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Erdogan affirme que la Turquie ne cherche pas à annexer les territoires syriens

Erdogan affirme que la Turquie ne cherche pas à s'emparer des territoires syriens mais à protéger ses frontières contre le terrorisme. Il appelle à préserver l'intégrité de la Syrie et annonce la réouverture d'un poste-frontière pour le retour des réfugiés. Que révèle cette nouvelle position turque ?

Dans une allocution faisant suite à une réunion de son cabinet lundi, le président turc Recep Tayyip Erdogan a tenu à clarifier la position de son pays concernant la Syrie. Il a déclaré sans ambiguïté que la Turquie n’avait aucune visée expansionniste sur les terres ou la souveraineté de son voisin du sud.

Erdogan a justifié les opérations militaires transfrontalières menées par Ankara comme étant guidées par un seul objectif : protéger le territoire et les citoyens turcs contre les attaques terroristes. Il a insisté sur le fait que l’intégrité territoriale de la Syrie devait « absolument être préservée ».

Une Syrie stable et plurielle, le « plus grand rêve » d’Ankara

Évoquant sa vision pour l’avenir de la Syrie, le président turc a affirmé que le « plus grand désir, rêve et objectif de la Turquie » était de voir émerger « une Syrie où tous les Syriens vivent en paix », quelles que soient leurs appartenances ethniques ou religieuses, qu’ils soient « arabes, turkmènes, kurdes, sunnites, alaouites, druzes ou chrétiens ».

Cette déclaration semble marquer un infléchissement dans la position turque vis-à-vis de la Syrie. Après des années d’hostilité ouverte à l’égard du régime de Bachar al-Assad et de soutien à des groupes rebelles, dont certains islamistes, Ankara semble désormais privilégier une approche plus pragmatique visant à stabiliser son voisin du sud.

Réouverture d’un poste-frontière pour le retour des réfugiés

Signe de cette évolution, Erdogan a annoncé la réouverture du poste-frontière de Yayladagi, dans la province de Hatay, fermé depuis 2013, afin de « faciliter la circulation » et « éviter les embouteillages » alors que de nombreux réfugiés syriens se pressent pour rentrer dans leur pays.

Je crois que le vent fort du changement qui souffle sur la Syrie sera bénéfique pour tous les Syriens, en particulier pour les réfugiés.

Recep Tayyip Erdogan, président turc

Accueillant actuellement 2,9 millions de réfugiés syriens, la Turquie espère ainsi favoriser un mouvement de retour au pays, alors que la situation sécuritaire s’améliore progressivement en Syrie. Le dirigeant turc n’hésite pas à parler du « désir des Syriens de retrouver leur patrie depuis 13 ans ».

Une crise migratoire qui pèse sur la Turquie

Rappelant que son pays a accueilli jusqu’à 4,5 millions de réfugiés au plus fort de la crise, Erdogan a souligné que la Turquie avait agi « non pas en se plaignant, mais en respectant [ses] convictions et [son] bon voisinage ».

Néanmoins, cette générosité n’a pas été sans conséquence pour la société turque. L’afflux massif de réfugiés a engendré des tensions sociales, exacerbées par les difficultés économiques auxquelles le pays est confronté. L’opposition accuse régulièrement le gouvernement d’avoir mené une politique migratoire trop laxiste.

La Turquie, un acteur clé dans le conflit syrien

Depuis le début du conflit syrien en 2011, la Turquie a été un acteur majeur, tant sur le plan militaire que diplomatique. Sa longue frontière avec la Syrie (près de 900 km) en fait un pays directement concerné par les évolutions de la situation.

Ankara est intervenu à plusieurs reprises en territoire syrien pour combattre les milices kurdes des Unités de protection du peuple (YPG), qu’elle considère comme une extension du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), organisation classée terroriste par la Turquie et ses alliés occidentaux.

En parallèle, la Turquie a joué un rôle clé dans les négociations internationales visant à trouver une issue politique au conflit, que ce soit dans le cadre du processus d’Astana, aux côtés de la Russie et de l’Iran, ou dans celui du Comité constitutionnel syrien sous l’égide de l’ONU à Genève.

Vers une normalisation des relations avec Damas ?

Les déclarations d’Erdogan interviennent dans un contexte de rapprochement timide entre Ankara et Damas. Selon certaines sources, des contacts indirects auraient eu lieu récemment entre responsables turcs et syriens, laissant entrevoir un possible dégel des relations.

Si une normalisation complète paraît encore lointaine, étant donné l’hostilité persistante d’Erdogan envers Assad, des coopérations ponctuelles pourraient voir le jour, notamment dans la lutte contre les groupes terroristes ou la gestion des réfugiés et de la frontière commune.

L’avenir de la Syrie en jeu

La position d’Erdogan sur l’intégrité territoriale de la Syrie et la nécessité d’une solution politique inclusive est à mettre en perspective avec la réalité du terrain, où le régime de Damas contrôle désormais près des deux tiers du territoire.

Malgré les déclarations du dirigeant turc, la marge de manœuvre de la Turquie pour peser sur l’avenir de la Syrie apparaît réduite. Ankara doit composer avec les intérêts de Moscou et Téhéran, principaux soutiens de Damas, tout en ménageant ses alliés occidentaux.

En définitive, le discours d’Erdogan semble marquer une inflexion pragmatique de la position turque, dictée par la nouvelle donne syrienne et les impératifs de politique intérieure liés à la question des réfugiés. L’objectif affiché d’une Syrie plurielle et stable reste cependant un horizon lointain au vu des profondes fractures issues de plus d’une décennie de guerre.

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