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Espagne : Nouveau Budget 2026 Rejeté, Crise Politique Explosive

L’Espagne vient de rejeter, pour la deuxième fois en deux semaines, le budget pluriannuel du gouvernement Sánchez. Résultat : les comptes de 2023 seront prorogés en 2026… pour la troisième année consécutive. Comment en est-on arrivé là, et surtout, jusqu’où cette paralysie peut-elle aller ?

Imaginez un pays qui, en pleine reprise économique, se retrouve incapable de voter son propre budget depuis trois ans. Ce n’est pas un scénario de fiction politique : c’est l’Espagne, en ce mois de décembre 2025.

Jeudi, les députés espagnols ont, une nouvelle fois, dit non au cadre budgétaire 2026-2028 présenté par le gouvernement de Pedro Sánchez. Un rejet net : 177 voix contre, 166 pour, 5 abstentions. La porte d’un budget neuf au 1er janvier est désormais fermée.

Un échec qui n’a rien de surprenant… mais tout de dramatique

Depuis la rupture avec Junts per Catalunya fin octobre, le gouvernement socialiste n’a plus de majorité stable au Congrès. Le texte budgétaire, pourtant ambitieux – baisse du déficit à 2,1 % du PIB et croissance attendue à 2,2 % en 2026 –, n’a jamais eu la moindre chance.

L’opposition de droite (Parti Populaire) et d’extrême droite (Vox) a voté contre par réflexe. Mais le coup fatal est venu, comme prévu, des sept députés de Junts, l’ancien allié catalan passé dans l’opposition après l’échec des négociations sur l’amnistie et le transfert de compétences.

Leur départ de la coalition hétéroclite au pouvoir depuis 2022 rend presque impossible tout vote de projet de loi.

Trois années consécutives avec le même budget : une première dans l’Espagne démocratique

La Constitution espagnole le permet : en l’absence d’accord, les comptes de l’année précédente sont automatiquement prorogés. Ainsi, le 1er janvier 2026, l’Espagne fonctionnera toujours avec le budget… de 2023.

C’est la troisième prolongation d’affilée. Un record qui illustre parfaitement la fragmentation extrême du paysage politique espagnol depuis 2019.

Chronologie express de la paralysie budgétaire

  • 2023 → Budget voté (dernier budget neuf)
  • 2024 → Prorogation automatique
  • 2025 → Nouvelle prorogation
  • 2026 → Troisième année avec les comptes de 2023

Une économie qui tourne… malgré tout

Paradoxalement, l’Espagne affiche une santé économique insolente. La croissance a atteint 3,5 % en 2024 et le gouvernement table désormais sur 2,9 % en 2025 – plus du double de la moyenne de la zone euro.

Le chômage continue de baisser, le tourisme explose, les exportations tiennent bon. Mais cette croissance repose largement sur l’inertie et sur les fonds européens NextGenerationEU, pas sur de nouvelles politiques publiques ambitieuses.

Le manque de budget neuf prive le gouvernement de marge de manœuvre pour :

  • Lancer de grands programmes sociaux
  • Réformer en profondeur les retraites
  • Investir massivement dans le logement ou la transition énergétique
  • Répondre aux demandes des régions (Catalogne, Pays basque)

Junts, l’arbitre devenu bourreau

Début décembre, Pedro Sánchez avait pourtant tenté le tout pour le tout : annonces sur le transfert de compétences, gestes sur la langue catalane, promesses budgétaires spécifiques. Rien n’y a fait.

Carles Puigdemont et son parti exigent l’amnistie totale et, surtout, un référendum d’autodétermination reconnu. Des lignes rouges insurmontables pour le PSOE et pour une large partie de l’opinion espagnole.

Résultat : Junts vote systématiquement contre tout texte gouvernemental, transformant ses sept députés en arme de destruction massive de la législature.

Et maintenant ? Trois scénarios possibles

Le gouvernement assure qu’il représentera le texte budgétaire début 2026. Mais sans changement politique majeur, le résultat sera identique.

Scénario Probabilité Conséquences
1. Nouveau rejet → prorogation 2026 Très élevée Statu quo, usure du gouvernement
2. Accord in extremis avec PNV ou petits partis Faible Budget light, survie jusqu’à 2027
3. Élections anticipées (printemps 2026) En hausse Changement possible de majorité

Une démocratie bloquée, pas brisée

L’Espagne n’est pas en faillite. Les salaires des fonctionnaires seront payés, les retraites versées, les services publics assurés. La prorogation budgétaire garantit la continuité de l’État.

Mais cette situation prolongée ronge la crédibilité du système. Les citoyens assistent, impuissants, à un spectacle de division permanente. Les investisseurs surveillent. Les régions autonomes s’agacent de ne pouvoir lancer leurs propres projets.

Et pendant ce temps, la dette publique continue sa route, le déficit se réduit mécaniquement grâce à la croissance, mais sans véritable pilotage politique.

Conclusion : vers une sortie de crise en 2026 ?

L’histoire récente montre que l’Espagne sait rebondir après les crises. Mais jamais elle n’avait connu une telle paralysie budgétaire sur une période aussi longue.

2026 sera décisive. Soit Pedro Sánchez parvient à un accord miracle, soit la pression populaire et économique forcera la tenue d’élections anticipées. Dans les deux cas, l’Espagne a prouvé par le passé qu’elle savait sortir renforcée des tempêtes politiques.

Mais pour l’instant, le pays avance avec un budget vieux de trois ans. Symbole d’une démocratie vivante, bruyante… et totalement bloquée.

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