Dans un tournant stratégique majeur, les États-Unis viennent d’autoriser l’Ukraine à frapper le territoire russe avec des missiles longue portée fournis par Washington. Cette décision, qui intervient à quelques semaines de l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, soulève de nombreuses questions quant à l’évolution du conflit et aux relations internationales.
Un feu vert lourd de conséquences
Selon une source proche du dossier s’exprimant sous couvert d’anonymat, le président démocrate sortant Joe Biden a accédé à une demande de longue date de Kiev en donnant son accord pour l’utilisation de missiles pouvant atteindre des cibles en profondeur sur le sol russe. Une décision qui marque un changement significatif dans la position américaine, jusqu’ici réticente à une telle escalade par crainte des réactions de Moscou.
Les missiles ATACMS, d’une portée de plusieurs centaines de kilomètres, permettraient ainsi à l’armée ukrainienne de viser des sites logistiques et des aérodromes d’où décollent les bombardiers russes. D’après le New York Times, citant des responsables américains, ces armements devraient dans un premier temps être déployés dans la région frontalière russe de Koursk, où des soldats nord-coréens ont été envoyés en soutien aux troupes de Moscou. C’est d’ailleurs ce déploiement qui aurait poussé Washington à franchir le pas.
Vers une escalade du conflit ?
Si le Kremlin n’a pas encore réagi officiellement, un député russe, Andreï Kartapolov, a tenté de minimiser la portée de cette annonce, affirmant qu’elle “ne changera en rien le cours de l’opération”. Pourtant, le président Vladimir Poutine avait par le passé mis en garde contre une telle décision, prévenant qu’elle signifierait que “les pays de l’OTAN sont en guerre contre la Russie”.
Côté ukrainien, le président Volodymyr Zelensky s’est montré prudent, se contentant de noter que ces armements “parleront d’eux-mêmes”. Kiev espère néanmoins que cela permettra de rééquilibrer les forces sur le terrain, alors que ses troupes sont en difficulté sur le front. Reste à savoir si d’autres alliés, comme le Royaume-Uni, suivront l’exemple américain malgré les risques d’escalade.
Quid de l’arrivée au pouvoir de Donald Trump ?
Cette décision survient aussi dans un contexte politique particulier aux États-Unis, avec le retour imminent de Donald Trump à la Maison Blanche. Très critique sur l’aide apportée à l’Ukraine durant sa campagne, le président élu a régulièrement affirmé pouvoir mettre fin à la guerre “en un jour”, sans pour autant détailler sa stratégie.
Le président sortant Joe Biden cherche donc à accélérer les livraisons d’armements et à mettre en place des mécanismes pour que les Européens prennent le relais, craignant un désengagement après le 20 janvier. L’Ukraine redoute de son côté un affaiblissement du soutien américain ou de se voir imposer un accord impliquant des concessions territoriales à la Russie.
Une décision aux multiples enjeux
Au-delà de l’évolution du rapport de force militaire, cette décision pourrait aussi avoir un impact sur d’éventuelles négociations. Comme l’analyse John Hardy, du cercle de réflexion Foundation for Defense of Democracies, “permettre à l’Ukraine de frapper des cibles de haute priorité à travers la Russie pourrait mettre Kiev en meilleure position en vue de potentielles négociations”, en poussant par exemple Moscou à accepter un moratoire sur les frappes visant les infrastructures énergétiques ukrainiennes.
Mais c’est aussi toute la dynamique internationale et le positionnement des différentes puissances qui pourraient être bousculés. La Chine a ainsi appelé à “encourager un apaisement de la situation aussi vite que possible”, tandis que le soutien britannique et polonais à la décision américaine laisse entrevoir des lignes de fracture au sein même du camp occidental. Avec l’équilibre du conflit, c’est aussi la stabilité mondiale qui pourrait être remise en jeu par ce changement de stratégie. Les prochaines semaines, et les premières décisions de Donald Trump sur ce dossier, seront donc cruciales pour l’avenir de l’Ukraine et des relations internationales.