Une vive polémique secoue actuellement la ville de Nice, opposant le maire Christian Estrosi au préfet des Alpes-Maritimes Hugues Moutouh. Au cœur du litige : une imposante statue en bronze de Jeanne d’Arc, que la justice vient d’ordonner de démanteler pour non-respect des règles d’attribution des marchés publics. Une décision qui a fait bondir l’édile azuréen, déclenchant une passe d’armes verbale avec le représentant de l’État.
L’épopée mouvementée d’une statue à 170 000 euros
Tout commence en octobre dernier, lorsque la mairie de Nice inaugure en grande pompe une statue équestre de Jeanne d’Arc, réalisée par l’atelier Missor. Haute de 9 mètres et pesant près de 10 tonnes, l’œuvre en bronze doré à l’or fin aurait coûté pas moins de 170 000 euros à la collectivité. Mais très vite, le préfet Moutouh, réputé pour sa fermeté, s’interroge sur les conditions d’attribution de ce marché public d’envergure.
Selon une source proche du dossier, le haut fonctionnaire aurait constaté que le contrat avait été passé sans publicité ni mise en concurrence préalables, en violation du code des marchés publics. Une procédure jugée irrégulière, qui l’a conduit à saisir la justice administrative.
Le tribunal donne raison au préfet
Saisi de l’affaire, le tribunal administratif de Nice vient de trancher en faveur du préfet Moutouh, en annulant purement et simplement le contrat passé entre la mairie et l’atelier Missor. Les juges ont estimé que l’absence de publicité et de mise en concurrence constituait « un vice d’une particulière gravité », justifiant l’annulation du marché litigieux.
Conséquence directe de cette décision de justice : la statue de Jeanne d’Arc, à peine installée, va devoir être démantelée dans les plus brefs délais. Les 170 000 euros déboursés devront également être remboursés au prestataire, un véritable camouflet pour la mairie de Nice.
Christian Estrosi voit rouge
Mais c’était sans compter sur la réaction véhémente de Christian Estrosi. Dans un communiqué au vitriol, le maire de Nice s’en est violemment pris au préfet, l’accusant de « s’en prendre à la figure de Jeanne d’Arc » et aux « symboles de notre grand destin national ».
Quand la France peine à trouver son cap dans une période d’instabilité inédite, voilà que son représentant s’en prend à la figure de Jeanne d’Arc que nous avons souhaité incarner par l’installation de cette statue.
Christian Estrosi, maire de Nice
Furieux, l’ancien ministre a dénoncé « l’acharnement » du préfet à son encontre, y voyant une forme de règlement de comptes personnel. Il a également appelé à une « souscription populaire » pour « sauver la statue de Jeanne d’Arc », dans un geste de défi à l’égard de la décision de justice.
Enquête pour favoritisme
Mais les ennuis ne s’arrêtent pas là pour la mairie de Nice. En parallèle de la bataille judiciaire sur le marché public, le parquet national financier a ouvert une enquête préliminaire pour des soupçons de favoritisme dans l’attribution du contrat à l’atelier Missor.
Les enquêteurs cherchent à déterminer si des liens privilégiés entre la municipalité et ce collectif d’artistes engagés ont pu influencer le choix du prestataire, au détriment d’autres candidats potentiels. Une épée de Damoclès supplémentaire pour Christian Estrosi, qui continue néanmoins de clamer sa bonne foi.
Nice, un champ de bataille politique
Au-delà du sort de la statue, c’est bien la rivalité exacerbée entre le maire de Nice et le préfet des Alpes-Maritimes qui s’invite une nouvelle fois sur le devant de la scène. Depuis son arrivée en octobre 2023, Hugues Moutouh, haut-fonctionnaire réputé intransigeant, a multiplié les passes d’armes avec Christian Estrosi.
Depuis 1860, ce ne sont plus les lois du Comté de Nice qui s’appliquent mais celles de la République française.
Un proche du préfet Moutouh
Des désaccords sur la sécurité aux frictions concernant l’application des lois républicaines, les conflits se sont multipliés entre les deux hommes, sur fond de positionnements politiques antagonistes. L’affaire de la statue de Jeanne d’Arc apparaît ainsi comme un nouvel épisode d’une guerre d’usure, dont Nice est devenue malgré elle le champ de bataille.
Quel avenir pour le bronze de Jeanne ?
Reste à savoir quel sort sera réservé à la fameuse statue de bronze, une fois démantelée. Si Christian Estrosi entend bien la « sauver » grâce à une souscription populaire, rien ne garantit qu’elle puisse un jour trôner à nouveau sur le parvis de l’église niçoise qui porte son nom.
Une chose est sûre : dans cette bataille politico-judiciaire où s’entrechoquent les symboles et les ego, c’est un peu de l’âme de Nice qui se joue. Loin des querelles de clocher, les Niçois attendent avant tout de leurs élus qu’ils se consacrent aux vrais défis du territoire. Avec ou sans statue.