête spatiale qui s’ouvre sous nos yeux.