Le nouveau réacteur nucléaire EPR de Flamanville, dans la Manche, suscite des inquiétudes malgré sa mise en service début mai. En effet, l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) vient de révéler qu’une cinquantaine d' »événements significatifs pour la sûreté » ont déjà été enregistrés depuis le démarrage de ce réacteur dernier cri.
Si l’ASNR se veut rassurante sur la nature de ces anomalies, classées aux niveaux 0 et 1 sur une échelle de gravité qui en compte 7, leur nombre interpelle. Près de 50 événements en seulement quelques mois d’exploitation, cela peut sembler préoccupant pour le grand public.
Des anomalies attendues pour un réacteur en démarrage ?
Julien Collet, directeur général adjoint de l’ASNR, relativise la situation. Selon lui, il est logique qu’un réacteur en phase de démarrage connaisse plus d’événements significatifs que des installations en fonctionnement depuis longtemps. Les équipes doivent encore s’approprier ce nouvel outil et monter en compétence.
Globalement, ce qu’on voit, c’est beaucoup d’événements liés à un facteur humain, à des difficultés de coordination des équipes de préparation des essais.
Julien Collet, directeur général adjoint de l’ASNR
Fin 2024, ce sont ainsi 49 événements qui avaient été signalés, dont 34 de niveau 0 et 15 de niveau 1 sur l’échelle INES. Rien de bien méchant donc selon l’autorité de sûreté pour ce réacteur à eau pressurisée nouvelle génération.
Le prix de l’apprentissage pour maîtriser cette technologie de pointe ?
On peut effectivement considérer que ces anomalies font partie du processus normal de prise en main d’une telle installation. Les essais et la montée en puissance progressive permettent justement d’identifier et de corriger les problèmes avant une exploitation à plein régime.
Il n’empêche que cette cinquantaine d’événements questionne sur la fiabilité de cet EPR tant attendu. Après des années de retard et un coût pharaonique, on aurait pu espérer un démarrage sans accroc pour ce fleuron de la technologie nucléaire française.
Les leçons à tirer pour les futurs EPR
Au-delà de Flamanville, c’est tout le programme EPR français qui est scruté de près. D’autres réacteurs de ce type sont prévus, notamment à Penly en Seine-Maritime. Il faudra tirer les enseignements de cette première mise en service pour optimiser les suivantes.
Une attention particulière devra être portée à la formation et la coordination des équipes, identifiées comme sources principales des anomalies actuelles. La simplification de certains systèmes pourrait aussi être envisagée pour faciliter l’exploitation.
Enfin, une communication transparente sur ces événements sera essentielle pour maintenir la confiance du public envers cette énergie. Le nucléaire reste un sujet sensible et chaque incident, même mineur, ne manque pas de susciter des inquiétudes.
L’EPR, un pari d’avenir malgré les défis
Malgré ces débuts délicats, l’EPR incarne les promesses d’une énergie nucléaire plus sûre et performante. Avec sa puissance accrue et ses dispositifs de sécurité renforcés, il est conçu pour répondre aux besoins énergétiques de demain.
Les défis techniques et humains sont encore nombreux, comme le montre l’exemple de Flamanville. Mais la filière nucléaire française a démontré par le passé sa capacité à les surmonter. Un apprentissage est nécessaire pour maîtriser cette nouvelle technologie.
Le chemin sera sans doute encore long et semé d’embûches avant que l’EPR ne tourne à plein régime de façon optimale. Mais dans un contexte de transition énergétique et de lutte contre le réchauffement climatique, c’est un pari sur l’avenir qu’il faut savoir faire. L’enjeu est de taille pour garantir notre indépendance énergétique et réduire nos émissions de CO2.
Alors oui, les 50 anomalies de Flamanville interrogent et doivent être suivies avec vigilance. Mais elles ne doivent pas faire oublier les atouts de l’EPR et la nécessité de poursuivre son développement. C’est en avançant prudemment mais résolument que nous relèverons ce défi industriel et climatique majeur des prochaines décennies.
