Derrière son épaisse couverture cartonnée aux couleurs acidulées se cache l’une des héroïnes de BD les plus marquantes de ces dernières années. Ernestine, 9 ans, n’a rien d’une fillette ordinaire. Aussi précoce qu’insolente, cette rouquine au regard noir porte un regard décapant sur notre société. Bienvenue dans son univers aussi drôle que dérangeant.
Un personnage fort qui bouscule les codes
Dès les premières pages, le ton est donné. Ernestine, mégot au bec, crache au visage d’une gamine et lui fait un superbe doigt d’honneur. On est loin des BD jeunesse traditionnelles. Pourtant, malgré son air revêche, impossible de ne pas s’attacher à cette morveuse surdouée qui cite Sartre, joue au poker en ligne et écrit de sombres poèmes.
Derrière ses airs de peste se cache en réalité une enfant en souffrance, à la recherche de repères dans un monde qu’elle ne comprend pas toujours. Son humour grinçant et ses remarques assassines sont autant d’appels à l’aide d’une gamine bien trop mature pour son âge.
Une famille loin d’être parfaite
Autour d’Ernestine gravite une galerie de personnages tous plus ou moins paumés. Sa mère, Louise, tente tant bien que mal de gérer sa fille surdouée entre deux verres de vin blanc. Une tâche peu aisée quand son mari Hervé, artiste-peintre raté, estime qu’“on ne peut pas être à la fois un bon père et un grand artiste”.
Maman a besoin de pleurer en buvant du vin blanc.
– La mère d’Ernestine
Le petit frère, Adrien, fait pâle figure à côté de sa sœur. Pas toujours très futé, il sert souvent de faire-valoir aux remarques cinglantes d’Ernestine. Des scènes de vie familiale qui ne manqueront pas de faire sourire, voire franchement rire, le lecteur.
Des histoires courtes mais percutantes
L’album se compose d’une vingtaine d’histoires indépendantes de quelques planches chacune. Des tranches de vie qui suivent toujours le même schéma :
- Une image d’introduction pour planter le décor
- Des péripéties loufoques et décalées
- Une chute bien sentie, souvent hilarante
Un format court qui permet à l’autrice Salomé Lahoche de dynamiser son récit et de multiplier les vannes et situations absurdes. Chaque épisode apporte son lot de nouveaux gags en repoussant toujours plus loin les limites de l’humour noir et de la satire sociale. On rit souvent jaune, tout en s’attachant aux personnages.
Une œuvre inclassable à l’humour ravageur
Véritable OVNI dans le paysage de la bande dessinée franco-belge, Ernestine séduit par son style graphique attachant, ses couleurs acidulées et son humour corrosif. Cette chronique familiale trash, portée par une héroïne inoubliable, marquera durablement les esprits.
Un premier album réussi pour Salomé Lahoche, qui confirme tout le potentiel entrevu dans ses précédents projets. Espérons que les aventures de cette attachante pestouille connaîtront une suite. Ernestine a encore tant de choses à nous dire sur notre monde et ses travers !