Le 25 mai 1979, un petit garçon de six ans nommé Etan Patz quittait son immeuble de Soho, à Manhattan, pour la première fois seul. Il devait marcher deux pâtés de maisons jusqu’à l’arrêt de bus scolaire. Il n’est jamais arrivé.
Cette disparition a bouleversé l’Amérique entière et changé pour toujours la manière dont les parents surveillent leurs enfants. Quarante-six ans plus tard, l’affaire connaît un nouveau rebondissement spectaculaire.
Un troisième procès envisagé pour Pedro Hernandez
Mardi, le procureur de Manhattan a officiellement demandé la tenue d’un nouveau procès contre Pedro Hernandez, l’homme condamné en 2017 pour le meurtre d’Etan Patz. Un juge doit encore se pronorer, mais la justice américaine semble déterminée à ne pas classer ce dossier.
Pour comprendre l’ampleur de cette décision, il faut remonter très loin. Très loin dans le temps, et très loin dans la douleur d’une famille qui n’a jamais retrouvé le corps de son enfant.
Le jour où tout a basculé
Ce matin-là, Etan portait un bonnet de pilote et un sac à dos. Sa mère l’avait laissé partir seul, un grand pas pour ce petit garçon de six ans. C’était une première. Ce fut aussi la dernière.
Quand il n’est pas rentré de l’école, l’alerte a été donnée. Les recherches ont été massives. Le visage d’Etan s’est retrouvé placardé partout : sur les murs, dans les journaux, et surtout – innovation absolue à l’époque – sur les briques de lait à travers tout le pays.
Cette initiative a marqué les esprits. Pour la première fois, des millions d’Américains voyaient chaque matin au petit-déjeuner le portrait d’un enfant disparu. Le phénomène des « missing children » sur les emballages était né.
Une affaire qui a traumatisé une génération
Avant Etan Patz, laisser un enfant marcher seul jusqu’à l’école était courant. Après lui, plus jamais. Des parents entiers ont modifié leurs habitudes du jour au lendemain.
Un Centre national des enfants disparus a été créé aux États-Unis. Le 25 mai a été décrété Journée nationale des enfants disparus. Le prénom Etan est devenu synonyme de cauchemar parental.
Pendant trente-trois ans, aucune piste sérieuse. Puis, en 2012, un coup de théâtre.
Les aveux de Pedro Hernandez
Pedro Hernandez avait dix-huit ans en 1979. Il travaillait dans la petite épicerie située juste à côté de l’arrêt de bus où Etan attendait ce matin-là.
En 2012, il passe soudainement aux aveux lors d’une audition. Il raconte avoir attiré le petit garçon dans le sous-sol du magasin avec la promesse d’un soda, l’avoir étranglé, puis avoir placé le corps dans un sac poubelle avant de le jeter dans une benne à ordures.
« Je l’ai étranglé… Je l’ai mis dans un sac plastique, puis dans un carton, et je l’ai jeté »
P. Hernandez lors de sa confession filmée
Ces déclarations ont choqué le pays. Enfin un suspect. Enfin des aveux. Mais très vite, la défense contre-attaque.
Une défense centrée sur la santé mentale
Les avocats de Pedro Hernandez ont toujours soutenu que leurs client souffrait de troubles psychiatriques graves, notamment une personnalité schizoïde et un quotient intellectuel très bas.
Ils ont dénoncé des aveux extorqués après des heures d’interrogatoire, sans avocat présent au début, et affirmés que leur client vivait dans un monde de fantasmes et de hallucinations.
Le débat a été intense : ces aveux étaient-ils fiables ? Y avait-il d’autres preuves matérielles ? La réponse est non. Aucun ADN, aucun témoin direct, aucun corps. Seulement ces paroles.
Deux procès, deux issues différentes
Le premier procès, en 2015, s’est soldé par un jury incapable de se mettre d’accord. Douze jours de délibérations, puis annulation.
