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Espionnage Russe en Allemagne : Un Complot d’Assassinat Déjoué

Francfort, juin 2024. Trois hommes attirent un ancien soldat ukrainien dans un café pour « discuter ». Il sent le piège, alerte la police… et les agents russes tombent dans leurs propres filets. Ce qui allait suivre aurait pu être un assassinat. Le procès commence aujourd’hui…

Imaginez-vous attablé dans un café du centre de Francfort, un jour ordinaire de juin. Vous avez rendez-vous avec des connaissances récentes. Mais quelque chose cloche. Votre instinct vous hurle de fuir. Vous prévenez discrètement la police… et quelques minutes plus tard, trois hommes se retrouvent menottés. Ce n’est pas le scénario d’un film d’espionnage. C’est exactement ce qui s’est passé en 2024.

Un procès très attendu s’ouvre à Francfort

Ce mardi matin, à 10 heures précises, trois hommes vont comparaitre devant le tribunal régional de Francfort. Un Russe, un Ukrainien et un Arménien. Leur point commun ? Avoir, selon le parquet fédéral allemand, travaillé pour les services secrets russes avec un objectif clair : surveiller, puis très probablement éliminer un ancien combattant ukrainien réfugié en Allemagne.

Le procès doit durer jusqu’au 26 mars 2026, soit plus de trois mois d’audiences. Une durée exceptionnelle qui témoigne de la gravité des faits reprochés.

Qui sont les trois accusés ?

Le parquet désigne Vardges I., ressortissant arménien, comme le recruteur principal. C’est lui qui, début mai 2024, aurait reçu l’ordre direct des services russes de localiser et de surveiller l’ex-soldat ukrainien. Cet homme avait combattu contre les forces russes dès février 2022 et vivait depuis en Allemagne.

Pour exécuter la mission, Vardges I. aurait enrôlé deux complices :

  • Robert A., citoyen ukrainien
  • Arman S., citoyen russe

Les trois hommes sont en détention provisoire depuis leur arrestation, le 19 juin 2024. Cela fait déjà plus d’un an et demi derrière les barreaux en attente de jugement.

Le piège du café qui a tout fait basculer

Le 19 juin 2024, les trois suspects organisent une rencontre « sous un faux prétexte » dans un café du centre de Francfort. Objectif officiel : discuter. Objectif réel, selon le parquet : recueillir un maximum d’informations personnelles sur la cible, vérifier ses habitudes, ses trajets… et préparer la suite des opérations.

Mais l’ancien soldat sent le danger. Il contacte immédiatement les autorités allemandes. La police prend l’affaire très au sérieux et met en place une souricière. Quand les trois hommes pensent tendre un piège, ce sont eux qui tombent dedans. Arrestation immédiate, perquisitions, saisie de téléphones et d’ordinateurs.

« La rencontre aurait probablement servi à préparer d’autres opérations des services secrets en Allemagne, pouvant aller jusqu’à l’assassinat de la personne visée »

Parquet fédéral allemand

Une guerre hybride qui ne désarme pas

Depuis le début de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine en février 2022, l’Allemagne est devenue la cible privilégiée de ce que les experts appellent la guerre hybride menée par Moscou : espionnage, sabotage, campagnes de désinformation, intimidations, et maintenant tentatives d’assassinat sur le sol européen.

Berlin héberge aujourd’hui près d’un million de réfugiés ukrainiens. Parmi eux, d’anciens combattants, des volontaires, parfois des figures connues du conflit. Tous représentent des cibles potentielles pour le Kremlin.

D’autres affaires récentes qui font froid dans le dos

Cette affaire n’est malheureusement pas isolée. Voici quelques exemples marquants de ces dernières années :

  1. Octobre 2025 – Munich
    Un Germano-Russe condamné à six ans de prison ferme pour avoir transmis des informations sensibles en vue de sabotages sur le sol allemand.
  2. Depuis 2023 – Berlin
    Un ancien agent du BND (services secrets allemands) jugé pour haute trahison après avoir vendu des documents classifiés au FSB.
  3. Mai 2025
    Arrestation de trois Ukrainiens soupçonnés de préparer des sabotages ferroviaires pour le compte de la Russie.
  4. Août 2019 – Tiergarten, Berlin
    Assassinat en plein jour d’un ex-combattant tchétchène. L’auteur, Vadim Krassikov, reconnu en 2024 comme agent du FSB, libéré en 2024 lors du grand échange de prisonniers.

Ces dossiers dessinent une carte inquiétante : la Russie semble prête à tout pour intimider ou éliminer ses opposants, même à l’étranger.

Pourquoi l’Allemagne est-elle autant visée ?

Plusieurs raisons convergent :

  • Premier soutien militaire européen à Kiev (plus de 28 milliards d’euros d’aide depuis 2022)
  • Présence massive de réfugiés ukrainiens, dont certains ont un passé militaire
  • Position centrale en Europe et rôle clé dans l’OTAN
  • Passif historique avec la Russie et forte communauté russophone

Tous ces éléments font de l’Allemagne un terrain de jeu idéal pour les opérations clandestines russes.

Que risque le trio de Francfort ?

Les chefs d’accusation sont lourds :

  • Activité pour un service de renseignement étranger
  • Préparation d’un crime particulièrement grave
  • Association de malfaiteurs

Dans les cas similaires récents, les peines vont de plusieurs années avec sursis à plus de six ans de prison ferme. Vu la tentative d’assassinat présumée, les juges pourraient se montrer particulièrement sévères.

Un avertissement pour toute l’Europe

Ce procès dépasse largement le cadre allemand. Il rappelle à tous les pays européens accueillant des réfugiés ukrainiens que la menace est réelle. Les services russes n’hésitent plus à franchir la ligne rouge de l’assassinat politique sur le sol de l’Union européenne.

Les autorités allemandes l’ont bien compris : la vigilance est totale. Les unités antiterroristes et de contre-espionnage tournent à plein régime. Et chaque nouveau dossier renforce la coopération entre services européens.

Ce qui s’est passé dans ce café de Francfort aurait pu tourner au drame. Grâce à la méfiance d’un homme et à la réactivité de la police, une tragédie a été évitée.

Mais combien de tentatives passent sous les radars ?

Le procès qui s’ouvre ce mardi va nous en dire beaucoup plus sur l’ampleur des réseaux russes en Europe. Et peut-être nous rappeler que la guerre en Ukraine ne se limite plus à ses frontières.

Elle s’est déjà installée, discrètement, dans nos villes.

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