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Espagne : Interdiction D’Achat De Logements Par Des Investisseurs Non-Européens

L'Espagne veut interdire l'achat de logements aux investisseurs non-européens pour endiguer la crise du logement. Une mesure choc qui suscite le débat. Quelles conséquences pour le marché immobilier espagnol ? Décryptage.

Face à une crise du logement qui s’intensifie, le gouvernement espagnol envisage une mesure radicale : interdire purement et simplement l’achat de logements par des investisseurs non-européens sur le territoire national. Une annonce choc qui suscite de vifs débats dans le pays.

L’Espagne en proie à une grave crise du logement

Comme de nombreux pays européens, l’Espagne est confrontée depuis plusieurs années à une pénurie de logements abordables et à une flambée des prix de l’immobilier, en particulier dans les grandes villes et les zones touristiques. Une situation qui pénalise lourdement les ménages espagnols, de plus en plus nombreux à éprouver des difficultés à se loger décemment à des prix raisonnables.

Déjà en mai 2023, le gouvernement de Pedro Sánchez avait fait voter une loi sur le logement visant à augmenter la construction de logements sociaux, encadrer les loyers dans les zones tendues et sanctionner les propriétaires laissant leurs biens vacants. Mais ces mesures n’ont pas suffi à inverser la tendance, les loyers ayant encore bondi de 11% en 2022 selon le portail immobilier Idealista.

Le rôle des investisseurs étrangers pointé du doigt

Pour le Premier ministre socialiste, les investisseurs non-européens portent une lourde responsabilité dans cette crise en alimentant la spéculation immobilière. Selon lui, pas moins de 27 000 logements auraient été acquis par des non-résidents hors UE sur la seule année 2023, dans le seul but de réaliser des plus-values.

Nous allons proposer d’interdire aux étrangers non-communautaires qui ne résident pas (en Espagne), ni eux, ni leurs familles, d’acheter (des logements) dans notre pays car ils ne font que spéculer avec ces logements.

Pedro Sánchez, Premier ministre espagnol

Une situation jugée inacceptable par l’exécutif, qui entend bien reprendre la main sur ce marché immobilier sous tension.

S’inspirer du Canada et du Danemark

Pour justifier cette interdiction, Pedro Sánchez invoque les exemples du Canada, où le gouvernement a interdit l’achat de logements par des étrangers non-résidents, et du Danemark, où il est quasiment impossible pour un non-résident étranger d’acquérir un bien.

Des précédents qui montrent qu’une telle mesure, aussi radicale puisse-t-elle paraître, n’a rien d’une hérésie dans un contexte de crise aiguë du logement. Reste à savoir si le parlement espagnol, où le gouvernement est minoritaire, lui emboîtera le pas.

Un débat qui ne fait que commencer

On peut déjà s’attendre à une levée de boucliers de la part du secteur immobilier et de l’opposition de droite, qui dénoncent une mesure « anti-business » risquant de dégrader l’attractivité de l’Espagne et de priver le pays d’investissements dont il a cruellement besoin dans un contexte économique délicat.

Mais pour les défenseurs de cette interdiction, c’est au contraire le seul moyen de remettre le marché immobilier espagnol sur de bons rails en donnant la priorité aux résidents et en cassant la spirale spéculative. Un avis que semblent partager de plus en plus de citoyens excédés par cette crise du logement qui n’en finit plus.

Quelle efficacité pour une telle mesure ?

Au-delà des arguments idéologiques, la vraie question est de savoir si une telle interdiction permettra réellement de résoudre la crise immobilière qui frappe l’Espagne. Certes, en privant le marché d’une partie de la demande, elle pourrait théoriquement contribuer à faire baisser les prix.

Mais d’aucuns craignent un effet pervers, à savoir un report de la demande sur le marché locatif, déjà saturé, qui pourrait entraîner une nouvelle flambée des loyers. Sans compter que rien n’empêcherait les investisseurs étrangers de continuer à opérer via des prête-noms européens.

Enfin, cette mesure ne réglera en rien le déficit structurel de logements dont souffre le pays. Seule une politique ambitieuse et pérenne de construction, notamment de logements sociaux et intermédiaires, semble à même d’apporter une réponse durable à ce défi.

La proposition du gouvernement Sanchez a donc le mérite de poser le débat, mais elle est loin d’épuiser le sujet. C’est toute la politique du logement espagnole qui doit être repensée si l’on veut éviter que cette crise ne devienne hors de contrôle dans les années à venir.

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