Le second, en 2017, a abouti à une condamnation : Pedro Hernandez a été reconnu coupable de meurtre au second degré et d’enlèvement. Peine : 25 ans de prison ferme.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là.
L’annulation surprise de juillet dernier
En juillet 2025, une cour d’appel a annulé purement et simplement la condamnation. Motif : le juge du procès de 2017 aurait mal expliqué aux jurés comment apprécier la valeur des aveux face aux troubles mentaux de l’accusé.
Un vice de procédure. Tout à refaire. Le parquet avait jusqu’au 1er décembre pour dire s’il souhaitait ou non un nouveau procès.
La réponse est tombée mardi : oui.
La position du parquet de Manhattan
Dans un courrier officiel, le procureur explique que « les preuves disponibles et recevables justifient de poursuivre le prévenu pour meurtre au second degré et enlèvement au premier degré ».
Autrement dit : malgré l’absence de corps et malgré les fragilités du dossier, l’accusation estime avoir suffisamment d’éléments pour aller au bout.
La confession filmée reste l’élément central. Même contestée, même issue d’un homme malade, elle pèse lourd.
La réaction immédiate de la défense
Les avocats de Pedro Hernandez n’ont pas tardé à réagir. Dans un communiqué, ils se disent « très déçus » et réaffirment leur conviction : leur client est innocent.
Pour eux, ce nouveau procès serait une injustice supplémentaire infligée à un homme vulnérable qui a déjà passé des années en prison sur la base d’aveux douteux.
Pedro Hernandez, aujourd’hui âgé de 64 ans, reste incarcéré en attendant la décision du juge.
Pourquoi cette affaire ne s’éteint jamais
Quarante-six ans après les faits, l’affaire continue de hanter les consciences. Parce qu’il n’y a pas de corps. Parce qu’il n’y a pas de preuve irréfutable. Parce que la famille d’Etan Patz, elle, a besoin d’une fin.
Stan Patz, le père d’Etan, décédé en 2023, n’a jamais cru à la culpabilité d’un autre suspect pourtant longtemps poursuivi, Jose Ramos. Il a toujours soutenu la piste Hernandez.
La mère, Julie Patz, vit encore avec cette absence. Chaque rebondissement ravive la plaie.
Un cas d’école en droit et en psychiatrie
Cette affaire est étudiée dans les facultés de droit américaines. Elle pose des questions fondamentales :
- Jusqu’où peut-on se fier à des aveux sans corroboration matérielle ?
- Quel poids accorder aux troubles mentaux dans l’appréciation de la culpabilité ?
- Comment un jury peut-il trancher quand la science psychiatrique elle-même est divisée ?
Des experts se sont affrontés pendant des semaines au tribunal : certains diagnostiquant un délire, d’autres estimant Hernandez parfaitement capable de dire la vérité.
Et maintenant ?
Un juge doit décider dans les prochaines semaines si un troisième procès aura lieu. Si oui, il pourrait débuter en 2026. Pedro Hernandez aura alors 65 ans.
Si le parquet abandonnait, Hernandez sortirait libre. Mais cela signifierait aussi que l’assassin d’Etan Patz, s’il existe encore, ne sera jamais jugé.
Entre justice et vérité, le dilemme est cruel.
Quarante-six ans après la disparition d’un petit garçon au bonnet de pilote, l’Amérique retient encore son souffle.
En résumé : Etan Patz a disparu le 25 mai 1979. Pedro Hernandez a avoué en 2012. Condamné en 2017, sa peine a été annulée en 2025. Le parquet veut un nouveau procès. L’affaire la plus emblématique de disparition d’enfant aux États-Unis n’a toujours pas livré son dernier chapitre.
Et vous, que pensez-vous de cette décision ? Un homme malade peut-il être tenu pour responsable d’aveux aussi précis ? La justice doit-elle aller jusqu’au bout, même quarante-six ans après ?
L’histoire d’Etan Patz nous rappelle que certaines blessures ne se referment jamais complètement.









