À Moscou, remplir son réservoir devient une épreuve pour le portefeuille. Les prix de l’essence grimpent, les files d’attente s’allongent dans certaines régions, et l’inquiétude grandit. Cette hausse des carburants, dans un pays où l’énergie bon marché était une fierté, secoue les habitudes des Russes. Quelles sont les raisons de cette crise ? Entre frappes ukrainiennes sur les raffineries, forte demande et pressions économiques, la situation énergétique en Russie révèle des tensions profondes.
Une Hausse des Prix qui Frappe les Russes
Depuis le début de l’année, les Russes constatent une augmentation constante des prix à la pompe. Selon les données officielles, le coût de l’essence au détail a bondi de 6,7 % entre fin 2024 et septembre 2025. À Moscou, un litre de sans-plomb 95 dépasse désormais les 66 roubles, soit environ 0,67 euro. Si ce tarif reste inférieur à ceux pratiqués en Europe, il choque dans un pays où les revenus moyens sont plus faibles et où l’énergie abordable est une constante historique.
Dans les régions reculées, comme l’Extrême-Orient ou la Crimée, la situation est encore plus tendue. Des vidéos circulent sur les réseaux sociaux, montrant des automobilistes patientant dans de longues files pour obtenir du carburant, parfois en vain. Ces images témoignent d’une réalité nouvelle : la Russie, l’un des plus grands producteurs de pétrole au monde, fait face à des pénuries localisées.
« Tout le monde l’a remarqué, les prix augmentent doucement mais sûrement », déplore Oleg, un retraité moscovite de 62 ans.
Les Frappes Ukrainiennes : un Coup Dur pour les Raffineries
Un facteur clé de cette crise réside dans les attaques répétées de l’Ukraine contre les infrastructures pétrolières russes. Depuis le début du conflit en 2022, Kiev a intensifié ses frappes sur les raffineries et les dépôts de carburant, visant à affaiblir l’économie russe, fortement dépendante du secteur énergétique. Ces attaques ont visé des installations stratégiques, notamment dans les régions de Samara, Riazan, Volgograd et Rostov.
À la mi-août, une frappe a endommagé la raffinerie de Syzran, située à plus de 800 km de la frontière ukrainienne. Présentée comme l’une des plus importantes du géant pétrolier Rosneft, cette installation a vu sa capacité de production compromise. Selon des analystes, ces attaques ont réduit la production de carburant de près de 10 % depuis janvier 2025, un choc pour un pays qui se targue de son autosuffisance énergétique.
Impact des frappes : Les attaques ukrainiennes ciblent des raffineries clés, perturbant la production et la distribution de carburant dans plusieurs régions.
Une Demande en Hausse, des Subventions en Baisse
Outre les frappes, la hausse des prix s’explique par une conjonction de facteurs internes. La demande en carburant a explosé, portée par les départs en vacances estivales et l’utilisation intensive de machines agricoles. Cette pression saisonnière a mis à rude épreuve les capacités de production déjà fragilisées.
Par ailleurs, les compagnies pétrolières russes font face à des contraintes financières. Depuis janvier 2025, le gouvernement a réduit les subventions accordées aux producteurs, tout en augmentant les droits d’accise de 16 %. Moins rentables, les entreprises répercutent ces coûts sur les consommateurs, faisant grimper les prix à la pompe.
« Plus les subventions sont faibles, plus les pétroliers répercutent leurs pertes sur les prix », explique Sergueï Teriochkine, expert en énergie.
Pour les Russes, chaque plein devient plus coûteux. « 300 à 400 roubles de plus par plein, ça commence à peser », confie Artiom, un habitant de Moscou. Cette hausse, bien que modeste en comparaison internationale, affecte le pouvoir d’achat dans un contexte d’inflation galopante, mesurée à 8,14 % en août 2025.
Pénuries et Files d’Attente : une Crise Régionale
Si Moscou échappe pour l’instant aux pénuries, d’autres régions sont moins chanceuses. Dans le sud du pays, près de l’Ukraine, et en Crimée, les stations-service peinent à répondre à la demande. Des interruptions d’approvisionnement ont été signalées dans plus de dix régions, un phénomène rare pour un géant pétrolier comme la Russie.
Les réseaux sociaux amplifient ces tensions, avec des vidéos montrant des automobilistes exaspérés. Ces images contrastent avec l’image de stabilité énergétique que le Kremlin souhaite projeter. Pourtant, la réalité est là : même un producteur majeur comme la Russie peut vaciller face à des perturbations ciblées.
- Régions touchées : Extrême-Orient, Crimée, sud de la Russie.
- Causes principales : Frappes ukrainiennes, forte demande, baisse des subventions.
- Conséquences : Pénuries localisées et hausse des prix.
Sanctions Occidentales et Pressions Économiques
La crise énergétique s’inscrit dans un contexte plus large de pressions économiques. Les sanctions occidentales, visant à limiter les exportations pétrolières russes, pèsent lourdement sur les revenus de l’État. Ces restrictions, soutenues par l’Union européenne, alliée clé de l’Ukraine, cherchent à asphyxier le financement du conflit.
Pour compenser, Moscou a prolongé jusqu’à fin octobre une interdiction d’exporter de l’essence, une mesure visant à sécuriser l’approvisionnement intérieur. Cependant, cette décision ne résout pas les problèmes structurels : les raffineries endommagées peinent à suivre, et la production reste en berne.
Facteur | Impact |
---|---|
Frappes ukrainiennes | Réduction de la production de carburant |
Hausse des accises | Augmentation des prix à la pompe |
Sanctions occidentales | Pression sur les exportations pétrolières |
Une Résilience en Question
Face à cette crise, les réactions des Russes varient. Certains, comme Alexandre, un homme d’affaires moscovite, minimisent l’impact des frappes : « Une frappe, deux frappes, ça ne change rien au marché. » D’autres, comme Vladimir, y voient une stratégie de l’État pour renflouer ses caisses : « L’augmentation des prix, c’est une façon de faire rentrer de l’argent. »
Ces divergences reflètent une société confrontée à des défis inédits. La Russie, habituée à sa puissance énergétique, doit désormais jongler avec des infrastructures fragilisées, une demande croissante et des pressions internationales. La crise actuelle pourrait-elle marquer un tournant pour l’économie russe ?
En attendant, les Russes continuent de faire le plein, souvent à contrecœur. La hausse des prix, bien que progressive, érode leur pouvoir d’achat et alimente un mécontentement discret mais palpable. Si la situation perdure, elle pourrait avoir des répercussions sociales et économiques plus larges, dans un pays déjà sous tension.
Perspectives : La crise énergétique pourrait accentuer les tensions économiques et sociales en Russie, dans un contexte de conflit prolongé.
La Russie, malgré sa puissance pétrolière, traverse une période d’incertitude. Les frappes ukrainiennes, combinées à des facteurs internes comme la hausse des taxes et la baisse des subventions, révèlent les fragilités d’un système énergétique sous pression. À court terme, les mesures comme l’interdiction d’exportation d’essence tentent de stabiliser la situation, mais les défis structurels persistent.
Pour les Russes, la hausse des prix à la pompe n’est pas qu’une question économique : elle touche à leur quotidien, à leur perception de la stabilité de leur pays. Alors que le conflit avec l’Ukraine s’intensifie, l’avenir de l’énergie russe reste incertain. Une chose est sûre : les files d’attente et les portefeuilles allégés ne font que commencer à raconter cette histoire.